La technique du Lasik est à l’origine de l’essor considérable de la chirurgie réfractive. © getty images

Myopie, astigmatisme, presbytie…: le laser peut-il tout corriger?

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Longtemps présentée comme la «chirurgie de la myopie», la chirurgie réfractive permet aussi de corriger l’astigmatisme, l’hypermétropie ou encore la presbytie.

L’œil myope, qui souvent est un œil sain, est «trop long» ou sa cornée trop bombée. L’œil hypermétrope, lui, est «trop court». L’astigmatisme est une anomalie des courbures de la cornée. Enfin, la presbytie est le résultat de la perte de déformabilité du cristallin indispensable pour accommoder et ainsi voir de près. Elle survient toujours après l’âge de 40 ans. Pour tous ces défauts, les ophtalmologistes ont une solution: la cornée, puissante lentille située à l’avant de l’œil, parce qu’elle laisse facilement passer les rayons lumineux. On la cisaille parfois au bistouri, on l’aplatit ou encore on l’arrondit au laser, au centre et en périphérie. En modifiant la courbure de ce tissu transparent, le chirurgien adapte son pouvoir de réfraction et règle la focalisation rétinienne. En effet, chez les myopes, les hypermétropes et les astigmates, les images n’arrivent pas exactement au bon endroit sur la rétine et elles ne sont dès lors pas vues nettes sans correction.

La technique PKR est moins adaptée pour corriger des défauts importants.

A chaque situation sa technique

Pour corriger ces défauts de réfraction, plusieurs techniques existent, dont l’outil majeur demeure le laser. La première (et la plus ancienne), dite PKR (photokératec- tomie réfractive), s’adresse aux personnes dont la cornée est très mince et dont la vision ne requiert qu’une correction légère ou modérée. D’abord, le chirurgien «épluche» la cornée en la grattant, retirant l’épithélium, sa couche superficielle – elle est faite de couches successives de tissus comparables à celles d’un oignon. Puis, il enlève quelques microns en surface, en les vaporisant au laser Excimer (1). L’œil reste douloureux pendant un à trois jours et la récupération visuelle n’est pas immédiate. En effet, l’épithélium qui recouvre la cornée est détruit là où est passé le rayon laser et demande quelques jours pour se régénérer. L’acuité visuelle est bonne au bout d’un à trois mois.

La seconde technique, baptisée Femto Lasik, à l’origine de l’essor considérable de la chirurgie réfractive au cours des vingt dernières années, repose sur le même principe que la PKR – l’abrasion d’une quantité déterminée de la cornée – mais diffère dans sa réalisation. Ici, le praticien sculpte la cornée en profondeur. Il s’agit de découper une sorte de volet cornéen, ou de «capot», puis de le soulever et de le rabattre sur le côté pour intervenir au laser et enlever plus ou moins d’épaisseur. Le chirurgien rabat le lambeau de cornée – qui a gardé son épithélium de surface – et tout se referme sans suture. L’épithélium étant préservé, les suites opératoires sont indolores. La récupération visuelle est rapide: moins de 24 heures. Ce processus permet de corriger des myopies et des astigmatismes plus forts.

Grâce à l’utilisation d’un laser femtoseconde, qui produit des impulsions ultracourtes, les complications (halo, éblouissement, sécheresse oculaire, dégradation de la vision nocturne dans les mois suivants l’intervention) sont quasi exceptionnelles et les risques opératoires très limités. C’est d’ailleurs exclusivement sur lui que s’appuie la technologie la plus récente – encore peu utilisée en Belgique – pour corriger la myopie et l’astigmatisme: le Relex Smile (small incision lenticule extraction), qui permet de réparer ces défauts sans ouvrir la cornée (Lasik) ni retirer la couche superficielle de la cornée (PKR). Un peu comme on grave un CD numérique, un fragment de la cornée est découpé au laser puis retiré manuellement par le chirurgien au travers d’une micro incision.

La PKR est la plus ancienne des techniques. Après avoir retiré l’épithélium (à gauche), le chirurgien enlève quelques microns en surface, à l’aide du laser.
La PKR est la plus ancienne des techniques. Après avoir retiré l’épithélium (à gauche), le chirurgien enlève quelques microns en surface, à l’aide du laser. © Universal Images Group via Getty

Cette diversité de techniques permet de s’adapter aux situations. Elles sont efficaces pour des myopies inférieures à – 6, pour le PKR, et jusqu’à – 9 pour le Lasik. Les mêmes techniques sont applicables aux autres troubles – hypermétropie et astigmatisme – dus à des défauts de réfraction et à certains traitements de la presbytie. Au-delà, le laser ne fait pas de merveilles. «Le laser creuse la cornée pour l’aplanir. Plus la myopie est forte, plus il faut creuser pour la remodeler. Si celle-ci n’est pas assez épaisse, ou si sa surface est déformée, on ne peut pas opérer», détaille Vincent Qin, ophtalmologiste à l’hôpital Delta (Chirec), à Bruxelles, et au CHU UCL Namur Sainte-Elisabeth. En effet, une cornée mesure 550 micromètres et la fourchette d’intervention est au maximum de 20% d’ablation, soit environ moins de cent micromètres.

