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Les psychologues attirés par l’étranger pour fuir la saturation: «En Belgique, le tarif de la consultation n’est pas soutenable»

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Face à un marché du travail saturé, les psychologues sont tentés de quitter la Belgique. A l’étranger, les consultations sont nettement moins taxées et les offres d’emploi plus variées.

Loin des pénuries infirmières, le praticien de la santé mentale ne se dirige pas vers l’étranger uniquement pour améliorer ses conditions. Il le fait pour trouver un travail, tout simplement, face à un marché belge en pleine saturation.

La nature du métier veut que la langue soit un élément déterminant dans le choix de la destination. «Au sud du pays, les gens vont facilement vers le Luxembourg ou la Suisse francophone. Les Néerlandophones vers les Pays-Bas, et les Germanophones en Allemagne», liste Quentin Vassart, président de l’Union Professionnelle des Psychologues Cliniciens Francophones (UPPCF).

Psychologues: entre 50 et 100 euros la consultation

Plus que la question financière, ce sont surtout le statut et la reconnaissance du psychologue qui poussent les Belges à aller voir ailleurs. Aux Etats-Unis ou au Canada, par exemple, la pratique est mieux ancrée dans le champ de la santé. «Le travail est plus stimulant et appuyé par les dernières technologies. Par rapport à ces pays, la Belgique est en retard», relève Quentin Vassart.

Pourtant, la formation belge a bonne réputation. De qualité, moins chère et plus accessible qu’en France. «Les étudiants français viennent donc se former en Belgique. Ce n’est pas sans poser problème, puisqu’ils repartent ensuite exercer dans l’Hexagone», regrette le président de l’UPPCF.

Le psychologue exerce dans différents secteurs (santé, enseignement, aide à la jeunesse). Et son statut diffère. La rémunération oscille entre 50 et 100 euros la consultation d’une heure, les prix pouvant fortement varier selon les régions. Une fois cotisations et frais déduits, l’indépendant gagnera entre 2.300 et 3.500 euros net. Il est cependant plus exposé à la précarité que le salarié, car directement sanctionné en cas d’absentéisme du patient.

Laetitia, psychologue clinicienne de 43 ans et diplômée de l’UCLouvain en 2005, est partie aux Etats-Unis plusieurs années. «Pour trouver du travail, tout court, à la suite d’un stage en Floride.» Après plusieurs difficultés liées à la reconnaissance du diplôme (qui varie selon les Etats), la psy exerce d’abord comme «technicienne de santé mentale», avant une seconde expérience « dans la petite enfance » suivie d’un déménagement au Colorado. Mais l’American Dream ne se passe pas vraiment comme espéré.

Changement de cap et direction l’Allemagne, où elle complète une certification américaine, «pour mieux me spécialiser dans le burn-out et la douleur chronique, mais aussi pour préparer un retour éventuel aux USA.» Elle vit désormais en Bavière depuis 5 ans. «Grâce aux équivalences de diplômes européens, je suis capable de pratiquer en Allemagne en tant que psychologue clinicienne, sous mon agrément belge, entièrement en ligne. Un accord qui manque cruellement entre l’Europe et les USA», regrette-t-elle.

L’étranger taxe moins

De par son expérience, Laetitia estime que les conditions de travail ne sont pas toujours meilleures ailleurs. «La différence majeure réside dans la taxation.» En Belgique, le tarif moyen de 50 à 70 euros n’est, selon elle, pas soutenable. «Accompagner la douleur des autres est un travail qui demande de limiter le nombre de consultations par jour pour offrir une écoute empathique. Ce n’est pas compatible avec une charge de patients élevée.»

En comparaison, le tarif pour une consultation en Allemagne est de 90 euros ou plus. Aux US, elle dépasse les 100 dollars de l’heure. Avec une taxation moitié moindre qu’en Belgique. Dans notre pays, la saturation au niveau des remboursements de soins (20 euros par séance maximum) force les psy à adapter leurs tarifs à la baisse pour maintenir la consultation accessible.

Géraldine, psychologue clinicienne, a d’abord exercé dans le Brabant wallon et à Bruxelles. Après trois ans, elle décide de s’expatrier en Côte d’Ivoire, où elle trouve directement du travail. «Mon cabinet tournait bien pendant plus de deux ans. J’ai ensuite rejoint le Niger et une école américaine à Niamey. Actuellement, j’ai posé mes valises en Ouganda, pour quelques missions ponctuelles dans une école française et un rôle de psychologue volontaire pour une ONG.»

En Belgique, la concurrence est forte. Et lorsqu’on exerce dans une institution, il est difficile de pouvoir négocier un salaire qui correspond à sa formation.

Géraldine

Psychologue clinicienne expatriée en Afrique

Sur le continent africain, Géraldine a toujours pu trouver du travail très facilement. «En Belgique, la concurrence est forte. Des psy fleurissent de partout, remarque-t-elle. Et lorsqu’on exerce dans une institution, il est difficile de pouvoir négocier un salaire qui correspond à sa formation.»

Les horaires en Afrique permettent aussi une grande flexibilité, un rythme de vie assez agréable et une charge administrative moindre. «J’avais envie de sortir du cadre bien ficelé de la Belgique, où il est parfois difficile de s’extirper d’un domaine précis. A l’étranger, le manque de psychologues débouche sur une plus grande offre et permet d’exercer dans plusieurs domaines, avec une patientèle variée. Tout est plus humain.»

Seul bémol, la distance avec les formations belges, reconnues pour leur qualité. «Nous avons d’excellents formateurs et ne plus pouvoir y assister physiquement me manque. En Afrique, la santé mentale est un sujet trop peu abordé.»

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