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Le détournement de l’Ozempic, initialement un antidiabétique, pour perdre du poids a provoqué une rupture des stocks en Belgique. © Getty Images

Les restrictions de vente d’Ozempic prolongées: voici les dangers insoupçonnés des «injections minceur»

Olivia Lepropre Journaliste au Vif
Ludivine Ponciau Journaliste au Vif

Le détournement de l’Ozempic, initialement un antidiabétique, pour perdre du poids a provoqué une rupture des stocks. En Belgique, la mesure pour le réserver aux patients atteints de diabète de type 2 et d’obésité sévère est prolongée. Derrière cette popularité se cachent des effets indésirables, parfois insoupçonnés.

Une piqûre miracle pour maigrir? Plusieurs médicaments, développés pour traiter le diabète, sont aujourd’hui utilisés dans le but de perte du poids. En effet, le principe actif qu’ils contiennent imite l’action d’une hormone intestinale (GLP-1) qui agit sur le taux de sucre dans le sang et réduit l’appétit.

La demande mondiale pour ce type de produits est croissante et ne tarit pas. En Belgique, la disponibilité de l’Ozempic, médicament phare, est donc toujours limitée et devrait le rester au moins jusqu’en février 2025. Les mesures prises depuis l’automne dernier pour réserver l’injection aux patients souffrant de diabète de type 2 et d’obésité sévère ont dès lors été prolongées et seront réévaluées en novembre.

Sémaglutide et liraglutide

Il en existe deux grandes catégories. Le liraglutide, retrouvé dans le Saxenda, est une injection par jour à une dose élevée et un des premiers à avoir été autorisé pour l’obésité. Le second est le sémaglutide, avec injections hebdomadaires. C’est le cas de l’Ozempic, détourné en Belgique de son objectif antidiabétique, ou du Wegovy, qui n’est pas encore sur le marché belge. Avec une différence notable de prix : environ 100 euros par mois pour l’Ozempic, jusqu’à 1000 dollars par mois pour le Wegovy.

Qui dit médicament dit effets secondaires. Les plus fréquents sont des symptômes gastro-intestinaux légers à modérément sévères. «Principalement des troubles digestifs, en particulier les nausées, et plus rarement des diarrhées et vomissements», confirme Agnès Burniat, endocrinologue à l’hôpital Erasme. Cela fait d’ailleurs partie des causes d’arrêt (environ 5%) du traitement. Les effets plus graves sont rares, certains affectant la vésicule biliaire, le pancréas et le foie.

Une prise progressive

Aux Etats-Unis, des plaintes ont été lancées contre le fabricant de l’Ozempic, Novo Nordisk. Parmi les effets néfastes pointés du doigt figure la gastroparésie, le fait que l’estomac se vide plus lentement. Pas étonnant, selon Agnès Burniat: «Cela fait partie des mécanismes qui interviennent dans la perte de poids. Il y a un ralentissement de la vidange gastrique qui est lié à l’effet du médicament». D’autant que la prise du traitement est progressive: «Les patients ne vont jamais prendre la dose maximale directement. D’abord de petites, pour vérifier qu’ils ne vomissent pas et qu’ils les tolèrent. On fonctionne ensuite par gradation, si tout se passe bien. Les troubles digestifs ont souvent lieu au début, et puis s’atténuent. Cela reste relativement limité

Selon Novo Nordisk, ces effets sont bien connus et documentés dans la notice. Mais pour une plaignante américaine, l’Ozempic, ainsi que son concurrent Mounjaro (de la firme Eli Lylli), lui ont causé de graves vomissements et des douleurs qui l’ont conduite à l’hôpital. D’autres plaintes ont été intentées contre les deux sociétés, accusées de minimiser ou d’omettre des effets comme que la paralysie de l’estomac ou l’obstruction intestinale. Les entreprises, ainsi que les instances de santé, tirent par ailleurs la sonnette d’alarme sur les « faux » stylos injecteurs. Ces versions non homologuées, qui circulent sur internet, peuvent engendrer des effets bien plus graves.

Pas au tout-venant

Des chercheurs de l’Université de la Colombie-Britannique (Canada) confirment l’augmentation du risque de problèmes gastro-intestinaux. Selon l’étude, les patients avaient neuf fois plus de risque de développer une pancréatite, et plus de quatre fois plus de risque de souffrir d’une occlusion intestinale. Pour la gastroparésie, le risque était plus de trois fois plus élevé.

Des résultats qui démontrent la nécessité de prescrire ces médicaments à ceux qui en tirent un réel bénéfice, avec une obésité ou un excès de poids avec comorbidités (hypertension, diabète…). Et non à ceux qui voudraient juste perdre quelques kilos. «On a dévié vers une prescription pour n’importe qui, y compris pour de petits excès de poids. Le côté facile attire : on se pique, et on ne doit plus faire d’effort. L’effet est aussi cérébral : les gens ont moins envie de manger et sont moins attirés vers les aliments caloriques. Et donc il a y moins de frustration.» Les études ont en outre été combinées à un régime et une activité sportive régulière.

Pensées suicidaires, une question en suspens

Certains effets potentiels posent question. Après plusieurs signalements, l’Agence européenne des médicaments (EMA) enquête sur un possible lien entre la prise d’Ozempic et le développement de pensées suicidaires et d’automutilation. «On sait qu’il y a un effet au niveau cérébral, que cela peut agir sur le système de la récompense», explique l’endocrinologue. «Il faut être vigilant. D’autant que d’autres médicaments utilisés pour la perte de poids ont été retirés du marché à cause de problèmes psychiatriques.»

