Ann Reymen
Lettre à Maggie De Block: « Une nouvelle paire de seins, ce n’est pas une nouvelle paire de chaussures »
Ann Reymen est une présentatrice télé du nord du pays. Elle est passée récemment d’un bonnet D à un bonnet B après avoir subi une ablation préventive des seins suivie d’une reconstruction mammaire. Dans une lettre ouverte à Maggie De Block, elle plaide pour un meilleur remboursement des reconstructions mammaires. « Une femme ne devrait pas faire un choix si déterminant dans sa vie uniquement en fonction de son budget: une nouvelle paire de seins ce n’est pas une nouvelle paire de chaussures « , lance-t-elle.
Pas moins de 15.000 euros. Pour deux nouveaux seins réalisés à partir de la peau de mon ventre, Maggie. Tétons inclus, Maggie. 1,5 kilos de chair fraîche, les anciens ont été jetés dans les poubelles de l’hôpital. Après, il faudra encore faire des corrections et dessiner les tatouages qui feront office de tétons. Les cicatrices forment une grande bouche qui rigole sous mon nombril, sauf que ce n’est pas drôle.
4.000 euros, c’est ce que doit encore débourser en moyenne une femme pour une double reconstruction des seins, avec ses propres tissus, qu’elle soit réalisée préventivement ou après une mastectomie. Payée de sa propre poche si elle ne dispose pas d’une assurance hospitalisation. Et même parfois si elle en possède une. Où est donc la limite ?
Il existe un système de remboursement, je vous ai déjà entendu en parler. Les reconstructions réalisées avec du silicone sont donc bien totalement remboursées mais la reconstruction réalisée avec ses propres tissus n’est pas complètement prise en charge. La raison: elle nécessite plusieurs chirurgiens, des mains chères et beaucoup d’heures supplémentaires.
Même si la plupart des femmes en Belgique disposent d’une assurance hospitalisation, vous avez la responsabilité de veiller à ce que chacune d’entre elles ait accès aux meilleurs soins. Il ne s’agit pas de mes comptes, mais des leurs.
Je vous entends dire aussi: « qu’elles optent alors pour le silicone ». C’est moins cher. Mais une femme ne devrait pas faire ce choix en fonction de son budget. Une nouvelle paire de seins, ce n’est pas une nouvelle paire de chaussures.
Une nouvelle paire de seins, ce n’est pas une nouvelle paire de chaussures.
4.000 euros, cela reste très cher, Maggie. Si cher que de nombreuses femmes qui présentent un risque élevé de cancer du sein repoussent l’opération préventive. D’autres ressentent après leur mastectomie un grand vide, au propre comme au figuré.
Pour ma part, je n’ai pas voulu attendre, car j’avais un risque plus élevé de cancer du sein déterminé génétiquement, et j’ai opté pour la mastectomie. Mes seins sont désormais formés avec la peau de mon ventre. Si je n’avais pas fait si attention à ma ligne, ils auraient été plus volumineux. Mais je vais bien. Je ne veux pas de pitié, Maggie. Faites seulement quelque chose pour changer le système. C’est peut-être moi, mais il me semble qu’il n’y ait pas beaucoup de logique dans tout ça.
4.000 euros pour une opération préventive, c’est quand même beaucoup moins coûteux qu’une année de traitement contre le cancer, des contrôles deux fois par an, des mammographies, et des échographies, n’est-ce pas Maggie? Ajoutés à cela les coûts causés par le fait que la femme ne peut travailler qu’après un an, sa dernière chimio lui ayant retiré toute son énergie.
4.000 euros, c’est 400 portions de spaghetti, Maggie. Car il y a des femmes qui doivent organiser une action caritative pour financer leurs nouveaux seins. Pour cela, elles servent des pâtes dans des salles paroissiales. Les pâtes ont un goût amer et sont trop cuites, car par définition, les repas caritatifs sont difficiles à avaler. On a toujours l’impression que si on ne termine pas son assiette, une personne y laissera peut-être sa vie.
4.000 euros. Voilà une somme avec laquelle une femme peut faire quelque chose, Maggie. Irions-nous manger un spag’ ensemble ? C’est moi qui régale !
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