Grâce au zebra striping, le pic d’intoxication à l’alcool est grandement retardé. © Getty Images

Le zebra striping, la tendance en vogue pour limiter l’alcool: «Ça n’annule pas les risques, mais ça les diminue»

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Le zebra striping, qui consiste à alterner alcool et soft, connaît un regain de popularité auprès des jeunes. Une manière de réduire sa consommation et les risques qui lui sont associés, sans passer par la case abstinence. Mais gare aux effets pervers.

C’est une technique de prévention vieille comme le monde, mais qui, par la grâce des réseaux sociaux, connaît un nouvel élan de popularité. Le zebra striping, néologisme anglophone qui désigne l’alternance d’un verre d’alcool avec un verre de soft, serait adoubé par la génération Z. Selon une étude relayée par le Guardian, 25% des jeunes Britanniques se plieraient à cette méthode lors d’une sortie au pub ou dans un bar.

Si aucune donnée similaire n’existe en Belgique, la tendance aurait tout intérêt à gagner les milieux festifs ou estudiantins, encore trop souvent en proie à la surconsommation et au binge-drinking (processus d’hyperalcoolisation rapide). «La zébriété, contraction de sobriété et ébriété, est très précieuse pour réduire la consommation excessive d’alcool», souligne Martin de Duve, alcoologue et directeur de l’ASBL Univers santé. «Si le buveur alterne systématiquement entre alcool et soft, il aura moins consommé de produits alcoolisés à la fin de la soirée, confirme Pierre Maurage, chercheur au FNRS et professeur à la faculté de psychologie de l’UCLouvain. Mécaniquement, il est en effet presque impossible de boire le double du volume ingéré habituellement sur une même période de temps, notamment en raison d’une sensation d’estomac plein

Retarder le pic d’intoxication

Cette consommation réduite tempèrera dès lors les impacts négatifs de l’alcool sur le cerveau (ralentissement de la communication entre les neurones, troubles de la mémoire, voire perte de tissu cérébral à long terme). L’absorption d’eau ou de softs permettra également de limiter la déshydratation liée à l’effet diurétique de l’alcool. «Le buveur conservera ainsi une bonne perfusion hépatique et rénale durant la soirée, et donc, un métabolisme correct», note Martin de Duve. Cela impliquera également moins d’effets secondaires le lendemain matin et réduira la sensation de gueule de bois, ajoute Pierre Maurage.

Alterner bières, vin ou spiritueux avec du soft procure également l’avantage d’éviter, ou en tout cas de retarder, le pic d’intoxication à l’alcool et la sensation de désinhibition. «En réduisant la montée exponentielle du taux d’alcoolémie, on s’offre plus de chances de contrôler sa consommation», souligne Martin de Duve. «Car, on le sait, l’alcool entraîne l’alcool», rappelle Pierre Maurage. Le fêtard sera ainsi moins tenté d’en boire encore «une petite dernière», qui se serait en réalité révélée «celle de trop». Gare toutefois à ne pas surestimer les pouvoirs du soft, qui n’évaporera pas miraculeusement les effets de l’alcool. «Le zebra striping diminue les risques, mais ne les annule pas complètement, insiste Martin de Duve. La prudence reste donc de mise après la consommation, surtout en cas de prise de volant ou de guidon après la soirée.»

L’eau, enfin gratuite?

Malgré ses bienfaits, le zebra striping présente tout de même certains écueils, à commencer par la nature de la boisson non-alcoolisée consommée. «Boire des énormes quantités de soft sur la soirée risque d’augmenter sérieusement l’apport en sucres dans le corps, pointe Pierre Maurage. Le coca ou les boissons énergisantes ne sont pas non plus des substances optimales pour la santé, d’autant que la caféine peut interagir négativement avec l’alcool dans l’organisme. Boire cinq red bulls plongera le fêtard dans un état d’excitation avancé qui risque, lui aussi, d’entraîner des comportements non contrôlés.»

Bref, la meilleure option reste l’eau. Mais encore faut-il qu’elle soit proposée gratuitement, ou à un prix réduit par rapport aux boissons alcoolisées. «Il est grand temps que l’eau soit offerte aux consommateurs dans tous les établissements, insiste le chercheur au FNRS. On ne comprend pas les réticences de l’Horeca à propos de cette mesure, car de nombreuses études ont prouvé qu’elle ne diminuerait pas leur chiffre d’affaires. La même quantité d’argent sera toujours investie par les consommateurs.»

Une alternative au Dry January?

L’accessibilité financière du zebra striping se pose surtout chez les jeunes fêtards, dont les budgets sont parfois serrés. «Si la bière coûte 2 euros mais que le soft est proposé à 2 euros 50, ce n’est pas très incitatif», poursuit Pierre Maurage. Heureusement, la gratuité de l’eau commence à se généraliser dans les milieux estudiantins, notamment dans les cercles universitaires. «Et cela porte ses fruits, se réjouit Martin de Duve. Avec Univers santé, nous avons mis en place la distribution active d’eau gratuite durant les 24 heures vélo de Louvain-La-Neuve. Résultat: les interventions de la Croix-Rouge ont été diminuées par deux.»

Bref, malgré ses limites, le zebra striping a le mérite de (re)banaliser la consommation de softs ou d’eau en soirée, qui reste encore culturellement mal perçue dans les milieux festifs, en Belgique comme ailleurs. La tendance peut également représenter une alternative moins contraignante à l’abstinence totale. «En théorie, la meilleure option pour la santé est de ne pas consommer d’alcool du tout, rappelle Pierre Maurage. Mais on ne vit pas dans un monde idéal. Le Dry January (ou toute initiative prônant la sobriété) se révèle parfois inatteignable pour certains. Le zebra striping peut représenter un premier pas vers une limitation progressive de la consommation, sans trop engendrer de frustration. Toute stratégie qui pouse à réduire l’alcool, même temporairement, est bonne à prendre.»

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