Les compléments alimentaires : un danger pour votre santé
Les vitamines et les compléments qui sortent d’un petit pot ne peuvent pas servir d’alternative aux fruits et aux légumes. La plupart d’entre eux n’ont d’ailleurs aucun effet bénéfique sur la santé. En effet, de plus en plus de preuves s’accumulent et indiquent que certains peuvent provoquer des dégâts.
Les compléments alimentaires se trouvent sur les comptoirs de presque toutes les pharmacies. Ils sont même vendus dans des supermarchés, des magasins de santé et sur internet. Ce n’est pas un phénomène isolé : plus d’un Belge sur cinq prend quotidiennement des compléments et presque un quart suit une cure de vitamines deux fois par ans. Les multivitamines sont les compléments alimentaires les plus vendus, annonçait l’organisateur des consommateurs belges Test–Achats en 2016. Le sondage de consommation alimentaire de 2014-2015 révèle que ce sont les personnes en bonne santé et hautement qualifiées qui accordent plus d’attention à la nourriture saine et au sport qui prennent des compléments. En dehors des vitamines et des minéraux, les épices et les extraits de plantes sont de plus en plus vendus comme compléments alimentaires. Et ce business rapporte beaucoup d’argent. Aux États-Unis, le marché des compléments alimentaires génère, chaque année, près de 30 milliards de dollars annonçait la revue scientifique JAMA en décembre 2018.
Des conséquences parfois sérieuses
Les légumes et leurs fruits doivent leur caractère sain aux minéraux, vitamines, fibres, oligoéléments et autres substances bioactives dont la majeure partie n’a pas encore été identifiée. Celui qui en mange beaucoup sera en meilleure santé et vivra plus longtemps. Le mélange de substances présentes dans ces aliments, associé à une consommation suffisante, permet de réduire les risques de maladies cardio-vasculaires, de cancers et de diabètes. En isoler certaines substances alimentaires, les placer dans des gélules, puis les vendre comme compléments alimentaires ne donnera pas les mêmes effets.
Certains ont les effets escomptés, d’autres n’ont aucun effet et certains… ont des effets opposés. Les compléments de vitamine C, vendus pour renforcer les anticorps en hiver, ne servent à rien : ils ne protègent pas contre les infections aériennes et le surplus s’élimine simplement par les urines. Le sélénium, un minéral présent dans beaucoup de légumes, de fruits et de poissons, est l’un des compléments les plus vendus pour prévenir le cancer. Dans le meilleur des cas, les compléments de sélénium n’ont aucun impact sur les risques du cancer mais dans le pire des cas (comme il a été prouvé avec le cancer de la vésicule), les risques peuvent augmenter. La nourriture riche en sélénium par contre, réduit bien les risques du cancer de la vésicule.
Les compléments d’acide folique restent cependant bénéfiques lorsqu’ils sont consommés avant et pendant la grossesse. Ils réduisent encore mieux l’émergence d’anomalies du tube neural chez les foetus que l’acide folique présent dans les légumes à feuilles vertes.
Les compléments alimentaires ont fait l’objet d’un nombre incalculable d’études mais très peu d’avantages notables pour la santé en ressortent. En 2013, la revue scientifique américaine Annals of Internal Medecine a publié quelques études placebo contrôlées sur l’usage de multivitamines chez des adultes en bonne santé. Lors de cette étude à grande échelle, plus de 400 000 adultes ont consommé des multivitamines ou un placébo pendant des années. Les résultats n’ont pas mentionné un seul impact sur la prévention de maladies cardiovasculaires et du cancer, et encore moins sur l’espérance de vie. Une autre étude a suivi plus de 6000 docteurs âgés de plus de 65 ans ayant consommé des compléments ou un placébo pendant douze ans pour améliorer leurs capacités cognitives. Les chercheurs n’ont remarqué aucune différence.
Consommer toutes sortes de compléments au hasard peut également causer des dégâts. Bien qu’il soit difficile « d’overdoser » avec des fruits et des légumes, le risque est présent avec les préparations de vitamines. Une consommation élevée de compléments de vitamine A sur une longue période peut provoquer des dégâts au foie, la chute des cheveux et pire encore, augmenter les risques de cancer du poumon chez les fumeurs.
Prendre des compléments de vitamine D au hasard et en grande quantité lorsque vous n’en n’avez pas besoin peut entraîner des calculs rénaux. Les carences en vitamine E n’existent pas en Belgique. Les hommes en bonne santé qui en consomment, augmentent leurs risques de contracter le cancer de la prostate.
Pour garantir la sécurité des consommateurs, les substrats de vitamines devraient être autorisés en cas de carences reconnues ou réservés à des groupes à risques. De plus, la concentration de vitamines dans ces compléments devraient correspondre aux données scientifiques conseillées et disponibles. Cette recommandation figure dans les conseils du Conseil Supérieur de la Santé (CSS) mais ces critères ne sont pas toujours respectés dans la pratique. Sur le marché belge, le CSS prétend que certains compléments alimentaires contiennent une dose quatre fois plus forte que la norme définie.
Les doses maximales recommandées sont régulées par la législation européenne. Le problème reste que ces lois ne sont que très peu adaptées aux nouvelles revues sur les effets secondaires. Depuis déjà quelques années, le CSS se plaint de ce manque d’attention : le conseil désire de meilleurs contrôles. Les voix du CSS semblent se perdre. « La règlementation sur les compléments alimentaires est trop laxiste » souligne Guy De Backer, professeur à l’Université de Gand et ancien membre nommé du CSS. « En France et en Italie, les effets secondaires graves des compléments alimentaires sont enregistrés. Chez nous, ce n’est pas le cas et nous nous cachons derrière cette réglementation européenne. »
Mettons les choses au clair : les compléments alimentaires ne sont pas des médicaments. Ce sont des préparations de matières concentrées qui complètent l’alimentation générale. Les entreprises n’ont pas le droit de mentionner sur l’emballage qu’ils agissent contre les maladies et maux. Néanmoins, c’est suggéré clairement dans les publicités. C’est pourquoi il est important que les consommateurs se rendent compte que les compléments alimentaires ne répondent pas aux critères stricts imposés au marché des médicaments. Seule la fiabilité du produit doit être prouvée, pas son utilité.
Les médicaments qui réduisent le cholestérol sont plus fiables que les compléments de levure de riz rouge
Qu’est-ce la levure de riz rouge ? Ces pilules sont des compléments populaires qui sont préconisés en cas de cholestérol trop élevé. En effet, elles diminuent le taux de cholestérol. La levure de riz rouge est créée à partir de la fermentation du riz et de la moisissure « Monascus spp ». Lorsque le riz rouge est fermenté, les scientifiques isolent à nouveau la « monacoline K ». Cette molécule semble chimiquement identique au médicament lovastatine qui réduit lui aussi le cholestérol.
Après cette constatation, la Food and Drug Administration (Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux) a décidé que les compléments alimentaires à base de riz rouge fermenté devaient être soumis aux réglementations des médicaments. Résultat : ils ont disparu du marché américain. En Europe par contre, ils sont toujours vendus comme des compléments alimentaires réducteurs de cholestérol.
Et les inconvénients dans tout ça ? « En comparaison avec les statines contrôlées qui réduisent le cholestérol, les pilules de levure de riz rouge ont quelques effets négatifs » explique Guy de Backer. « La quantité de substances actives dans le riz rouge varie parce que la production de compléments est moins précise que celle des médicaments. Par conséquent, certaines pilules de riz rouge contiennent dix fois plus de substances actives que les autres. Les effets secondaires sont un autre problème : ils peuvent être comparés aux statines, mais ils ne sont pas renseignés. » La France dispose par exemple d’un système de registre pour les effets secondaires des compléments alimentaires. Entre 2002 et 2015, ils ont enregistré 55 effets secondaires dont 14 graves, causés par les compléments de riz rouge.
Est-ce donc sans danger ? Les produits dérivés des compléments de riz rouge sont un autre point délicat car ils peuvent être nocifs pour la santé.
Le processus de fermentation engendre la formation d’autres substances, dont la citrinine. La citrinine est toxique pour les reins et le foie. Sa concentration dans les compléments de riz rouge fermenté doit éviter être le plus possible. Ce n’est pas toujours le cas : une analyse des compléments démontre que certains d’entre eux en contiennent toujours. « Les compléments de levure riz rouge ne sont pas sans danger » prévient De Backer.
Combien coûtent-t-ils ? Une cure aux compléments de riz rouge fermenté coûte bien plus cher au patient qu’un traitement classique aux médicaments. Ces derniers sont d’ailleurs en grande partie remboursés. Et le consommateur dans tout ça ? Il croit avaler un « produit naturel » contre le cholestérol et abandonne les médicaments (un cocktail de produits chimiques).
Les compléments de Curcuma augmentent les risques de récidive au cancer du sein.
« La médecine occidentale opprimera toujours la vérité ! Voici l’une des centaines de réactions récoltées sur le site néerlandais d’information Nu.nl après la publication d’une étude de l’Institut Erasmus MC Kanker sur le curcuma et le cancer. Dans cette étude conduite de façon très sérieuse, les scientifiques de l’institut ont mis en garde contre la consommation de compléments alimentaires au curcuma chez les femmes au cancer du sein hormonosensible.
Quel est le problème ? « Beaucoup de patientes atteintes du cancer du sein prennent des compléments au curcuma, croyant qu’elles réprimeront leur cancer » affirme le chercheur en chef Koen Hussaart au téléphone. « Nous voulions examiner si le curcuma interférait avec les médicaments que les patientes doivent prendre pendant des années pour éviter les récidives. Et il semble que ce soit bien le cas. Les compléments de curcuma réduisent la concentration du médicament tamoxifen et ses substances actives endoxifen dans le sang, ce qui peut réduire leur efficacité. Il est donc possible que les compléments de curcuma fassent rapidement revenir le cancer du sein. Les femmes atteintes du cancer du sein feraient mieux de ne pas prendre de tels compléments. »
Les hypothèses selon laquelle le curcuma pourrait prévenir le cancer ou les récidives ont été basées sur des expériences animalières et en laboratoire elles n’ont jamais été testées sur des humains, et encore moins sur des patients atteints du cancer qui ingurgitent des médicaments spécifiques. « Les études solides et indépendants sur les effets des compléments alimentaires sont déjà très rares, alors imaginez celles sur l’interaction entre les compléments et les médicaments. » explique Hussaarts. « La dose requise pour obtenir des effets fait encore moins l’objet d’études. »
Croyants ou non-croyants. La plupart des patients qui ont été suivis à l’Institut Erasmus MC Kanker et qui utilisaient du curcuma ont entretemps arrêté d’en consommer. Mais tout le monde n’est pas convaincu. « Nous avons reçu énormément de réactions à notre étude. Des réactions positives mais beaucoup de négatives comme « vous racontez des bêtises ». Sur le site d’information de Nu.nl, nous avons vu une dispute infantile entre des croyants et des non-croyants. Les fabricants de compléments au curcuma se sont également manifestés, mais ils ont avancé peu d’arguments mis à part que « leur préparation » était meilleure… De nombreuses substances sont ajoutées au curcuma, comme la piperine, issue du poivre noir, utile pour améliorer l’absorption. Et même entre les doses ajoutées il y a de grosses différences.
Et dans la cuisine ? Encore une dernière question : que faire du curry que nous avons tous dans notre bac à épices ? Il contient également du curcuma. À cela, Hussaarts répond ceci : « Nous n’avons pas étudié cet angle-là, mais je déconseille aux patients qui prennent du tamoxifène d’ajouter beaucoup de curry à leurs plats. »
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