Le réchauffement climatique exerce-t-il un impact sur… la libido?
Les chaleurs extrêmes, aggravées par le réchauffement climatique, exercent-elles un impact sur la libido, et par conséquent sur le taux de natalité?
Ces dernières années ont été caractérisées par des records de température, et selon le Chef du service scientifique Prévisions du temps au sein de l’Institut royal météorologique (IRM), David Dehenauw, le mois de septembre est parti pour être le mois plus chaud jamais enregistré. Ces températures élevées influencent-elles la libido?
En 2015, une étude menée par l’Université de Californie examinait le lien entre les températures et le nombre de naissances aux États-Unis de 1930 à 2010. Les scientifiques observaient que neuf mois après les journées où la température était supérieure à 27 degrés, il y avait une forte baisse du nombre de naissances, suivie d’une stabilisation.
Selon les chercheurs , les températures extrêmes affecteraient la fréquence des rapports sexuels. Elles pourraient exercer un impact sur les niveaux d’hormones et les pulsions sexuelles. En outre, les températures élevées peuvent nuire à la santé reproductive ou à la qualité du sperme chez l’homme, ou à l’ovulation chez la femme.
Les résultats de cette étude signifient-ils pour autant que le réchauffement climatique exerce un impact sur la natalité? Présidente de la SSUB (Société des Sexologues universitaires de Belgique), Charlotte Leemans ne cache pas son scepticisme. Elle rappelle que natalité et relations sexuelles sont très peu liées. « Rappelons que beaucoup de gens n’ont pas de rapports sexuels dans le but d’avoir un enfant. Aujourd’hui, la plupart des gens qui font l’amour utilisent un moyen de contraception. Ce n’est pas parce qu’il y a eu moins de naissances à ce moment-là, qu’il y a eu moins de rapports sexuels ».
Un effet négligeable
C’est également l’avis de Bruno Masquelier, démographe et professeur à l’UCLouvain qui estime que si effet il y a, celui-ci est négligeable. « Dans les pays où l’on pratique la contraception moderne, la fréquence des rapports sexuels et la libido jouent très peu sur la fécondité », déclare-t-il.
L’été ne serait-il pas au contraire la saison des amours? « Oui et non », répond Charlotte Leemans. « C’est souvent une période de vacances, et quand on se sent moins stressé, et plus détendu, on a davantage envie de faire l’amour. Cependant, l’inverse est vrai aussi. Quand on dort mal à cause de la chaleur, on est plus fatigué. La transpiration peut également agir comme un répulsif. D’un autre côté, quand il fait chaud, on s’habille un peu plus légèrement et donc cela peut être suggestif et éveiller l’érotisation. S’il fallait vraiment choisir une saison, ce serait le printemps », estime-t-elle.
Eco-anxiété
Si l’impact du la chaleur sur la libido est négligeable, l’anxiété suscitée par l’incertitude climatique risque-t-elle d’affecter la natalité ? « Comment dans un monde qui craque de tous bords, l’incertitude climatique va impacter notre fécondité ? », s’interroge Bruno Masquelier. D’après une enquête publiée en 2021 par The Lancet, réalisée auprès de 10.000 personnes dans dix pays, 39% des jeunes de 16 à 25 ans « hésitent à faire des enfants » en raison d’une inquiétude suscitée par le changement climatique.
«Les travaux qui suggèrent que les jeunes sont inquiets par rapport au changement climatique et susceptibles de vouloir réviser leur fécondité à la baisse ne permettent pas de conclure à une modification substantielle de la part des jeunes qui ne veulent pas d’enfants. Cependant, il y a d’autres facteurs. Dans les faits, le changement climatique va modifier nos vies à un point qu’il est difficile de croire que ça ne va pas changer la fécondité, surtout dans populations les plus affectées par le changement climatique », explique le démographe.
Tout se jouera en effet dans l’hémisphère sud de la planète. « Il faut bien prendre conscience qu’aujourd’hui 34% des naissances ont lieu en Afrique et que c’est également la région qui sera la plus massivement impactée par le changement climatique. Il faudrait donc plutôt s’interroger sur la manière dont les parents d’un tiers des enfants qui vont naître aujourd’hui seront impactés par le changement climatique et vont revoir leurs intentions de fécondité, un changement qui ne conduira pas nécessairement à moins d’enfants », estime le professeur.
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