L’eczéma atopique isole et déprime, comment lui faire la peau
Caractérisée par une sécheresse cutanée associée à un eczéma chronique, la dermatite atopique touche de nombreux enfants et une part croissante des adultes, en nuisant gravement à la qualité de vie.
Insomnie, difficultés scolaires et professionnelles, voire perte d’emploi: la dermatite atopique (DA) impacte grandement la qualité de vie des personnes qui en sont atteintes. Un grave problème de santé publique, surtout que cette affection cutanée figure parmi les plus fréquentes recensées dans les cabinets de dermatologie. Selon une étude publiée en 2022 par des dermatologues du CHU de Liège, 10% à 15% des enfants et environ 4% des adultes sont concernés en Europe.
Ses symptômes sont faciles à identifier. Dans un premier temps, les patients sont atteints de xérose. Autrement dit: leur peau devient facilement sèche. Survient ensuite un eczéma, qui peut se manifester de différentes manières. Certains souffrent de plaques rouges, d’autres de nombreuses crevasses liées à l’extrême fragilité de l’épiderme. Parfois, cela prend la forme d’une dyshidrose, un eczéma vésiculeux où de minuscules cloques remplies de liquide se forment, notamment aux mains et aux pieds. Les démangeaisons sont omniprésentes.
La maladie étant d’origine génétique, il impossible de s’en débarrasser. Les désagréments sont appelés à se répéter mais des solutions existent pour les limiter autant que possible.
Quand la peau craque
Comment s’explique la dermatite atopique? En temps normal, la surface de la peau est recouverte d’une barrière, le film hydrolipidique, ainsi que d’une couche cornée, afin d’éviter que des agents infectieux et des allergènes pénètrent dans l’organisme.
Avec la DA, plusieurs gènes sont défaillants (d’où des effets collatéraux, comme un risque accru de rhume des foins, d’asthme, etc.). C’est notamment le cas de celui qui code la filaggrine, une protéine clé qui sert de «ciment» aux cellules de l’épiderme. Sans elle, «la peau devient plus perméable, non seulement de l’extérieur vers l’intérieur, mais également voire surtout de l’intérieur vers l’extérieur, souligne le professeur Dominique Tennstedt, dermatologue aux Cliniques universitaires Saint-Luc. Cela facilite l’évaporation, au point que l’on parle de perte insensible d’eau. C’est ce qui rend la peau très sèche».
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Des allergènes (pollens, acariens, etc.) peuvent dès lors s’infiltrer dans cet épiderme fragilisé. Des cellules immunitaires les repèrent, jugent cette présence anormale et sécrètent une substance inflammatoire (constituée d’interleukines 4 et 13) afin de se débarrasser des parties endommagées de l’épiderme, déclenchant l’eczéma. Le grattage est proscrit. Cela créerait des microplaies favorisant l’entrée d’agents pathogènes dans l’organisme. En revanche, si l’eczéma se termine «en douceur», la peau est reconstituée. Ce ne sera malheureusement que temporaire, l’origine génétique de la maladie impliquant que le cycle se reproduise.
Comme le précise le Pr. Tennstedt, cet eczéma se manifeste le plus souvent sur différentes parties du corps en fonction de l’âge: «Chez le nourrisson de trois mois, cela commence sur les joues et le cuir chevelu, pour une raison inconnue. Chez les enfants, cela passe aux plis des genoux et des coudes. Puis, toujours sans qu’on ne sache pourquoi, l’ensemble du corps peut être atteint (dos, ventre, etc.). A la puberté, le bouleversement hormonal permet à la peau de devenir plus grasse, ce qui met généralement un terme à la DA. Si elle perdure à l’âge adulte, ce sont surtout les mains qui sont touchées, voire les pieds, même si ça peut continuer un peu partout.».
Empêcher la survenue de la dermatite
L’idéal pour contrecarrer ce phénomène serait d’éviter les allergènes. Sauf qu’il est impossible d’échapper totalement aux acariens, pollens, etc. On veillera par contre à supprimer de tout ce qui peut fragiliser la peau, insiste le dermatologue: produits ménagers, liquide vaisselle, huiles industrielles, gels douche et shampooings agressifs, etc. Idem pour les substances provoquant des allergies de contact (le nickel, le caoutchouc, les parfums, etc.). «Certains veulent se protéger avec des gants, mais la transpiration qu’ils provoquent aggrave l’atopie. La même chose se produit avec les chaussures», prévient-il. Les vêtements en laine sont également à déconseiller, à l’inverse du coton.
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Autre solution: les émollients, c’est-à-dire des crèmes plus ou moins grasses à appliquer sur la peau. Dans le commerce, «l’expression « crème hydratante » est souvent utilisée, mais en réalité, il faudrait dire « crème anti-déshydratante », parce qu’elles permettent de retenir l’eau, pas d’en apporter, relève Dominique Tennstedt. Ce type de produit doit être notamment utilisé après une douche chaude, car ce lavage décape la peau et il faut qu’elle puisse se réhydrater normalement.». Pour choisir de bons émollients, l’expert conseille de se fier aux pharmaciens. Et d’éviter absolument les crèmes contenant des parfums, puisqu’ils constituent des allergènes et des irritants. Généralement, les formules courtes, avec un minimum de composants, sont moins à risque.
L’exposition au soleil est un autre traitement simple. «En pénétrant dans la peau, les rayons ultraviolet A (UV-A) jouent le rôle de bactéricide, d’où la baisse de la réponse immunitaire. Cela explique que les DA sont plus faibles en été qu’en hiver, ainsi que dans les pays plus ensoleillés comme en Afrique (même si d’autres facteurs comme la faible pollution et l’exposition précoce à de nombreux allergènes jouent également un rôle dans ces régions, ndlr)». Des effets bénéfiques, à condition que cette exposition ne devienne pas excessive.
De nouvelles pistes
Lorsque l’eczéma se manifeste, les dermatologues proposent le plus souvent de la cortisone. Elle est très efficace mais provoque un affinement de la peau. A long terme, le médicament peut donc pénétrer plus facilement dans l’organisme et provoquer des effets secondaires, admet Dominique Tennstedt.
Les scientifiques planchent donc sur d’autres solutions. Le dermatologue en cite plusieurs: des crèmes immunomodulatrices comme le tacrolimus et le pimécrolimus, des anti-interleukines 4 et 13 en injection sous-cutanée, ou encore des comprimés anti-JAK. Généralement, ces médicaments sont chers et font parfois encore l’objet de recherches. Certains de leurs inconvénients potentiels n’ont donc pas encore été mis au jour.
Dernièrement, plusieurs études ont également démontré que des souris saines développaient une DA lorsque leur microbiote était modifié, ce qui laisse présumer un lien. «Attention: il s’agit ici du microbiote cutané, pas intestinal, précise Dominique Tennstedt. On pourrait néanmoins imaginer des «probiotiques pour la peau» afin de résoudre le problème, mais cela reste à l’état d’étude».
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