
Le « syndrome du voyageur », ce mal dont souffrent certains touristes
Voyager rime pour beaucoup avec aventure et dépaysement. Beaucoup de touristes cherchent avant tout à découvrir de nouvelles cultures. Pourtant, certaines personnes sont véritablement choquées par le différentiel culturel et peuvent être victimes du » syndrome du voyageur » qui peut aller du simple sentiment d’étrangeté à la bouffée délirante.
Le syndrome du voyageur psychique est un mal dont souffrent certains touristes. Il se manifeste par des états délirants aigus, des hallucinations, un sentiment de persécution, de l’anxiété, des vertiges, etc. Les symptômes peuvent être très variables d’une personne à l’autre, mais tous ont la caractéristique commune d’être provoqués lors d’un voyage.
On dénombre plusieurs syndromes du voyageur dans le monde, chaque ville provoquant des délires à cause de ses spécificités.
- Syndrome de Paris
En France, et plus particulièrement à Paris, ce sont les touristes japonais qui souffrent le plus de ce syndrome. En effet, dans leur pays, la population garde une image idéalisée de la France et du Paris romantique. La ville représente pour eux le symbole du luxe et de l’élégance. Les Japonais ont parfois bien du mal à se confronter aux codes sociaux français une fois dans la capitale. Quelle que soit la durée du séjour, certains d’entre eux n’arrivent pas à s’adapter à ce nouveau cadre de vie et nécessitent une aide psychologique.
Olivia Groto-Genet est psychologue clinicienne à Paris. Elle reçoit chaque semaine une quinzaine de patients japonais souffrant de désordres psychologiques à des degrés différents. Elle se souvient d’un « touriste qui ne sortait plus de sa chambre d’hôtel depuis trois jours, persuadé de devoir déchiffrer un code. Il se croyait victime d’une conspiration visant à l’éliminer. Il regardait les informations en boucle, mais ne comprenait pas ce qui se disait. » Cet homme a été interné avant d’être rapatrié au Japon.
- Syndrome de Stendhal
Ce cas est appelé « syndrome de Stendhal » en référence au carnet de voyage Rome, Naples et Florence de l’écrivain français. Il est le premier, en 1817, à décrire ce syndrome : « J’étais dans une sorte d’extase, par l’idée d’être à Florence, et le voisinage des grands hommes dont je venais de voir les tombeaux. Absorbé dans la contemplation de la beauté sublime, je la voyais de près, je la touchais pour ainsi dire. J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux-Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de coeur, la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber »
Dans les années 1980, la psychiatre Graziella Magherini a recensé une centaine de touristes bouleversés par des émotions extrêmes causés par la beauté des oeuvres et monuments de la ville. Ils sont chamboulés par la grandeur physique et morale des oeuvres. Les touristes peuvent aller jusqu’à manifester des symptômes maniaco-dépressifs bipolaires. Aujourd’hui, les hôpitaux de la ville reçoivent encore des patients atteints des mêmes symptômes
- Syndrome de l’Inde
Ce syndrome a été observé par Régis Airault, psychiatre ayant fait un long séjour au Consulat de France à Bombay, dans les années 1980. Les touristes occidentaux s’étaient forgé une image tronquée de la vie en Inde faite de grands temples, de paysages splendides et d’une atmosphère spirituelle intense. Une fois sur place, ils découvrent le revers de la médaille fait de bruits, d’odeurs parfois nauséabondes, d’une pauvreté extrême, d’un climat lourd et de l’omniprésence de la mort.
Ce syndrome se manifeste par de l’anxiété, du stress, des troubles dépressifs et parfois même une dépersonnalisation. Les personnes touchées sont confrontées trop brusquement à un univers qui leur est totalement étranger. Le syndrome se déclare surtout chez les touristes qui visitent de grandes villes comme Bombay ou Calcutta. Le choc culturel sera moins pénible dans une plus petite ville où la misère est moins flagrante
- Syndrome de Jérusalem
Le « syndrome Jérusalem » est quant à lui un délire mystique. Les touristes proclament des passages de la Bible et des chants sacrés, ils se confectionnent des toges à partir de grands draps. Ils proclament des sermons et peuvent être victimes d’hallucinations.
Le docteur Yair Bar El, chef clinique à l’hôpital psychiatrique Kfar Shaul, attribue ces délires à un sentiment de déception. Les pèlerins rêvent de visiter la Terre-Sainte, bastion des trois religions monothéistes, mais se retrouvent une fois sur place confrontés à des périodes archéologiques turques, byzantines et croisées avec très peu de traces de l’ère chrétienne. La réalité ne répond pas à leurs attentes et certains se réfugient dans un délire mystique.
Le nombre de cas augmente surtout aux abords de grandes fêtes religieuses (Noël, Pâques, Pessah, …) et durant les mois chauds (juillet et août).
- Syndrome de l’expatrié
Des manifestations délirantes peuvent aussi se déclarer chez des expatriés de retour dans leur pays d’origine. La phase de réadaptation au milieu peut s’avérer plus ou moins longue et douloureuse selon la durée du séjour et le différentiel culturel entre les deux pays.
Ces situations restent toutefois rares. Les touristes qui souffrent du syndrome du voyageur à un fort degré ont très souvent des prédispositions aux maladies mentales, le voyage n’étant qu’un déclencheur. En plus d’être peu courant, ce syndrome tend à diminuer, car une meilleure information circule grâce à internet et aux réseaux sociaux.
Loreline Dubuisson
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