Les médecins tentés de quitter la Belgique: «En Martinique, je fais des horaires moindres pour un meilleur salaire»
Les médecins belges ont la bougeotte. Les jeunes diplômés, surtout, sont séduits par le salariat français. Plusieurs raisons les poussent à fuir la Belgique.
Deux statistiques résument à elles seules le phénomène. La Belgique est le deuxième pays européen -proportionnellement à sa population- à former le plus de médecins, juste derrière le Danemark. Logiquement, ses jeunes pousses devraient donc être nombreuses sur le marché du travail.
Dans la réalité, le gap fait tousser: notre pays se situe 30% sous la norme européenne du nombre de médecins recommandé pour la tranche d’âge des 25-35 ans. «Une triste réalité, déplore Luc Herry, président de l’Association Belge des Syndicats Médicaux (Absym). Dans les cinq premières années de la profession, 20% des médecins abandonnent le métier ou quittent le pays.» A l’inverse, concernant les plus de 65 ans, la Belgique dépasse la moyenne. «Ce qui signifie donc que les praticiens expérimentés poursuivent au-delà de l’âge de la pension.»
Médecins: fuite de talents vers l’étranger
Dès lors, pourquoi les jeunes docteurs, en particulier, sont-ils attirés par d’autres contrées? Luc Herry note trois raisons majeures: «Un: la volonté de vouloir exercer une médecine plus humaine, éloignée des hôpitaux, avec des prises en charge médicales plus intéressantes. Deux: profiter du salariat français, moins imposé que le belge. Et trois: bénéficier d’une certaine flexibilité en début de carrière, en réalisant par exemple des remplacements dans divers pays.»
Malgré la multiplication par deux des numéros Inami en dix ans -ce qui a permis une plus grande accessibilité à la profession-, l’Absym craint que le taux d’imposition élevé accentue encore le phénomène de fuite de talents vers l’étranger. «Les médecins généralistes français gagnent 26 euros par consultation. Les Belges, 32 euros. Or, pour le même nombre de consultations, le médecin français percevra un revenu net supérieur au médecin belge, car largement moins imposé.»
Médecins: entre Luxembourg et Caraïbes
Parmi les destinations les plus prisées, le Luxembourg a la cote. Le pays attire une part importante des médecins frontaliers, où les consultations des généralistes atteignent aisément les 50 euros, avec un taux d’imposition moitié moindre qu’en Belgique.
Mais c’est surtout l’outre-mer français qui se taille la part du lion. Noémie, jeune médecin de 31 ans, s’est envolée pour la Martinique. Elle exerce sur l’île française depuis quatre années, après avoir réalisé ses études à Namur, Woluwé, et un début de carrière à Habay-la-Neuve. «A la fin de mon assistanat, j’ai ressenti le besoin de voyager, de voir autre chose.»
La qualité de vie est bien meilleure en Martinique. Je fais des horaires moindres pour un meilleur salaire.
Noémie
Médecin belge (31 ans)
Si les démarches administratives prennent un peu de temps -il faut compter deux mois pour débuter son activité-, la jeune médecin décide s’installer directement, sans passer par la case remplacement. «Je pensais rester un an. Mais très vite, j’ai adoré la vie sur l’île, le climat et les conditions de travail.» Au point que désormais, elle s’imagine mal replonger dans la grisaille belge. «La qualité de vie est bien meilleure en Martinique. Je fais des horaires moindres pour un meilleur salaire», résume-t-elle.
Quelques grains de sable, toutefois, débordent des plages paradisiaques: la pénurie de médecins reste importante, et les charges sont élevées. Mais au soleil, tout se ressent différemment. «Je pense que la médecine en Belgique est moins attrayante parce que la masse de travail est énorme, les gardes sont fréquentes, rudes et peu payées, estime Noémie. Ici, les shifts sont optionnels, et très bien rémunérés.»
La médecine en Belgique est moins attrayante parce que la masse de travail est énorme, les gardes sont fréquentes, rudes et peu payées.
Noémie
Médecin belge (31 ans)
Autre bonus proposé par l’île des Caraïbes: une majoration de cinq euros par consultation est octroyée aux médecins qui prennent en charge les enfants de moins de six ans. Une mesure inexistante en Belgique. «Et je soigne beaucoup d’enfants dans mes patients», conclut la jeune médecin, qui ne compte pas abandonner ces conditions de sitôt.
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