Les masques chirurgicaux sont-ils vraiment meilleurs que ceux en tissu ?
Le masque est devenu l’un des emblèmes de la lutte contre le Covid. Il nous protégerait du virus et surtout il servirait à protéger les autres autour de nous. Ceci étant, nous ne pouvons ignorer que tous les types de masques ne constituent pas une barrière suffisamment efficace. Mais à quel point cela est-il problématique ? Refaisons le point.
Lors d’une opération exceptionnelle, Levif.be répond à vos interrogations sur le Covid. Aujourd’hui nous répondons à une question sur les masques en tissus: Comme bien d’autres, je suis souvent perdu à lire ou entendre les propos contradictoires sur le covid, y compris d’experts … notamment en ce qui concerne les masques en tissus. Vous conviendrez que cette question est d’importance puisqu’elle est centrale dans les mesures gouvernementales : à qui se fier ?
Le masque est devenu l’un des emblèmes de la lutte contre le Covid. Il nous protégerait du virus et surtout il servirait à protéger les autres autour de nous. Ceci étant, nous ne pouvons ignorer que tous les types de masques ne constituent pas une barrière suffisamment efficace. Mais à quel point cela est-il problématique ?
La réponse n’est pas simple. Pour mieux comprendre, revenons sur le mode de propagation du virus. Le coronavirus se transmet essentiellement au départ du nez et de la bouche. Un éternuement peut envoyer des gouttelettes jusqu’à neuf mètres, plus on parle (fort) et plus on en émet. Les asymptomatiques et présymptomatiques peuvent contaminer sans le savoir juste en exhalant de l’air. Une fois dans l’air, les gouttelettes diminuent pour ne plus former que ce qu’on appelle un nuage aérosol. Soit un nuage de plus petites gouttelettes. Si les deux sont potentiellement source d’infection, on ne sait aujourd’hui toujours pas dans quelle mesure exacte, surtout en ce qui concerne les aérosols. Ou pour le dire autrement on ne sait toujours pas à quel point les aérosols sont systématiquement source d’infections.
Trop petite gouttes
Il a été beaucoup débattu de la taille de la Covid-19, supposée trop petite pour se voir barrer la route par du tissu. Or, le virus n’existe pas par lui-même, mais grâce aux microgouttelettes que les autres expulsent. C’est donc sur elles, plus grosses, que le masque agit. Un contact à risque est défini comme durant au moins quinze minutes. Pourquoi craindre, dès lors, les postillons de passants ? « Si quelqu’un a éternué et que vous arrivez derrière… Aucune étude n’affirmera qu’il n’y a aucun risque ! Les aérosols peuvent rester longtemps dans l’air », répond Jean-Luc Gala, infectiologue.
Ce que l’on sait, par contre, c’est que les masques chirurgicaux sont une protection efficace contre les infections virales. Les plus efficaces d’entre eux sont sans aucun doute les masques de protection respiratoire dits FFP : il en existe plusieurs types : FFP1 (filtration de 80 % des aérosols), FFP2 (filtration de 94 % des aérosols) et FFP3 (filtration de 99 % des aérosols)). Ceux-ci protègent bien celui qui les porte contre les virus, mais doivent rester réservés aux interventions chirurgicales présentant un risque de propagation d’agents pathogènes, comme l’intubation.
Protéger les autres
On ne peut en dire autant de ceux en tissu, qu’ils soient faits à la main ou non. S’il est désormais évident pour tout le monde qu’un foulard ou un bandana, comme initialement proposé par le gouvernement, ne peut être considéré comme un masque, il n’est pas dit que les masques buccaux en coton que nous avons fabriqués ou achetés nous-mêmes en masse nous protègent tellement mieux. A cela certains vont argumenter que leur fonction est surtout de protéger les autres. Mais même sur cet aspect leur fonction est discutable. Ainsi un masque en tissu devrait avoir 12 à 16 couches pour être aussi efficace qu’un masque chirurgical, selon une méta-analyse complète publiée dans The Lancet. La plupart des masques en tissu ne sont constitués que de deux à quatre couches et ne contiennent pas de filtres supplémentaires puisque pour beaucoup de gens cela donne une impression de suffocation.
Lire aussi: Fact-checking: les antimasques ont-ils raison?
Pour Marc Boone, dermatologue et docteur en sciences médicales à l’hôpital Erasme de Bruxelles, un masque en tissu ne sert à rien et encore moins de la façon dont la plupart d’entre nous le portent. C’est-à-dire comme des trucs qui doivent être le moins gênants possible. « Je pose la question à mes patients depuis septembre, et j’en vois 1200 par mois, et vous savez combien m’ont dit qu’ils mettaient un filtre ? Un ! »
En raison de son intérêt pour les allergies, il a développé au fil des ans une expertise dans le domaine des masques. Il milite pour qu’on arrête de porter des masques non chirurgicaux. « On peut comparer les mailles entre les fibres de coton à des portes de cathédrale qu’on aurait ouvertes aux souris. Le plus important est que l’espace dans lequel vous entrez ne soit pas contaminé. Or pour éviter cela, il faut un masque avec une porosité de maximum 6 microns, car c’est la taille des gouttelettes qui sortent de notre bouche ». Un autre point qui contrarie Boone est que ces masques ne suivent pas le visage, ce qui crée une fente de ventilation entre la peau et la partie supérieure du masque. L’un des effets visibles est la buée sur les lunettes. Il est par contre pour l’utilisation de masques chirurgicaux avec une capacité de filtrage de 1 micron (pour rappel la norme européenne se situe à 3 microns).
