Le télétravail rend-il la vessie paresseuse ?
Le télétravail est-il à l’origine d’une vessie paresseuse ou de ce que certains appellent une vessie de télétravailleur en raison de la proximité constante des toilettes ? Selon l’urologue Frank Van der Aa (UZ Leuven) d’autres facteurs peuvent être responsables.
De nombreuses personnes ont déjà pu constater que le télétravail avait des effets sur leurs corps. Par exemple qu’il était à l’origine de douleurs à la nuque ou dos ou encore qu’il augmentait la fatigue oculaire ou la prise de poids. A tous ces désagréments, on pourrait aussi rajouter la vessie du télétravailleur. Pendant les différents confinements de 2020, certains médecins généralistes britanniques ont observé qu’un nombre croissant de personnes présentaient des symptômes liés à une « vessie hyperactive ». Selon ces médecins, le travail à domicile généralisé en serait la cause. Au bureau, les toilettes ne sont pas toujours à proximité ou on est souvent distrait par un collègue. Il n’est donc pas rare que l’on doive se retenir d’uriner. Dans l’environnement domestique, en revanche, les gens peuvent aller aux toilettes beaucoup plus rapidement et plus souvent. Après tout, on ne doit pas faire la queue devant sa propre toilette et on peut promptement soulager toutes envies pressantes. Vider régulièrement sa vessie signifie aussi que celle-ci s’habitue à retenir moins d’urine et que le cerveau est conditionné pour uriner plus fréquemment. Cela entraîne une sensibilité et une activité excessives de la vessie, voire, dans certains cas, une perte involontaire d’urine.
Pas de preuves scientifiques
Frank Van der Aa, urologue à l’UZ Leuven, dit ne pas avoir constaté ce genre de phénomène dans son cabinet, même s’il n’exclut pas que les médecins généralistes y soient confrontés en ces temps de télétravail. Cependant, pour l’urologue, le travail à domicile n’est peut-être pas réellement la cause du syndrome.
Il y a en réalité plusieurs facettes à cette histoire. L’hyperactivité vésicale est un trouble gênant qui se traduit par des envies d’uriner plus fréquentes ou par une sensation d’urgence qui vous empêche de vous retenir. Des études scientifiques ont montré que la thérapie comportementale est très efficace pour traiter l’hyperactivité vésicale. Il s’agit de traiter le plancher pelvien et d’une rééducation de la vessie consistant à apprendre à boire à la bonne fréquence, retarder la miction (action d’uriner) et développer des techniques pour surmonter l’envie d’uriner.
Mais ce n’est pas parce que la rééducation fonctionne pour l’hyperactivité vésicale que les personnes qui font du télétravail et qui urinent plus souvent sont forcément atteintes d’hyperactivité vésicale. C’est un raisonnement qui n’a aucune base scientifique. C’est donc un mauvais signal que de dire que le télétravail rend votre vessie malade ». Van der Aa fait aussi remarquer que ce n’est peut-être pas que notre comportement en matière de miction qui a changé depuis que nous travaillons à la table de la cuisine. Peut-être que l’on se fait maintenant un grand pot de thé que l’on termine en deux heures, alors qu’au bureau, on arrivait à peine à la machine à café ? Du coup cela n’a rien de surprenant que l’on doive uriner plus souvent, mais cela ne signifie pas que l’on a forcément une vessie hyperactive. Il existe également des preuves indirectes que les boissons gazeuses et caféinées telles que le café et le thé stimulent la vessie. En outre, une personne qui travaille à domicile peut être plus attentive à son comportement urinaire ou a plus facilement remarqué les changements. Mais cela ne signifie pas pour autant que le télétravail en est la cause.
« Une vessie hyperactive est généralement idiopathique (sans cause connue NDLR) », poursuit Van der Aa. Souvent, nous n’en connaissons pas la cause. L’âge est un facteur de risque. Ce syndrome est aussi fréquent chez les femmes que chez les hommes, mais chez ces derniers, le problème est davantage attribué à une hypertrophie de la prostate qu’à l’hyperactivité vésicale. Pour être clair, la douleur et les saignements ne sont pas des symptômes d’une hyperactivité vésicale. Si l’on présente de tels symptômes, il pourrait s’agir d’une autre pathologie.
Comportement normal d’urination ?
Mais combien de fois en moyenne une personne doit-elle aller aux toilettes pour que son comportement soit considéré comme « normal » ? Il existe une définition de la Société internationale de la continence (ICS) selon laquelle il est normal d’uriner huit fois en 24 heures. Mais ceci dit, uriner est une chose subjective. Si l’on n’atteint pas les huit fois par jour, il n’y a absolument aucune raison de s’inquiéter. Nous ne devons pas tout surpathologiser. En revanche, si l’hyperactivité vésicale interfère trop avec votre vie normale, vous ne devez pas l’ignorer. Il existe des traitements, comme des séances de rééducation du plancher pelvien avec un kiné ou certains médicaments.
Conseils que vous pouvez appliquer vous-même contre l’hyperactivité vésicale :
- Maintenez un schéma strict de consommation et d’urination pour créer une régularité. Buvez un verre d’eau toutes les deux heures, puis allez aux toilettes.
- Faites travailler votre vessie en vous retenant de façon progressive de plus en plus longtemps.
- Limitez le café, le thé, l’alcool et les boissons énergisantes.
- Posez vos pieds à plat sur le sol lorsque vous vous asseyez. Garder les talons en l’air exerce une pression constante sur la vessie et augmente la fréquence des envies.
- Entraînez votre plancher pelvien avec des exercices spécifiques.
- N’arrêtez pas de boire pour réduire le besoin d’uriner. Il est très important de boire suffisamment d’eau chaque jour.
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