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Pilule et risque de thrombose: quel contraceptif est le plus à risque
Une étude danoise vient d’établir quel contraceptif hormomal est le plus à risque de provoquer des thromboses.
Si la pilule est le moyen de contraception le plus utilisé en Belgique, elle a perdu en popularité, en particulier chez les jeunes. Il faut dire que les contraceptifs hormonaux ont mauvaise presse ces dernières années, surtout depuis «la crise de la pilule». En 2012, une jeune Française de 18 ans avait attaqué en justice le géant Bayer et l’agence nationale de sécurité du médicament après avoir été victime d’un AVC présumé consécutif à la prise d’une pilule œstroprogestative de 3e génération. Une affaire qui a permis de mettre en évidence le fait que les contraceptifs hormonaux tels que la pilule peuvent augmenter le risque de thrombose (un caillot de sang qui se forme dans un vaisseau sanguin).
Une étude danoise, réalisée sur 1,4 million de femme pendant dix ans et publiée le 10 février dernier, a évalué le risque de développer une thrombose veineuse, pour chaque type de contraceptif hormonal (que ce soit la pilule, l’implant, l’anneau ou le stérilet).
Sans prendre de contraceptif hormonal, deux femmes en bonne santé sur 10.000 sont victimes de thrombose chaque année. Un événement rare mais potentiellement mortel, puisque qu’il peut entraîner une embolie pulmonaire si le caillot remonte jusque dans les poumons. Quand il se forme dans une artère, il y a un risque d’AVC ou d’infarctus du myocarde. Le tabagisme, l’obésité, les antécédents familiaux sont tout autant des facteurs qui augmentent le risque.
Les pires: les contraceptifs combinés 3e génération
L’étude confirme que les contraceptifs dit combinés, ou oestroprogestatifs, qui associent deux types d’hormones (l’œstrogène et un progestatif) sont les plus à risque. «C’est l’œstrogène qui augmente la coagulation du sang (et donc le risque de thrombose). Le progestatif assure la contraception, mais on y ajoute de l’œstrogène pour éviter les saignements irréguliers, explique Aude Béliard, gynécologue, cheffe de service au Centre Hospitalier Bois de l’Abbaye. En fonction de leur nature, les progestatifs viennent contrebalancer de façon plus ou moins importante le risque de thrombose.»
Ainsi, ce sont les pilules de 3e génération (de progestatif), développées dans les années 1990, qui sont les plus à risque. L’étude pointe particulièrement les pilules contenant les progestatifs désogestrel (commercialisé sous les noms de Mercilon, Varnoline….), drospirénone (Jasmine, Jasminelle, etc.) ou encore le gestodène (Minulet, Harmonet et génériques). Le risque de thrombose serait multiplié par quatre ou cinq, que ce soit avec la pilule, l’implant ou l’anneau contraceptif.
En fonction des pilules on passe de deux cas sur 10.000 jusqu’à douze ou treize, voire 16 sur 10.000 pour certaines, rapporte Jonathan Douxfils, pharmacologue à l’UNamur et fondateur de Qualiblood, une société de biotechnologies, qui a développé un test pour prédire les risques de thrombose.
La majorité des pilules ou contraceptifs combinés contiennent de «l’œstrogène de synthèse, appelé l’éthinylestradiol, qui se révèle le plus délétère pour la coagulation saguine. A côté, il existe aussi d’autres œstrogènes plus naturels, comme l’estradiol ou estétrol qui ont moins d’impact sur la coagulation», détaille Aude Beliard. Avec les pilules contenant ce type d’œstrogène, le risque de thrombose est réduit à cinq cas pour 10.000, voire moins, selon les travaux réalisés par Jonathan Douxfils.
Les contraceptifs 2e génération recommandés en «première intention»
Au regard des résultats, les progestatifs 2e génération, présents dans les contraceptifs combinés, présentent un peu moins de risque. «Ils ressemblent plus aux hormones mâles. Plus vous avez un progestatif qui n’est pas androgénique (qui ne ressemble pas à la testostérone), moins l’effet thrombotique des œstrogènes est contrebalancé», confirme Aude Béliard. Sous l’effet de ce type de pilule on passe à trois ou quatre thromboses par an pour 10.000, renseigne la spécialiste.
Raison pour laquelle les agences fédérales recommandent aux médecins de prescrire en première intention des pilules de 2e génération.
Les plus sûrs: les progestatifs seuls
Les contraceptifs les plus sûrs sont ceux qui ne contiennent seulement qu’un progestatif. Le risque est seulement multiplié par 1,8, selon les scientifiques danois. C’est par exemple le cas des pilules Cezarette, Microval, Slinda et de leurs génériques. «Les progestatifs seuls n’augmentent pas la coagulation du sang, affirme même la gynécologue. Il est bien de les réserver aux femmes qui présentent déjà des risques de thrombose».
Partant de ce constat, pourquoi les contraceptifs combinés continuent-ils d’être prescrits? Déjà, l’œstrogène permet de mieux contrôler le flux sanguin durant les règles. Sous progestatif seul, les menstruations peuvent être irrégulières et longues.
Si le progestatif est fort androgénique (hormone mâle), il peut entraîner des problèmes d’acné, de cheveux gras, de ballonnement, voire des troubles de l’humeur. Dans ces cas-ci l’œstrogène vient contrebalancer les effets du progestatif lorsqu’il est proche de l’hormone mâle, soutient Aude Béliard. «Tout contraceptif a des avantages et des inconvénients, c’est aux gynécologues d’évaluer les risques de thrombose chez la patiente lors de la prescription».
Les thromboses coûtent cher
Pour justement aider les praticiens dans cette évaluation, il existe désormais un test sanguin, nommé nAPCsr développé par la société fondée par Jonathan Douxfils et ses équipes. Au départ, il s’agissait d’un «test pour détecter les risques de thrombose d’une pilule lors de son développement clinique. Nous avons fait un modèle de prédiction du risque selon le type de pilule», raconte-t-il. Les pilules avec œstrogène naturel sont plus sûres par exemple, confirme-t-il.
Mais le test peut aussi être utilisé pour vérifier l’éligibilité à la pilule oetroprogestative d’une patiente, avant la prescription. Si la patiente présente un trop grand facteur de risque, elle est redirigée vers une pilule qui ne contient pas d’œstrogène. Le test peut aussi être réalisé par des patientes déjà sous pilule, pour pouvoir les rediriger ou non en fonction du résultat.
Par an dans l’UE, il y a 22.000 cas thromboses associés à la prise d’une pilule combinée. Près de 60% de ces thromboses sont liées à des facteurs héréditaires non identifiés car non testés, qui concernent 8 à 10% de la population. Le test nAPCsr pourrait identifier 97 à 98% de ces 60% ce qui permettrait d’éviter 13.500 thromboses par an, estime le pharmacologue.
Un avantage non négligeable pour les finances de santé, car les thromboses entraînent des dépenses à hauteur de 110.000 euros par thrombose par an, selon Jonathan Douxfils. «Il y a des séquelles cliniques et des séquelles sociales à une thrombose. Par exemple, 35 % des victimes ne se remettent pas à travailler à temps plein. Sans compter que les personnes qui ont fait une thrombose ont plus de risque d’en refaire», déroule-t-il.
Bien que chaque test coûte environ 70 euros, il permettrait de faire des économies. Le nAPCsr est actuellement disponible dans une série d’hôpitaux en Wallonie, mais Qualiblood vient de décrocher un accord avec un manufacturier français pour pouvoir développer des kits de diagnostic qui puissent être utilisés dans n’importe quel laboratoire belge, et bientôt européen, espère Jonathan Douxfils.
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