Neuf questions sur les cheveux gris: « Au fond, les cheveux gris n’existent pas »
L’année dernière, il y a eu une hausse étonnante de recherches du mot « grisonner » sur le réseau social Pinterest. Les mèches grises, clame le site, sont tendance. Une annonce qui soulève les questions suivantes.
1. Pourquoi les cheveux gris sont-ils soudain tendance ?
Hilde Francq: (observatrice de tendances et experte en couleurs, Francq Colors) De nos jours, l’idéal de beauté est beaucoup plus diversifié et inclusif. Autrefois, presque tous les mannequins sur le podium étaient jeunes, extrêmement minces et pâles. Maintenant, ils ont des couleurs de peau différentes et il y a de la place pour différents types de corps. Un certain nombre de grandes marques, telles que Balenciaga et Dries Van Noten, engagent également des mannequins plus âgés. Depuis quelque temps, on en voit aussi dans les campagnes publicitaires. Habituellement, ce sont des personnes cool au look très éloigné de la grand-mère typique.
Il y a une autre tendance : les cosmétiques sans ingrédients chimiques agressifs. La teinture capillaire peut être agressive. C’est pourquoi de nombreuses personnes préfèrent le « naturel « . Cette tendance s’inscrit dans d’autres mouvements, notamment la suppression de parabènes. Ou plus radical encore : le mouvement « no poo », qui interdit même tous les shampooings. Ce qui est écologique est cool.
Et enfin, il y a la tendance du naturel. Pour beaucoup de gens, les cheveux gris sont simplement leur couleur, qu’ils le veuillent ou non.
2. Pourquoi les uns grisonnent-ils à 30 ans, et les autres à 60 ans?
Desmond Tobin: (biologiste cellulaire et professeur de dermatologie, University College Dublin) Avec d’autres chercheurs, nous avons mené une étude génétique auprès de plus de 6000 personnes. Nous avons voulu déterminer quels gènes sont impliqués dans les phénomènes relatifs aux cheveux: le type de cheveux, la couleur, la pousse de barbe, la calvitie… Les participants étaient tous assez jeunes, mais, étonnamment, nous avons également pu voir des associations génétiques pour les cheveux gris. Surtout le gène IRF4, qui est présent chez tout le monde, mais sur lequel on voit souvent des variations, joue un rôle important. Il semble avoir une influence sur les cellules souches pigmentaires dans les cheveux. S’ils « abandonnent », vos cheveux grisonnent.
Jan Gutermuth: (Chef du service de dermatologie de l’UZ Brussel) Les facteurs génétiques sont en effet impliqués. Pour les personnes d’origine nord-européenne, il est normal de grisonner dès l’âge de trente-cinq ans. Scientifiquement, nous appelons cela la canitie : un processus physiologiquement normal. À l’âge de cinquante ans, environ la moitié de la population a des cheveux blancs visibles, car les cheveux gris n’existent pas. On a des cheveux blancs, mais le mélange de cheveux pigmentés et dépigmentés les fait paraître gris.
3. Les femmes grisonnent-elles plus rapidement que les hommes?
Tobin : Non, d’un point de vue purement biologique, il n’y a aucune différence. On voit peut-être plus d’hommes, mais c’est davantage lié à l’histoire plus ancienne de la « cosmétisation » féminine. Elles ressentent plus de pression sociale pour teindre leurs cheveux gris, bien qu’aujourd’hui le vent semble tourner.
Francq : Il y a dix ans, presque toutes les femmes se teignaient les cheveux pour cacher le gris, alors qu’aujourd’hui, il y a un grand nombre de femmes qui les laissent « naturels ».
4. La canitie est-elle aussi déterminée par la géographie ?
Tobin : Il y a en effet des différences selon l’origine ethnique. En moyenne, les Européens sont plus vite touchés que les Africains. Et chez les Asiatiques, ça arrive encore plus tard. C’est peut-être lié à l’évolution humaine. Le berceau de l’humanité se trouve en Afrique. À cette époque, la pigmentation dominante était les cheveux foncés, les yeux bruns et la peau foncée, l’idéal pour un continent aux concentrations d’UV élevées. Quand on s’est mis à migrer vers d’autres parties du monde, on a eu des mutations génétiques qui les ont rendus plus adaptés au climat. Une couleur de cheveux plus claire, associée au gène IRF4 tout comme le gris, en fait partie. Les Européens étaient plus exposés au stress climatique, en particulier dans le nord de l’Europe. Grâce à l’épigénétique, nous savons que de telles choses peuvent avoir des conséquences pour les générations futures.
