Origine du Covid : « La thèse d’un virus sorti accidentellement d’un laboratoire n’est plus considérée comme complotiste »
Dans la recherche des origines et des conditions d’apparition du SARS-CoV-2, il existe de nombreuses similitudes entre le SIDA et le Covid-19. Dans un cas comme dans l’autre, cette recherche a fait la part belle aux théories du complot parfois complètement farfelues, mais pas toujours. Nathan Clumeck, professeur émérite en maladies infectieuses, tente de démêler le vrai du faux dans son nouvel ouvrage, « La menace virale: toutes les questions que vous vous posez encore sur le Covid-19 ».
Entrons-nous dans une ère de pandémies ? Pourquoi les variants sont inquiétants ? Pourquoi l’OMS est-elle résistante à admettre l’idée d’une transmission aérogène ? Pourquoi certaines personnes sont malades et d’autres pas ? Dans son nouvel ouvrage, « La menace virale: toutes les questions que vous vous posez encore sur le Covid-19 » (Genèse édition), le professeur Nathan Clumeck revient sur les 15 points qui font souvent encore débat en ces temps de pandémie, pour tenter de leur apporter une réponse aussi simple que limpide.
Parmi ces questions, le spécialiste des maladies infectieuses et chef de service honoraire à l’Hôpital universitaire Saint-Pierre à Bruxelles revient sur l’orgine de du SARS-CoV-2. « Quand on cherche à identifier [cette] origine, on retrouve exactement les mêmes séquences qu’au début des années 80 avec le VIH, soit des théories complotistes en tous genres, interrogations sur le réservoir animal et le saut d’espèce, origine incertaine faisant l’objet de nombreuses spéculations », explique-t-il.
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Dans son ouvrage, dont Le Vif a pu avoir les bonnes feuilles, Nathan Clumeck évoque les affrontements entre les Etats-Unis et la Chine, dès le début de la pandémie, alors que le président Trump clamait -sans apporter la moindre preuve- que le « virus chinois » était sorti d’un laboratoire, avec la bénédiction des autorités locales qui auraient donné leur feu vert pour que des avions aillent infecter le monde.
« Ces affirmations ont nourri les préjugés suggérant que les Américains d’origine asiatique seraient responsables de la propagation de l’épidémie aux États-Unis. Elles ont conduit à des incidents ou à des délits racistes. En France, le prix Nobel de médecine Luc Montagnier a même affirmé que le SARS-CoV-2 était un virus fabriqué qui comportait des séquences du VIH intentionnellement insérées. », rappelle le spécialiste dans son livre.
Qui ajoute: « Aujourd’hui, la thèse d’un virus sorti accidentellement d’un laboratoire n’est plus considérée comme complotiste, mais comme une hypothèse à explorer. Les refus répétés des autorités chinoises d’une enquête internationale indépendante sur le laboratoire de virologie de Wuhan, où sont stockés des milliers de données génétiques sur les virus de chauves-souris, entretiennent la suspicion sur le rôle de ce laboratoire dans la genèse de la pandémie. »
Une enquête policière
Pour retracer l’origine du SARS-CoV-2, il a fallu remonter à 2012, rappelle Nathan Clumeck. A l’époque, six mineurs d’une province située à 1 500 kilomètres de Wuhan avaient été hospitalisés pour une pneumonie grave. Ils travaillaient dans une mine de cuivre désaffectée peuplée de colonies de chauve-souris. Trois de ces hommes étaient décédés, écrit-il.
« La description clinique précise des six cas fait alors l’objet d’un mémoire par un jeune médecin qui conclut que la pneumonie des mineurs est due à un virus de chauve-souris de type SARS-CoV. Des centaines d’échantillons sont alors envoyés à l’Institut de virologie de Wuhan qui isole, parmi une dizaine de coronavirus de type SARS, un coronavirus appelé « RaTg13 », abréviation composée de l’espèce (Ra-Rhinolophus affinis), du lieu de la découverte (TG-Tongan) et de l’année de découverte (13 pour 2013). Ce virus possède un génome similaire à plus de 96 % avec le SARS-CoV-2 humain.(…) «
La piste de la chauve-souris a aussi été relancée plus récemment par une étude de l’institut Pasteur de Paris, portant sur des grottes au Laos, où des virus proches du Covid avaient été identifiés.
Mais comment ceux-ci auraient-ils réussi à être transmis à l’humain ? « Deux hypothèses sont possibles, répond Nathan Clumeck dans son ouvrage. La première, c’est qu’à l’instar d’autres virus et par des mécanismes bien connus de transfert et d’échange de portions de génomes entre virus, il est possible qu’il se soit recombiné, dans la nature, avec un autre virus (non identifié) : chez une espèce de chauve-souris non encore identifiée ou chez un hôte intermédiaire (également encore non identifié). La deuxième, c’est qu’il serait le résultat d’expériences dites de « gain de fonction ». Ces expériences, limitées à peu de laboratoires de recherche en virologie dans le monde, ont fait l’objet de débats éthiques intenses à cause de leur dangerosité potentielle et ont fait l’objet d’un moratoire entre 2014 et 2017. En forçant l’évolution d’un virus, elles ont comme objectif de mieux comprendre la nature des modifications moléculaires qui augmentent la transmissibilité, la pathogénicité et la faculté éventuelle des virus à franchir la barrière d’espèces ».
Nathan Clumeck rappelle que l’Institut de virologie de Wuhan a participé à des expériences de ce type avec des financements américians. Dès lors, une « erreur de manipulation » ou un « accident » sont « deux hypothèses qui ne peuvent être exclues que par l’accès aux bases de données du laboratoire et au personnel manipulant des échantillons de prélèvements de chauves-souris. Plusieurs de ces techniciens de laboratoire auraient été malades en novembre 2019, d’après certaines informations démenties par les autorités chinoises. »
Quoi qu’il en soit, conclut-il, étant donné que la Chine refuse tout accès aux données du laboratoire de Wuhan, » il est peu probable qu’on ait un jour une réponse formelle à la question de l’origine du SARS-CoV-2. Une enquête de la CIA a néanmoins conclu que l’hypothèse d’un virus fabriqué comme arme biologique pouvait être exclue. »
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