PFAS: pourquoi l’industrie continue à les utiliser, malgré leurs effets nocifs sur la santé
Malgré leurs effets néfastes sur la santé, les PFAS font partie intégrante de notre quotidien. Le toxicologue Alfred Bernard (UCLouvain) explique quand il faut s’inquiéter, et pourquoi les PFAS sont des substances incontournables pour l’industrie.
Les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) sont partout : dans les poêles à frire, vêtements imperméables, emballages, cosmétiques, etc. Ces substances chimiques ne sont pas naturelles, elles ont été développées par l’industrie dans les années 1950. Pourquoi ? Parce que les PFAS ont trois atouts majeurs : ils résistent à l’eau, aux graisses et à la saleté. De quoi les rendre incontournables dans toute une série de domaines. « Le fait que ces substances sont solubles dans l’eau et les graisses tout en pouvant les repousser est assez unique », explique le toxicologue Alfred Bernard (UCLouvain). Des propriétés inestimables pour l’industrie, mais à quel prix ? Les PFAS sont tellement résistants qu’il est très compliqué de les dégrader. Ils s’accumulent donc dans la nature et dans le corps humain, avec bien des effets néfastes.
« Au-delà d’une concentration de PFAS de 50 ng/l, il faut être attentif »
Le toxicologue Alfred Bernard (UCLouvain)
L’enquête menée par la RTBF pour l’émission #Investigation a rappelé qu’en 1970, l’industrie était déjà au courant de la toxicité des PFAS, révélée après des essais sur des animaux. 50 ans plus tard, ces substances restent omniprésentes dans notre quotidien. Comment l’expliquer ? « On a interdit l’utilisation des PFOA et des PFOS, qui sont les PFAS les plus toxiques, indique Alfred Bernard. L’industrie s’est adaptée en se tournant vers des PFAS moins problématiques (il y en a 4.700 différents, NDLR) ». Mais pour le toxicologue, trouver des substituts avec des propriétés semblables reste très compliqué.
Quand les PFAS sont-ils dangereux?
Si certains PFAS disparaissent de l’environnement en quelques semaines ou quelques mois, les PFOA et PFOS peuvent mettre des années à se dégrader dans la nature. Ce qui leur a valu le surnom de « polluants éternels ». Et en attendant de disparaitre, ils s’accumulent dans les sols, et peuvent contaminer l’eau. Ces deux composants ont été retrouvés en forte quantité dans l’eau potable de certaines communes wallonnes comme Chièvres. Une eau du robinet bue par la population, malgré que la Société wallonne des eaux (SWDE) était au courant.
« Ils m’ont contacté, et je leur ai expliqué qu’au-delà d’une concentration de PFAS de 50 nanogrammes par litre (ng/l) d’eau du robinet, il fallait regarder l’éventuelle présence de PFOA et de PFOS. Si ces composants sont moins présents et qu’on a une concentration de PFAS qui se rapproche de la norme américaine de 4 ng/l, alors il ne faut pas s’inquiéter ». Le toxicologue a participé à l’élaboration d’un rapport sur les substances problématiques présentes dans l’eau. Un rapport sorti en 2019 (!) et commandé par l’administration wallonne et la SWDE, qui mettait déjà en lumière une présence importante de PFOA et de PFOS dans l’eau potable.
Les effets des PFAS sur la santé: attention aux nourrissons
Les effets possibles des PFAS sur la santé humaine sont nombreux : diminution de la réponse immunitaire, augmentation du taux de cholestérol, hypertension, maladies cardio-vasculaires et… cancer. « Mais dans ce dernier cas, il faut être exposé 10 à 20 ans aux PFAS pour être à risque », rassure Alfred Bernard. Selon le toxicologue une exposition faible chez l’adulte n’est pas ou peu problématique, contrairement au nourrisson. « Un enfant de 6 mois ou un fœtus exposé à de faibles doses présentes dans l’eau peut plus facilement voir son immunité baisser. Les PFAS peuvent impacter le développement des organes et réduire le poids corporel à la naissance ». Les femmes enceintes sont donc tout en haut de la liste des personnes à risque.
« Il ne faut pas penser que tout sera résolu une fois qu’on aura identifié les PFAS »
Alfred Bernard
Ces autres substances nocives présentes dans l’eau
Depuis les révélations de la RTBF, la SWDE a lancé de nouvelles analyses sur l’eau potable dans les communes wallonnes, pour déterminer la présence de PFAS. « Il ne faut pas penser que tout sera résolu une fois qu’on aura identifié les PFAS, avertit Alfred Bernard. L’eau n’est pas pure, et d’autres substances potentiellement nocives pour la santé s’y trouvent, dans des proportions encore plus inquiétantes ». Le chercheur de l’UCLouvain évoque notamment le perchlorate, perturbateur endocrinien, et le trihalogénométhane, sous-produit de chloration potentiellement cancérigène.
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