paracétamol
.

Les dangers insoupçonnés du paracétamol 

Muriel Lefevre

Le paracétamol est l’antidouleur vendu sans ordonnance le plus consommé en Belgique. Il n’est pourtant pas sans danger, voire mortel, s’il n’est pas pris correctement. Ces cinq dernières années, le Centre antipoison a constaté une augmentation d’un tiers des appels à ce sujet.

Les médicaments à base de paracétamol (Dafalgan, Perdolan…) sont vendus à un prix modeste, se trouvent très facilement et sont délivrés sans ordonnance. Leur efficacité contre la douleur n’est plus à prouver. Certains ont, du coup, tendance à les avaler comme des bonbons… Oubliant que le paracétamol est et reste un médicament.

Un médicament mystérieux, même, comme le Nicolas Ayral, médecin au sein de la cellule psychiatrique et spécialisé dans les addictions au CHU Brugmann. «En réalité, on ne connaît pas très bien son mode de fonctionnement exact. Vraisemblablement, il agit au niveau central, c’est-à-dire cérébral et il augmenterait le seuil de la douleur, de manière à ce que l’on ait moins vite mal. C’est un mécanisme intéressant, mais qui n’est pas encore totalement élucidé. Ce mystère n’empêche pas qu’il est et reste l’antalgique le plus inoffensif même si, c’est vrai, les abus peuvent être gravissimes ».

Les dangers du paracétamol

Nul besoin de prendre de grosses doses pour que cela soit le cas. Ainsi, «un simple doublement de la dose quotidienne pendant trois jours peut déjà faire de gros dégâts », précise Jacques Devriendt, médecin aux soins intensifs au CHU Brugmann. Un constat partagé par le professeur Dominique Vandijck, directeur adjoint du centre anti-poison. «Une intoxication au paracétamol n’est pas à prendre à la légère.

D’autant plus que c’est souvent insidieux et que les symptômes physiques sont atypiques ». Insidieux car les symptômes n’apparaissent pas tout de suite (entre 24 et 48h) et sont vagues et non spécifiques. Les premiers symptômes d’un surdosage en paracétamol sont ainsi des nausées, des vomissements, une perte d’appétit et des douleurs abdominales. Du coup, les médecins risquent de passer à côté si le patient ne précise pas d’emblée avoir pris beaucoup de paracétamol. Or une prise en charge rapide peut être d’une importance vitale.

En 2022, le Centre antipoisons a reçu un total de 61 699 appels via le numéro gratuit 070 245 245, soit un pour cent de plus qu’en 2021. Un nombre en hausse. Le nombre d’appels concernant le paracétamol est particulièrement élevé, avec 2 640 expositions en 2022, ce qui représente une augmentation d’un tiers sur cinq ans.

Agir vite pour éviter des dommages irréparables au foie

« Le principal danger de l’ingestion de trop grosses doses est la lésion hépatique », précise Jacques Devriendt. Soit l’endommagement du foie. «Dans les cas les plus graves, cela entraîne même une nécrose et l’on n’a d’autre choix que de réaliser une transplantation. En Angleterre, où il est encore plus facile de se procurer du paracétamol qu’en Belgique, c’est même la première cause de transplantation hépatique. En Belgique, cela reste l’alcool, mais, dans notre hôpital, il y a quand même chaque année un ou deux cas suite à une prise aiguë de paracétamol. Et on accueille au moins un patient par semaine à qui l’on doit faire un traitement lourd de 24 h et par perfusion», précise-t-il encore.

Effrayant ? La bonne nouvelle est qu’il existe un antidote très efficace, le N-Acétyl-Cystéine, mais celui-ci doit être administré au plus vite et en milieu hospitalier. En cas d’intoxication, il est donc primordial de se rendre le plus vite possible à l’hôpital, soit au plus tard 48heures après l’ingestion, sous peine d’entraîner des dommages irréparables au foie.

Comment en arrive-t-on à prendre trop de paracétamol ?

Une overdose de paracétamol est beaucoup plus fréquente qu’on pourrait le croire. Parfois, l’ingestion trop importante est volontaire, par exemple lors d’une tentative de suicide, mais le plus souvent, c’est le résultat d’une ignorance de la posologie, ou d’un aveuglément dû à la douleur. Ainsi, certains médicaments contiennent déjà du paracétamol sans que la personne qui les prend n’en ait vraiment conscience. Par d’exemple, une consommation régulière et combinée de Sinutab (un médicament qui soulage la congestion nasale) et de Dafalgan peut conduire à un surdosage. D’où l’importance de toujours lire les notices. Ensuite, il n’est pas rare que les personnes qui débarquent aux soins intensifs pour cause d’intoxication au paracétamol aient simplement pris plusieurs cachets à très court intervalle dans l’espoir de calmer la douleur.

La dose maximale recommandée

Chez l’adulte, la dose journalière ne doit pas dépasser 3 ou 4 grammes, et pas plus d’un gramme par prise, à renouveler toutes les quatre à six heures. Chez l’enfant, elle doit se limiter à 60 mg par kg de poids et par jour. Mais cette dose maximale est moindre lorsque les personnes sont dénutries, boivent de l’alcool ou souffrent d’une maladie du foie. Il est aussi conseillé de ne pas prendre plus de trois ou quatre jours du paracétamol sans avis médical.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire