L’OMS alerte sur le virus H5N1: de quoi s’agit-il et faut-il s’en inquiéter? Le point en 5 questions
L’Organisation mondiale de la Santé alerte sur la propagation croissante de la grippe aviaire H5N1 à de nouvelles espèces, dont des bovins. Les évolutions récentes du virus font même craindre une potentielle transmission d’humain à humain, qui pourrait entraîner une nouvelle pandémie.
«Une énorme inquiétude». Jeudi, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a tiré la sonnette d’alarme à propos de la grippe aviaire H5N1, et plus particulièrement sur la transmission récente du virus à une vache laitière aux Etats-Unis. Décryptage en cinq questions avec Steven Van Gucht, virologue, et Yves Van Laethem, spécialiste des maladies infectieuses.
1. Où et quand ce virus est-il apparu la première fois?
Le virus H5N1 n’est pas neuf. Il a été identifié pour la première fois en 1997 en Asie du Sud-Est. «La souche originelle circulait majoritairement chez les oiseaux et les volailles, même si des transmissions à l’homme ont déjà été recensées, notamment en Asie et en Afrique du Nord», indique Yves Van Laethem. Entre 2003 et le 1er avril 2024, l’OMS a enregistré un total de 889 cas humains de grippe aviaire dans 23 pays. «Mais aucun cas humain n’a été observé en Europe de l’Ouest », précise l’infectiologue. En 2020, une nouvelle souche du virus H5N1 – la clade 2.3.4.4b – est apparue en Europe, provoquant une épidémie meurtrière chez les oiseaux. Depuis deux ans, cette épidémie touche également l’Amérique, où des cas chez des carnivores (ours polaires, phoques, chacals…) – qui se nourrissent d’oiseaux ou de volailles – ont aussi été observés. «Cette transmission à des mammifères sauvages était déjà le premier signe d’une mutation du virus», souligne Yves Van Laethem. «Puis, début avril 2024, un premier cas a été recensé chez une vache au Texas (Etats-Unis), contaminant ensuite un fermier, complète Steven Van Gucht. C’est un élément nouveau, car on considérait jusqu’ici que les herbivores n’étaient pas susceptibles de contracter ce virus.» Depuis, plusieurs troupeaux de vaches ont été touchés dans un nombre croissant d’Etats américains, a précisé vendredi l’OMS, «ce qui montre une nouvelle étape dans la propagation du virus aux mammifères».
2. En quoi cette découverte récente est-elle inquiétante?
La vache étant un animal qui jouit d’une grande proximité avec l’homme (notamment via les fermiers ou les laitiers), il y a d’abord un risque de contamination. Mais surtout, l’identification du virus chez les bovins semble prouver sa capacité de mutation et d’adaptation à ses hôtes. «Le virus pourrait ‘s’humaniser’, met en garde Yves Van Laethem, c’est-à-dire s’adapter à nos récepteurs et nos cellules respiratoires. Et, in fine, se transmettre d’humain à humain, comme la grippe saisonnière. Or, nous ne disposons d’aucune immunité contre le virus H5N1. Cela pourrait donc causer une nouvelle pandémie.»
3. Cette pandémie pourrait-elle être meurtrière?
La souche asiatique originelle du virus s’est révélée très létale chez les humains, tant chez les jeunes que les personnes âgées. Sur les 889 cas humains recensés entre 2003 et 2024, 463 personnes sont décédées, ce qui porte le taux de mortalité à 52%. «Heureusement, la clade 2.3.4.4b observée en Europe et puis en Amérique semble moins agressive, rassure Steven Van Gucht. Le fermier récemment contaminé aux Etats-Unis n’a contracté que des symptômes légers, comme de la conjonctivite. Il n’en est pas mort.» Et Yves Van Laethem de confirmer: «La maladie semble moins sévère que ce qu’on a connu en 2009 avec le virus H1N1, plus communément appelée grippe mexicaine ou grippe porcine.»
«Le virus pourrait ‘s’humaniser’, c’est-à-dire s’adapter à nos récepteurs et nos cellules respiratoires. Et, in fine, se transmettre d’humain à humain, comme la grippe saisonnière. Or, nous ne disposons d’aucune immunité contre le virus H5N1. Cela pourrait donc causer une nouvelle pandémie.»
Yves Van Laethem
Spécialiste en maladies infectieuse
4. Comment limiter les risques?
La première chose à faire, selon les deux experts, est d’analyser en profondeur ce qui s’est passé aux Etats-Unis, pour comprendre comment la transmission du virus à la vache, puis à l’homme, a pu se produire. «Ensuite, nous devons sensibiliser les vétérinaires à la détection de cas potentiels chez les bovins, et surveiller l’évolution du virus à l’échelle mondiale et européenne », insiste Steven Van Gucht. Une surveillance déjà réalisée en Belgique par l’Institut de santé publique Sciensano et l’Afsca (Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire). «Pour le grand public, il n’y a aucun crainte à avoir, rassure le virologue. La consommation de viande ou de lait pasteurisé (donc débarrassé d’agents infectieux) est sans risque.» Vendredi, l’OMS a toutefois invité la population à consommer uniquement du lait pasteurisé après la découverte de fortes concentrations du virus H5N1 dans le lait de vaches contaminées aux Etats-Unis.
5. De quels traitements disposons-nous?
Comme pour la grippe saisonnière, des traitements antiviraux existent sur le marché. «Mais leur efficacité réelle n’a pas été prouvée», nuance Yves Van Laethem. Par contre, des vaccins anti-H5N1 destinés à l’homme ont été récemment mis au point et homologués dans plusieurs pays, et sont prêts à être commercialisés si nécessaire. En cas de pandémie, le recours aux masques buccaux et aux mesures de distanciation seront certainement conseillés, le H5N1 étant, comme le Covid-19, un virus respiratoire se transmettant par gouttelettes et aérosolisation. «Mais l’instauration éventuelle de ces gestes barrières dépendra évidemment du degré de sévérité avéré du virus», conclut Yves Van Laethem.
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