Et si pour bien voir, ce n’est pas le jour que vous devriez porter des lentilles mais la nuit?

L’orthokératologie, ou quand porter des lentilles la nuit permet de mieux voir le jour

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

L’orthokératologie, adressée majoritairement aux myopes légers et moyens ainsi qu’aux astigmates, permet d’avoir une vision nette au réveil.

Et si pour bien voir, ce n’est pas le jour que vous devriez porter des lentilles mais la nuit? Encore peu connue en Belgique, cette solution nommée orthokératologie peut surprendre les non-initiés à qui on a toujours répété qu’il fallait enlever ses lentilles au coucher. Elle s’adresse aux myopes légers ou moyens (jusqu’à – 5, parfois – 7 de dioptrie) et aux astigmates (jusqu’à 4 de dioptrie), de façon plus marginale aux hypermétropes et aux presbytes. Portées au moins sept à huit heures par nuit, ces lentilles, rigides, exercent une pression sur la partie centrale de la cornée et permettent d’avoir une vision nette au réveil, sans lunettes ni lentilles, durant environ 24 heures. L’effet demeure temporaire: la cornée reprend ensuite sa forme naturelle, ce qui oblige à porter ces lentilles chaque nuit. Le résultat visuel optimal se stabilise au bout de trois semaines et la technique nécessite plusieurs contrôles pour s’assurer que les lentilles, réalisées sur mesure, soient correctement réglées. Le coût annuel d’une paire s’élève de quatre cents à six cents euros.

Une alternative à la chirurgie réfractive pour Yves, à qui une opération faisait «un peu peur». Le trentenaire, très sportif, peut «conduire, nager, faire du VTT sans craindre de prendre une poussière dans l’œil». «Porter des lunettes peut être désagréable. Les yeux secs, la poussière dans l’œil quand on fait du sport, qu’on va à la plage ou à la piscine: porter des lentilles de nuit évite tous ces effets négatifs.» Une option également pour ceux qui souffrent de sécheresse oculaire, pour les sportifs de haut niveau ou encore des professionnels exposés à l’eau, au vent ou à la poussière.

Ce type de lentilles serait également recommandé pour freiner la myopie chez les enfants. La technique serait intéressante à partir de 8 ans, et chez le jeune adolescent, l’âge où l’évolution de ce trouble est la plus importante. Néanmoins, à ce jour, les spécialistes manquent de données sur les conséquences et les bénéfices à moyen et long termes. Ils constatent cependant un effet rebond à l’arrêt. Si un enfant commence à porter ces lentilles, il est probable qu’il devra les garder au moins jusqu’au début de l’âge adulte, période où la myopie se stabilise.

Les ophtalmologistes demeurent cependant frileux à l’égard de l’orthokératologie. Le risque infectieux s’avère déjà important lors du port de lentilles de contact classiques, mais il l’est davantage avec ces lentilles qui restent toute la nuit sur un œil fermé dans lequel des sécrétions s’accumulent. La technologie accroît de fait le manque d’oxygène dont a besoin la cornée, le hublot transparent situé devant la zone colorée de l’œil et qui concentre 60% de la puissance visuelle. Pour conserver sa transparence et sa performance, la cornée a besoin d’oxygène qu’elle puise dans l’air, les yeux ouverts. Durant le sommeil, équipée de lentilles de nuit, elle souffre et risque de développer un œdème, c’est-à-dire un gonflement, qui modifie sa courbure et compense ainsi la myopie. Ici aussi, les professionnels manquent de recul pour évaluer le risque qu’entraîne cette pression mécanique à long terme, une fragilisation, voire une détérioration des tissus de la cornée.

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