« Les vaccins n’entraînent pas de risque majeur de thrombose »
Face à l’inquiétude grandissante provoquée par le signalement de problèmes sanguins détectés chez des personnes vaccinées, Cédric Hermans, professeur en hématologie, rappelle que les bénéfices de la vaccination l’emportent toujours largement sur les risques, et particulièrement pour les personnes fragiles.
Une quinzaine de pays, majoritairement européens, ont suspendu par précaution l’utilisation du vaccin AstraZeneca, après le signalement de problèmes sanguins détectés chez des personnes vaccinées, tels que des difficultés à coaguler ou la formation de caillots (thrombose), sans lien avéré à ce stade.
À contre-courant, la Belgique a décidé de poursuivre l’administration du vaccin AstraZeneca. « Sur les 17 millions de personnes ayant reçu une dose du vaccin contre la Covid-19 développé par Astrazeneca en Europe et au Royaume-Uni, seuls 15 ont développé une thrombose veineuse profonde et 22 une embolie pulmonaire soit 0,0002% de cas », a souligné le ministre de la Santé belge Frank Vandenbroucke.
« Nous sommes toujours fermement convaincus que les avantages du vaccin AstraZeneca dans la prévention du Covid-19, avec son risque associé d’hospitalisation et de décès, l’emportent sur le risque de ces effets secondaires », a affirmé la directrice exécutive de l’Agence européenne du médicament, Emer Cooke. Celle-ci rendra un avis jeudi.
Chef du service d’hématologie aux cliniques universitaires Saint-Luc, le professeur Cédric Hermans rappelle qu’il y a toute une série de facteurs dans la vie de tous les jours qui augmentent le risque de thrombose. Ainsi, les thromboses artérielles (infarctus, AVC) sont favorisées par l’hypertension, le diabète, le surplus de cholestérol, le tabac, etc. alors que l’immobilité, la grossesse, la période qui suit l’accouchement, la pilule contraceptive, les cancers, et la thrombophilie augmentent le risque de thrombose veineuse.
« Ces facteurs de risque sont clairement établis, il n’y a aucun doute là-dessus. Une grande partie des politiques de santé consiste à agir sur tous ces facteurs de risque. Idéalement, les gens ne devraient pas fumer, devraient avoir un mode de vie sain, les personnes hypertendues devraient faire contrôler leur tension, etc. », explique-t-il.
Thrombose veineuse cérébrale
« Il y a eu quelques dizaines de cas de thrombose parmi les millions de personnes vaccinées. Il est clair que le vaccin n’est pas un facteur de risque majeur de thrombose. Ce qui est plus interpellant, et qui suscite plus d’inquiétude, c’est que notamment en Allemagne, on rapporte plusieurs cas d’une thrombose particulière qu’on appelle la thrombose veineuse cérébrale, des thromboses dans les veines qui évacuent le sang du cerveau. Il y en a très peu, mais ces pathologies ne sont pas très fréquentes, et donc elles inquiètent. »
Les scientifiques essaient de comprendre ce qu’il se passe, de voir s’il y a un lien possible. Pour Cédric Hermans, il faut se demander s’il y a vraiment plus de thromboses chez les patients vaccinés que chez les patients non vaccinés. « Et puis il faut comprendre par quel mécanisme un vaccin pourrait provoquer des thromboses, et surtout chez un petit nombre de personnes. Est-ce qu’il y a une variabilité au niveau génétique ou autre qui ferait que certaines personnes feraient une mauvaise réaction à ce vaccin ? », s’interroge-t-il.
Le virus n’attend pas
Reste à voir si c’est un bon calcul de suspendre l’administration du vaccin AstraZeneca alors que l’épidémie reprend un peu partout en Europe. « Le virus ne va pas attendre que l’on trouve une solution. Il faut mettre les risques et les bénéfices en balance. Il est clair que les personnes âgées ont tout intérêt à se faire vacciner, c’est ce que je dis d’ailleurs à tous mes patients », déclare-t-il.
Le médecin rappelle que le covid entraîne également un risque de thrombose. « Il a fallu du temps pour le comprendre, mais ce virus agresse les petits vaisseaux du poumon, et les patients développent une multitude de petits caillots dans leurs poumons par des mécanismes très compliqués. Le covid-19 est clairement une maladie thrombotique, il donne plein de thromboses. »
La pilule contraceptive
Sur les réseaux sociaux, certains rappellent que la pilule contraceptive entraîne elle aussi des risques de thrombose et que l’on ne suspend pas son utilisation pour autant. « La pilule augmente le risque de thrombose, mais pas pour tout le monde, et en principe, les patientes qui la prennent ont été informées de ce risque. Il est clairement indiqué dans la notice. Pour le vaccin, il n’a jamais été dit qu’il entraînait un risque de thrombose », souligne-t-il.
« Il est clair que les thromboses peuvent être entraînées par une foule de raisons. Les personnes qui risquent de faire une thrombose sont souvent les mêmes qui celles qui risquent de faire une forme de Covid très sévère et de se retrouver en soins intensifs. Elles ont tout intérêt à se faire vacciner », insiste le scientifique.
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