Ajoutés au jambon pour lui donner sa teinte rosée et le conserver plus longtemps, les nitrites augmentent le risque de cancer colorectal.

«Les nitrites ne sont pas du poison»: pourquoi ils sont présents dans la charcuterie, mais interdits pour les animaux

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

Ajoutés au jambon pour lui donner sa teinte rosée et le conserver plus longtemps, les nitrites augmentent le risque de cancer colorectal. Ces additifs alimentaires sont interdits dans la nourriture de certains animaux, mais pas dans l’assiette des humains. Voici pourquoi.

E249, E250, E251 et E252. Les nitrites et nitrates, additifs alimentaires utilisés notamment pour la conservation de la viande, n’ont pas bonne presse. Et en particulier, le nitrite de sodium (E250) présent entre autre dans les tranches de jambon. D’après la Fondation contre le Cancer, consommer 50 grammes de charcuterie par jour – l’équivalent d’une à deux tranches – augmente de 18% les risques de cancer colorectal.

Un lien déjà établi en 2015 par le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer), et confirmé ensuite par plusieurs études, dont l’avis scientifique de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Anses) en 2022. Un rapport qui avait poussé le gouvernement français à demander aux industriels une baisse de 20% des nitrites dans la charcuterie, sans plaider pour une interdiction totale de leur utilisation.

«Le rôle des nitrites est principalement de protéger d’un éventuel développement bactérien»


Marie-Louise Scippo (ULiège)

Nitrites: oui pour les humains, non pour les animaux?

Fin 2023, l’Europe prenait une autre décision qui allait faire grand bruit, en bannissant les nitrites de la nourriture animale. © Getty Images/iStockphoto

Fin 2023, l’Europe prenait une autre décision qui allait faire grand bruit, en bannissant les nitrites de la nourriture animale. Comment expliquer cette différence de traitement? D’après l’Association belge de la nourriture (Belgian Feed Association, BFA), cette interdiction ne concerne pas «les aliments humides pour chiens et chats», mais bien d’autres espèces. Selon l’association, les nitrites peuvent entraîner un manque d’oxygène chez l’animal, ce à quoi les bovins et les porcs seraient très sensibles. Et les croquettes pour chiens et chats? «Les aliments secs ne sont pas vraiment à risque, explique Marie-Louise Scippo (ULiège), professeure au département des Sciences des denrées alimentaires. Il n’y a pas d’intérêt à y mettre des nitrites, dont le rôle est principalement de protéger d’un éventuel développement bactérien».

La Commission européenne explique de son côté que les animaux ne mangent que de la nourriture industrielle, contrairement aux humains, pour qui les valeurs autorisées de nitrites dans l’alimentation ont été abaissées.

Une diabolisation?

Les industriels le répètent à toutes les sauces: seul les nitrites et nitrates permettent de protéger efficacement la viande des bactéries tel que les salmonelles, la listeria ou encore le botulisme. © Getty Images

Les industriels le répètent à toutes les sauces: seul les nitrites et nitrates permettent de protéger efficacement la viande des bactéries tel que les salmonelles, la listeria ou encore le botulisme. Autre argument, peut-être plus commercial celui-là: E250 et consorts protègent du rancissement, rendant possible un allongement de la date limite de consommation des produits. Enfin, nitrites et nitrates rendent possible la coloration rose des charcuteries cuites.

«Les spécialistes internationaux de la toxicologie vous le diront: les nitrites ne sont pas du poison, et sont absolument nécessaires»

Anneleen Vandewynckel, directrice de Fenavian

«Les spécialistes internationaux de la toxicologie vous le diront: les nitrites ne sont pas du poison, et sont absolument nécessaires, entame Anneleen Vandewynckel, la directrice de Fenavian, la Fédération Belge de l’Industrie Transformatrice de Viande. En termes de sécurité alimentaire, la Belgique est le pays le plus contrôlé du monde».

La Fenavian rappelle que nitrites et nitrates sont aussi présents dans les légumes (surtout à feuilles) et les fruits, «et même dans l’eau potable, ainsi que dans certains compléments alimentaires pour sportifs à base de jus de betterave rouge».

Ces produits dans lesquels les nitrites ne sont pas présents

© Getty Images/iStockphoto

Certaines marques tentent d’éviter le ‘nitrite-bashing’ en proposant dans les rayons des charcuteries sans nitrite. Une bonne idée? «Cette tendance vient surtout de France, précise Anneleen Vandewynckel. Sauf qu’ils remplacent l’additif par du jus de céleri, dans lequel on retrouve naturellement des nitrites». D’après la directrice de Fenavian, les industriels belges ne sont pas autorisés à commercialiser ce type de produits. «Les études entourant la charcuterie sans nitrite manquent, au contraire du nitrite de sodium, dont l’utilisation est encadrée par des normes strictes à respecter.»

Il semblerait en effet qu’aucune alternative crédible aux nitrites et nitrates n’ait abouti pour le moment. Plusieurs pistes ont été envisagées (remplacement par des bouillons de légumes, ferments lactiques et levures ou polyphénols et vitamine C) mais tardent à convaincre. Soit elles n’ont pas d’impact sur les effets cancérigènes de la famille des E-, soit elles ne permettent pas une conservation optimale et n’endiguent pas le développement des bactéries dans les aliments.

Plutôt tabler sur moins de charcuterie

Jusqu’ici, les autorités sanitaires de tous bords préconisent plutôt de réduire sa consommation de viande transformée et de charcuterie. Face au risque avéré de cancer colorectal, l’Anses recommande de ne pas dépasser 150 g de charcuterie par semaine. «Un seuil bien plus généreux qu’en Belgique», rappelle Testachats, où un maximum de 30 g de charcuterie/viande transformée par semaine est recommandé.

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