Si la cornée n’est pas assez épaisse, on ne peut pas opérer.

Pour corriger les fortes myopies, la sculpture de la cornée est donc impossible. Au lieu de tailler dans la cornée, le chirurgien peut proposer des implants souples ou rigides, posés à l’avant du cristallin, qui, selon l’âge du patient, demeurent ou non en place. Ces gestes, plus à risque que les techniques laser, restent rares.

Des opérations non remboursées

Mais tous les porteurs de lunettes ou de lentilles de contact ne sont pas opérables. Les hypermétropes forts ne sont pas éligibles, comme ceux qui souffrent de pathologies oculaires (herpès, uvéite…), de maladie auto-immunitaire active, d’un diabète mal équilibré, d’une cataracte, d’un glaucome (trop de tension dans l’œil), d’un kératocône (une cornée en forme de cône)… Il faut attendre une stabilisation du défaut, qui survient au-delà de 21 ans pour la myopie. Il doit être stable depuis au moins un voire deux ans. Au terme d’un bilan préopératoire, les chirurgiens récusent 20% des patients. L’âge peut être un critère d’exclusion. Ainsi, pour les presbytes, l’opération au laser vise les plus de 45 ans ayant une presbytie mais qui présentent également une myopie, une hypermétropie ou un astigmatisme. A partir de 55 ans, on lui préfère les implants intraoculaires multifocaux. Une épaisseur de la cornée insuffisante est également un critère d’exclusion, ce qui survient dans 5% à 10% des cas. Les patients fragiliseraient trop leur cornée.

Malgré son coût (entre 1 025 et 2 000 euros l’œil), non remboursé par la sécurité sociale (certaines mutuelles proposent des remboursements de 150 à 200 euros l’œil), l’intervention est aujourd’hui devenue courante et demandée. Les motivations sont diverses: coût financier des lunettes ou des lentilles, diminution de la tolérance aux lentilles, activités sportives, etc. Les chirurgiens ne répondent plus à des demandes liées à des motivations professionnelles. En dépit de toutes ces avancées technologiques existantes et à venir, les risques d’infection (valables pour chaque opération) ne sont jamais écartés, s’élevant à un pour mille. Quant au risque de cécité ou de blessures graves, il reste faible: 0,1% selon la littérature scientifique.

La majorité des patients qui se présentent ont le plus souvent entre 20 et 30 ans, ou après 45 ans, même si la correction de la presbytie n’est pas encore complètement satisfaisante (de 20% à 30% des patients sont mis sur la touche). De fait, le presbyte en quête d’une vision parfaite ne fait pas un bon candidat à la chirurgie. Il existe en effet une grande différence entre opérer au laser un trentenaire myope et un quinquagénaire presbyte: le premier peut s’attendre à retrouver une vision parfaite, le second, non, parce que son œil a vieilli et que l’ophtalmologiste, aussi bon soit-il, n’a pas le pouvoir de lui rendre sa jeunesse…

(1) La Trans PKR est une variante de la PKR dans laquelle le laser réalise l’ablation de l’épithélium à la place de la technique manuelle.

Dans Le Vif du 14 septembre, retrouvez la suite de notre série consacrée aux yeux: «Quels traitements pour quelles maladies?».

En chiffres

Le PKR corrige des myopies inférieures à – 6 de dioptries, des hypermétropies de + 3 à + 4 et des astigmatismes de +2 à + 3.

Le Lasik corrige des myopies inférieures à – 9 de dioptries, des hypermétropies de + 1 à + 4 et des astigmatismes de + 1 à + 6.

Le Smile corrige des myopies inférieures à – 8 de dioptries et des astigmatismes de + 1 à + 6.

La dioptrie est l’unité de mesure de la puissance optique, comme le degré indique la température.

Selon la Belgian Society of Cataract & Refractive Surgeons (BSCRS), entre 85% et 95% des patients opérés, suivant leur amétropie de départ, seront capables de fonctionner sans lunettes ni lentilles. De 5% à 15% auront besoin d’une réintervention pour certaines circonstances spécifiques (conduite de nuit, par exemple).

L’œil, le sens le plus affiné

Ce globe – moins gros qu’une balle de ping-pong – fonctionne à la manière d’une caméra vidéo. A l’avant, le matériel optique, les objectifs, avec la cornée, également membrane protectrice, et le cristallin, lentille qui assure la mise au point. A l’arrière, la pellicule sensible: la rétine avec ses photorécepteurs, les cônes et les bâtonnets qui captent la lumière, la décodent et transmettent des signaux électriques au cerveau. Entre les deux, le vitré, un gel transparent qui maintient le volume de l’ensemble. L’unité de mesure de chacune de ces pièces est le micron, soit un millième de millimètre.

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