De plus, le mode de vie dans le monde occidental – peu de sommeil, beaucoup de travail, beaucoup de mauvaise nourriture – est moins sain que dans de nombreuses autres parties du monde, ce qui pourrait également avoir une influence sur le « grisonnement ».
5. Certaines personnes ont les cheveux noirs et la barbe grise.
Gutermuth: La biologie des cheveux diffère selon les parties du corps. Les poils de barbe poussent plus vite et piquent : c’est un poil différent de celui de la tête. Généralement, les hommes ont d’abord la barbe qui grisonne. Les cellules pigmentaires y sont plus actives, de sorte qu’elles s’épuisent plus rapidement.
Sur la tête aussi, vous voyez des différences : en général, ce sont d’abord les tempes qui grisonnent, et ensuite seulement le haut du crâne. C’est tout à fait normal. Mais si une tache blanche apparaît sur la tête, il y a lieu de s’inquiéter. Il pourrait s’agir d’achromotrichie, une dépigmentation liée à plusieurs maladies.
6. Le stress peut-il vous faire grisonner?
Tobin : Le stress psychosocial affecte notre système immunitaire et le gène IRF4 est lié à ce système. Donc oui, il est fort probable que le stress joue également un rôle dans les cheveux gris. Il suffit de regarder quelqu’un comme Barack Obama : après huit ans à la Maison-Blanche, il était presque complètement gris. Mais il y a plusieurs preuves de l’effet de ce qu’on appelle le stress oxydatif : l’impact des radicaux libres sur notre corps, entre autres choses. Les cellules pigmentaires adultes y sont très sensibles. Par exemple, nous savons, d’après des études de jumeaux, qu’en moyenne les fumeurs grisonnent et perdent leurs cheveux plus rapidement que les non-fumeurs. La pollution atmosphérique peut également jouer un rôle.
Gutermuth: En littérature, il y a des cas de personnes qui deviennent complètement blanches en une nuit. C’est probablement une forme extrême d’alopécie areata : une maladie auto-immune où les patients perdent tous leurs cheveux. Parfois ils repoussent, mais souvent complètement blancs. Les cheveux blancs ont plus de résistance que les cheveux pigmentés.
7. Si on arrache un cheveu gris, il y en a trois qui viennent à l’enterrement?
Gutermuth : C’est une fable. On peut arracher ses cheveux gris – ou plus blancs – mais ils repousseront. Et ils seront toujours blancs. Les arracher ne créera pas plus de nouveaux cheveux blancs.
8. Existent-ils des remèdes miracles qui font disparaître les cheveux gris ?
Gutermuth: Non. Si jamais on découvre une bonne substance active, les entreprises la commercialiseront en un rien de temps et plus personne ne sera gris. Mais je n’oserais pas parier là-dessus.
Tobin : Le mode de vie peut parfois jouer un rôle. Il faut toujours regarder d’abord sa famille proche : leurs cheveux étaient-ils tout blancs à 30 ans, ou seulement à 50 ans ? Dans le premier cas, il vaut mieux dire que vous aussi aurez bientôt les cheveux dépigmentés. Sinon, il vaut la peine de mettre beaucoup d’antioxydants au menu et surtout ne pas fumer : vous pourrez peut-être ralentir un peu le processus.
9. Les chercheurs pourront-ils bannir les cheveux gris?
J’ai de sérieux doutes à ce sujet. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. De nombreux gènes régulent plus d’une chose. La calvitie est un « problème » similaire : elle est fortement influencée par l’hormone testostérone – mais si vous la bloquez, vous faites beaucoup de dégâts. À l’avenir, les scientifiques sont plus susceptibles d’essayer d’influencer les protéines associées aux cheveux gris. Ils réalisent le script génétique et ont moins d’impact sur les autres processus.
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