Ne pas confondre masque chirurgical et masque jetable
Contrairement à Boone, Test-Achat n’est pas complètement pour un port généralisé du masque chirurgical. Ou plutôt, l’organisation stipule que la différence entre masque chirurgical et masque confort jetable n’est pas claire. Il existe en effet une différence entre les masques buccaux chirurgicaux, pour lesquels la norme en matière d’efficacité de filtration est de 95% ( soit 95 % des particules de 3 microns, soit de grosses gouttelettes, sont filtrés), ou les masques confort jetables, pour lesquels la valeur indicative préconisée est de 70%, comme celle des masques textiles. Or, à l’oeil nu, le consommateur est incapable de voir la différence. Et que dans ce cas que ce soit un masque jetable de confort ou un masque en tissus cela ne change rien ou presque. D’autant plus que les directives ne sont que recommandées aux fabricants et pas obligatoires. Et il n’y a pratiquement aucun contrôle, précise encore Test-Achat. Toujours selon Test-Achat, il semble que l’efficacité du filtre et la résistance à l’air des masques textiles multicouches est souvent surestimées dans les tests de laboratoire actuels. Toujours selon Test-Achat, si votre masque n’arrête pas toutes les gouttes, il fait en sorte que les gouttelettes qui passent se répandent moins loin et c’est en ce sens qu’elle le trouve le masque en tissu tout de même utile.
Dans un document publié en juin, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) rappelle elle que l’efficacité d’un masque en tissu dépend en grande partie de l’étanchéité de ses tissus, car ce sont eux qui filtrent les gouttelettes potentiellement contaminées par le Covid-19. Pour l’OMS toujours, le masque doit comporter trois couches de tissus pour constituer une réelle barrière contre le virus. Ils ne doivent pas être portés plus de 4 heures et être jeter à la moindre usure, ou déformation.
Quoi qu’il en soit, et là pratiquement tout le monde s’accorde sur le sujet, le masque en tissus n’est destiné qu’à l’usage d’individus ayant des contacts occasionnels avec d’autres personnes, par exemple, dans le cadre professionnel ou allant faire ses courses.
Conclusion :
Il faut porter un masque dès qu’on est en présence d’autre personne, car il est prouvé que cela a un effet. Il est aussi prouvé que si tout le monde porte correctement (et quand il le faut) un masque, cela a un impact sur l’évolution de la pandémie.
Par contre, si on veut vraiment se protéger et protéger les autres, on ne portera pas n’importe quel masque. L’idéal, et la seule façon d’être véritablement protégé, est de porter un masque chirurgical certifié (avec une capacité de 1 micron si on veut protéger les autres et de 0.1 micron si on veut être soi-même protégé, nous a encore précisé docteur Boone) qui épouse correctement la forme du visage. Et ces deux éléments sont aussi importants l’un que l’autre.
Si l’on souhaite tout de même porter un masque en tissu, qui rappelons-le aura au mieux une très vague fonction de protéger les autres en captant une partie (au mieux 70%) des plus grosses gouttelettes (qui font 3 microns ou plus), il doit comporter un filtre, plusieurs couches et suivre le visage. On oublie donc les masques certes jolis, mais faits à la va-vite, qui tombent du nez quand on parle, qui baillent sur les côtés, qui gênent le moins possible ou qui n’ont qu’une simple couche en coton.
Enfin les masques jetables de confort, soit les masques qui ressemblent à des masques chirurgicaux, mais qui ne répondent pas aux mêmes normes de filtrations, sont aussi, ou aussi peu, c’est selon, efficaces que les masques en tissus.
On vérifiera donc bien l’étiquette pour voir ce que l’on achète et surtout quel est son pourcentage exacte de filtration.
On notera que, toujours selon Test-Achat, contrairement à ce que l’on pourrait croire, tous les masques que l’on trouve en pharmacie ne sont pas forcément de type chirurgical alors qu’ils sont souvent plus chers. Par contre, il est tout à fait possible de trouver des masques de qualité suffisante au supermarché. Test-Achat a par ailleurs réalisé un très complet dossier sur le sujet à lire ici.
Les masques, de tous types, sont aussi souvent oubliés dans des poches ou des sacs, rarement lavés, réutilisés à l’infini, baissés sous le nez, triturés à longueur de journée… Ses opposants n’ont alors pas tort : traités comme ça, leur efficacité est loin d’être optimale.
Enfin, le port du masque est un geste barrière additionnel, qui ne doit donc pas remplacer ceux déjà connus (se laver régulièrement les mains, tousser dans son coude, utiliser des mouchoirs à usage unique, nettoyer régulièrement les surfaces souillées, rester chez soi jusqu’à disparition des symptômes). Il s’applique en parallèle de la distanciation physique, car, et c’est une autre certitude, tout le monde ne porte pas des masques suffisamment filtrants ou de la bonne façon.
En conclusion de la conclusion: le seul port du masque, quel qu’il soit, ne garantit donc pas à 100 % de ne pas être contaminé.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici