
Les certificats médicaux papiers, c’est presque fini: «Les médecins un peu complaisants par le passé le seront moins»
Dès le 1er juillet 2025, les certificats d’incapacité de travail ne pourront plus être délivrés sous format papier. Le passage au 100% digital devrait permettre de mieux évaluer le comportement prescripteur des médecins et de limiter les abus, assure l’Arizona.
Chasse aux œufs ou à la fraude? L’accord de Pâques conclu vendredi soir par l’Arizona comprend un large volet consacré à la traque aux abus, notamment en termes d’incapacité de travail. Pour mener à bien sa mission pascale, l’exécutif compte sur la bonne collaboration des médecins, qui devront se plier à plusieurs changements dans les mois à venir.
Dès le 1er juillet 2025, exit le papier. Les certificats médicaux devront obligatoirement être émis sous format électronique. Un impératif justifié par la création d’une banque de données numérique, qui reprendra l’ensemble des certificats pour incapacité de travail. Cette plateforme permettra ainsi de mieux évaluer le nombre d’attestations délivrées annuellement par le corps médical, ainsi que leur durée. L’identification des médecins «outliers» (ceux qui sortent du lot) sera ainsi facilitée, assure le gouvernement De Wever. En cas de comportement suspect, des justifications pourront être réclamées au prestataire concerné, voire des sanctions financières si l’abus est attesté et répété.
Sur la forme, le passage au 100% numérique est globalement bien accueilli par la profession. «On l’attendait depuis dix ans, réagit Luc Herry, vice-président de l’Absym (Association belge des syndicats médicaux). Comme pour les prescriptions, la digitalisation des certificats médicaux nous fait gagner du temps précieux, que l’on peut alors consacrer au patient.»
Un «défi périlleux»
Aujourd’hui, certaines attestations sont déjà délivrées de manière électronique, notamment celles à destination des fonctionnaires. Mais certains employeurs continuent d’exiger leur propre modèle, comme l’armée, la police ou les administrations communales. «Forcément, ce sont des documents papiers, qui sont tous différents et demandent du temps pour s’y retrouver, ce qui est un peu ridicule», confie Luc Herry. Un modèle numérique uniformisé s’avèrera ainsi plus «confortable» pour les médecins, confirme Lawrence Cuvelier, président du GBO (Groupement Belge des Omnipraticiens). Le généraliste doute toutefois de sa mise en œuvre prochaine. «Le rendre obligatoire dès le 1er juillet, ça me paraît un défi périlleux… voire impossible. Si l’ordinateur tombe en panne ou le programme plante, que se passera-t-il alors? Le certificat papier qu’on sera contraint de délivrer sera-t-il jugé non-valable? J’attends de voir…»
Des modalités informatiques qui n’effraient pas Luc Herry, au vu du succès actuel du système de prescriptions en ligne. A condition que le fédéral développe une plateforme efficace. «L’employeur ou l’établissement scolaire pourra y retrouver rapidement le certificat concerné, qui arrivera ainsi plus facilement à destination et, qui plus est, de manière sécurisée, insiste le vice-président de l’Absym. Surtout, dans ces conditions, le certificat ne pourra pas être falsifié…».
«Ménager la profession»
Pour l’Absym, la création d’une banque de données permettra de dresser le «profil-type» de chaque prescripteur, et d’ainsi responsabiliser davantage la profession. «On peut espérer que les médecins un peu complaisants par le passé le seront moins», ose Luc Herry, qui rappelle toutefois que la délivrance de certificats factices reste une pratique très limitée au sein du corps médical. «Pour ceux qui travaillent correctement, rien ne va changer. Il n’y a pas de raison d’être inquiétés. Mais nous défendons une médecine efficace et efficiente, donc nous acceptons les contrôles, qui pourront généralement être justifiés par la patientèle.» En effet, le profil des patients (âge, pathologie, niveau de vie) diffère d’un cabinet médical à l’autre, ce qui influe logiquement sur la production de certificats médicaux. Une variable qui devra être prise en compte dans les justifications exigées par le gouvernement, estime l’Absym.
S’il ne s’oppose pas au renforcement des contrôles, le GBO regrette une politique uniquement basée sur la chasse aux abus. «C’est vraiment devenu une idée fixe chez certains politiciens, déplore Lawrence Cuvelier. Or, les fraudes restent extrêmement limitées.» Le généraliste s’inquiète en outre de la pression accrue exercée sur les médecins. «En période de pénurie sévère, il faut ménager la profession. Ce n’est pas une bonne idée de rajouter une dose de stress supplémentaire sur le corps médical. D’autant que la délivrance de certificats, ce n’est qu’un aspect très accessoire de notre métier. Notre priorité, c’est de soigner les gens.»
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