Difficile d’établir un lien formel entre les deux, alors qu’environ 10% de la population éprouve des pensées suicidaires passagères. «Il faut respecter les indications et assurer un suivi médical

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Illustration d’un récepteur inactivé du GLP-1 entouré de molécules de sémaglutide. © Getty Images/Science Photo Libra

«Ozempic face», pas un phénomène nouveau

L’aspect esthétique peut également surprendre. Sur TikTok, on pointe « l’Ozempic face », le « visage Ozempic », mines creusées à l’appui. De même pour les fesses (« Ozempic butt ») et les seins (« Ozempic boobs »). Si le phénomène est devenu viral, il n’est ni neuf, ni spécifique à un médicament, mais tout simplement la cause d’une perte rapide de poids. Car si la peau a des propriétés élastiques, elle a besoin de temps pour reprendre forme.

L’endocrinologue confirme, mais précise qu’en général, perdre dix kilos en un mois sous Ozempic, « ce n’est pas la majorité ». Le Wegovy et le Mounjaro font perdre davantage. Si ces traitements révolutionnent la prise en charge de l’obésité, il faut rester vigilant sur leurs effets au long cours et le coût que représente un traitement potentiellement « à vie ».

Des effets bénéfiques

Le sémaglutide semble avoir, aussi, un effet bénéfique, bien que limité, sur les risques d’infarctus et d’AVC. Le Wegovy, approuvé pour la perte de poids aux Etats-Unis, y est également autorisé pour réduire les risques cardiaques chez les personnes obèses atteintes de maladies cardiovasculaires. « Ces molécules sont vraiment intéressantes, réagit Agnès Burniat. Cela diminue aussi la stéatose hépatique, le foie gras. Il n’y a pas que la perte de poids et l’amélioration de la glycémie. »


Marché parallèle: de gros risques pour le patient

Pour faire face à la pénurie d’Ozempic, de nouvelles règles limitant la prescription du médicament ont été coulées fin 2023 dans un arrêté royal. Les médecins étaient tenus de réserver les analogues du GLP-1 aux patients diabétiques de type 2 et aux patients atteints d’obésité sévère, soit dont l’IMC est supérieur ou égal à 35 ou à 30 mais accompagnée de comorbidités liée au poids. Une mesure qui a été prolongée en juin 2024, la disponibilité du médicament en Belgique étant toujours limitée.

Sont visés: l’Ozempic, bien entendu, mais également le Rybelsus, le Victoza, le Trulicity et le Bydureon. Les patients souffrant d’obésité mais qui n’ont jamais été traités par analogues du GLP-1 ne peuvent se faire délivrer le médicament que par un endocrinologue, du moins pour la première prescription.

Une mesure que l’Association Belge des Syndicats Médicaux (ABSyM) a très vite qualifiée de contraire à la liberté thérapeutique. En accord ou non avec ces nouvelles directives, les généralistes, comme les endocrinologues, sont tenus de s’y plier.

Mais qui s’assure que c’est bien le cas? Des contrôles sont menés par l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (Afmps) auprès des médecins, en collaboration avec le SPF Santé publique. Ce qui est délivré en pharmacie fait l’objet d’un inventaire sur la base d’un planning annuel, à moins qu’une plainte n’ait été déposée ou qu’une action spécifique ne soit menée. «Mais l’AFMPS n’est pas compétente pour vérifier en pharmacie si le patient est éligible pour recevoir l’Ozempic», précise l’organe au Vif. A ce jour, l’Afmps n’a pas été informée d’irrégularités dans la délivrance du très populaire médicament. Elle a en revanche été contactée par des patients qui devaient être traités à l’Ozempic et qui ne parvenaient pas à s’en procurer.

Pour l’instant, aucune réflexion n’est menée sur la possibilité de prescrire l’Ozempic à un plus large public si la pénurie venait à prendre fin. «Cependant, précise l’Afmps, des indications peuvent s’ajouter formellement à l’autorisation de mise sur le marché et à la notice, après approbation par les autorités compétentes concernées. D’ici là, en cas de prescription en dehors des indications autorisées, le médecin reste responsable pour cette utilisation off-label».

En plus des soucis d’approvisionnement qui compliquent la vie des diabétiques, un autre problème inquiète les professionnels de la santé : la vente de fausses injections. Des personnes désireuses de perdre quelques centimètres mais qui ne répondent pas aux critères médicaux, et qui se sont heurtées à un refus légitime de leur médecin, tentent de se procurer le médicament par des voies détournées. Or, ces contrefaçons, en plus de ne garantir aucune efficacité, peuvent être dangereuses pour la santé. Selon Novo Nordisk, la firme qui produit l’Ozempic, une Belge serait tombée dans un coma diabétique après s’être injecté une dose contenant cinq fois plus d’insuline que la dose recommandée. En octobre 2023 déjà, plusieurs personnes avaient été hospitalisées en Autriche pour les mêmes raisons.

L’agence fédérale des médicaments et des produits de santé met régulièrement la main sur des colis postaux contenant des injections importées illégalement, dont une partie sont en réalité de faux médicaments. «Commander des médicaments falsifiés par internet, par des autres voies que des pharmacies habilitées en Europe, met à risque la santé du patient. Il n’y a aucune garantie que le produit soit fabriqué d’une manière conforme, ni quant à sa composition, ni quant à son dosage», met en garde l’Afmps. L’Agence dispose d’un service spécifique, une unité spéciale d’enquête qui, en collaboration avec les douanes, la police, le SPF Economie et les autorités des autres pays, lutte contre les pratiques pharmaceutiques illicites.

Ludivine Ponciau

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