Bêta-carotène: pourquoi les fumeurs doivent se méfier des gélules pour bronzer
Les compléments alimentaires à base de bêta-carotène sont déconseillées aux fumeurs et aux ex-fumeurs, chez qui une consommation à haute dose et à long terme augmente le risque de développer un cancer du poumon.
Les bénéfices réels des compléments alimentaires font toujours l’objet de discussions dans le monde médical. En l’absence de consensus, les recommandations sur leur usage et sur les dangers potentiels en cas de surconsommation ne sont pas toujours claires pour le consommateur.
Parmi les suppléments nutritifs qui retiennent l’attention des chercheurs: les caroténoïdes, tels que le bêta-carotène. Les caroténoïdes sont des pigments naturels. On les retrouve dans certains fruits et légumes, principalement ceux de couleur jaune, orange, rouge mais aussi vert foncé (carotte, potiron, abricot, patate douce, melon, épinards…). Une fois ces aliments ingérés, une partie de ces substances liposolubles sont converties dans l’organisme en vitamines A. On prête au bêta-carotène des propriétés antioxydantes et le pouvoir de prévenir les maladies cardiovasculaires, ainsi que certains cancers, certaines affections des yeux liées au vieillissement ou encore de stimuler les défenses immunitaires. En effet, une carence en rétinol (vitamine A) peut entraîner la cécité et accroître le risque d’infections graves. Mais cette excellente réputation n’est-elle pas usurpée?
Utilisée dans l’industrie alimentaire pour colorer les aliments, le bêta-carotène peut aussi être consommée sous la forme de gélules. Des compléments alimentaires destinés à « préparer la peau » à l’exposition au soleil en stimulant la production de mélanine et qui la protègent, dans une certaine mesure, des lésions cutanées provoquées par les UV. Cependant, s’il booste le système immunitaire, le bêta-carotène n’apporte aucune protection spécifique contre le cancer de la peau.
Pris à forte dose et trop régulièrement, le bêta-carotène peut même s’avérer nocif pour certaines populations à risque. Une étude de cohorte publiée en 2022 dans la revue Jama, relayée par le Centre belge d’information pharmacothérapeutique (CIPB), fait le point sur les effets d’une supplémentation en vitamines et minéraux chez les adultes en bonne santé pour aider à prévenir les maladies cardiovasculaires et les cancers.
Dans ses conclusions, l’organisme de prévention américain (US Preventine Task Force, USPSTF) qui a réexaminé toute une série de données existantes déconseille non seulement l’utilisation de suppléments en bêta-carotène et en vitamine E pour la prévention des maladies cardiovasculaires et des cancers, estimant qu’ils n’ont « aucun effet préventif », mais recommande également aux fumeurs de les bannir de leur régime alimentaire.
En ce qui concerne spécifiquement le bêta-carotène, des données suggèrent en effet qu’une consommation importante entraîne une augmentation du risque de cancer du poumon, en particulier chez les personnes à haut risque de développer la maladie. Sont concernées les fumeurs, bien entendu, mais aussi les personnes qui ont été exposées à l’amiante dans le cadre de leur travail. L’étude a également mis en évidence un risque significatif d’hypercaroténémie qui se traduit par l’apparition de taches jaunâtres sur la peau. Par forte dose, on entend une consommation de bêta-carotène supérieure à 20mg/jour. Un taux élevé que l’on ne peut atteindre en se contentant d’une alimentation diversifiées. Le risque venant plutôt d’une surconsommation de compléments alimentaires, bien que les doses journalières à respecter soient clairement indiquées sur les emballages des produits autorisés à la vente.
En 1998, déjà, le World Cancer Research Fund et l’American Institute for Cancer Research (AICR) avaient conclut que la consommation de compléments alimentaires à base de bêta-carotène à forte dose chez les fumeurs et les ex-fumeurs était associée à une augmentation du risque de cancer des poumons.
Sur le long terme, le bêta-carotène deviendrait en effet pro-oxydant, c’est-à-dire qu’il favoriserait l’oxydation et activerait la conversion de molécules cancérigènes. Cette oxydation serait liée à la présence de produits présents dans la fumée de cigarette.
Une autre étude aux résultats surprenants a été menée par des chercheurs français désireux de mieux comprendre le lien entre l’antioxydant et le risque de cancer. L’équipe de Marie-Christine Boutron-Ruault, directrice de recherche à l’Inserm, a analysé les habitudes alimentaires de plus de 70.000 femmes. Il est apparu que la consommation de bêta-carotène avait produit un effet protecteur chez les non-fumeuses contre certains cancer. Chez ces femmes, le nombre de cas de cancers était de 81,7 pour 1000. Pour les fumeuses ou ex-fumeuses, il est de 368,3 pour 1000, soit 4,5 fois plus de cas.
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