Salle de consommation à moindre risque à Bruxelles
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Les salles de consommation à moindre risque: efficaces et pourtant en sursis

Critiquées par plusieurs personnalités politiques, les salles de consommation à moindre risque ont pourtant fait leurs preuves en termes de santé publique.

Les salles de consommation à moindre risque de Bruxelles et de Liège ont-elles encore de longs jours devant elles? La question de leur efficacité constitue un enjeu des élections communales de dimanche, de manière encore plus prégnante en Cité ardente où l’existence de la «salle de shoot» n’est assurée que jusqu’à la fin de l’année. En juillet, le personnel de la salle de consommation de Liège a reçu son préavis de licenciement. L’infrastructure reste dans l’incertitude pour 2025, en l’absence de subside.

Un bon bulletin pour les salles de consommation

Ouverte en 2018, la salle baptisée «Saf Ti» (Protège-toi en wallon) apporte pourtant «de manière indéniable un impact très positif pour les usagers» de drogue, explique Sophie André, professeure au département de criminologie à l’Université de Liège, interrogée par Belga. Autrice d’un premier monitoring du fonctionnement de cette salle, où toxicomanes peuvent se rendre pour consommer en toute sécurité, elle avance qu’en 2022, plus de 638 personnes différentes ont bénéficié des services de l’infrastructure et que 33.606 interventions y ont été réalisées, dont 18.897 actes de consommation. Pour l’année 2023, dont le rapport est en cours d’élaboration, «ces chiffres ont connu une augmentation conséquente».

«Il est indéniable que la salle a un impact positif en termes de santé publique, au vu de son utilisation intensive», souligne-t-elle. Les bénéficiaires de l’espace sont en majorité des profils vulnérables, avec des ressources financières peu stables, souvent sans logement, avec des antécédents de santé mentale…, décrit-elle. «Pour certains des individus, la salle est leur seul point d’accroche en matière de parcours de soins et d’aide

Les bénéficiaires de la «Saf Ti» sont très majoritairement des Liégeois, ajoute la criminologue. «Nous avons passé en revue les codes postaux des individus et l’énorme majorité vient de Liège et de ses alentours. Environ 10% ne proviennent pas de la province de Liège mais (…) ils ne s’installent pas», explique Sophie André. Pas question dès lors d’un tourisme de la drogue suscité par l’infrastructure. «Lorsque la salle de consommation a ouvert à Bruxelles, moins d’individus bruxellois sont venus à Liège. Donc si toutes les grandes villes avaient ce genre de dispositif, cette question ne se poserait plus.»

Lors de l’ouverture de cet espace, les autorités avançaient néanmoins également comme avantage une réduction des nuisances (déchets, consommation en rue…). Sur ce point, «aucune donnée ne montre un effet négatif, il n’y a pas d’augmentation de la criminalité par exemple», explique la Pr André. «Les riverains, la police, les acteurs sociaux sont tous d’accord pour dire qu’il n’y a pas d’augmentation de nuisances mais ils ne remarquent pas forcément une diminution.»

La salle de consommation n’a-t-elle dès lors aucun impact sur les nuisances? Ou, s’interroge la criminologue, «il existe une telle augmentation du phénomène (de toxicomanie, NDLR) que la salle n’a fait que le contenir? Cet élément mérite une attention particulière afin d’obtenir des résultats plus tangibles pour la population», plaide-t-elle.

Les enseignements supplémentaires de l’expérience bruxelloise

Par ailleurs, la salle de consommation à moindre risque installée à Bruxelles (« GATE ») en 2022 a, elle, eu davantage d’impact positif quant aux nuisances. «Le dispositif y est couplé par l’instauration d’une personne de référence, joignable en cas de nuisance dans la rue. Dès qu’une personne pose problème dans le périmètre déterminé, le personnel de la salle intervient pour gérer la situation», explique Sophie André.

Autre différence entre les salles de consommation de la capitale et de la Cité ardente: la disposition des lieux. A Bruxelles, qui accueille le même profil de consommateurs, l’espace permet de recevoir les usagers et d’entamer des démarches sociales comme la recherche de logements. A Liège, la salle est installée dans un conteneur situé dans un hangar, «une disposition qui n’est pas idéale. (…) Pour les actes de consommation, cela fonctionne peut-être mais pour permettre aux usagers de se poser avant et après leur consommation, pour initier des démarches… C’est compliqué vu la disposition des lieux».

Vaudrait-il mieux dès lors installer ces salles de consommation loin de la ville? La réponse de la criminologue est sans appel : non, «c’est en totale contradiction avec le principe de base du dispositif qui est d’ouvrir un espace là où les individus en ont besoin». Pour la professeure, «soit les individus sortiront effectivement de la ville pour aller dans cet espace, mais je pense que c’est une utopie, les dispositifs se situant à peine hors du centre peinent déjà à attirer les individus ; soit ces espaces n’auront plus de public et les personnes resteront dans le centre-ville, sans plus aucune accroche de soins». A ses yeux, «l’idée que l’on va retrouver une ville propre, sans personnes marginales, est un fantasme».

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