« Le moustique tigre s’adapte très bien »: pourquoi la dengue flambe en Europe (et est surveillée de près en Belgique)
La dengue progresse en Europe, et pas seulement via des cas importés d’autres pays. En Belgique, il n’y a toujours pas de cas autochtone, et la surveillance s’accroît pour l’éviter le plus longtemps possible.
Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) qui tire la sonnette d’alarme: les cas de dengue, ainsi que d’autres maladies liées aux moustiques, sont en nette augmentation en Europe. En 2023, 130 cas de dengue autochtone ont été enregistrés dans l’Union européenne plus l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège (zone EEE), contre 71 en 2022. Une hausse jugée significative par rapport aux années précédentes. Le nombre de cas importés a également flambé, à 1.572 en 2022 et 4.900 en 2023, son plus haut niveau depuis le début de la surveillance européenne en 2008.
Un sur quatre
Le moustique tigre Aedes albopictus, connu pour transmettre les virus de la dengue, du chikungunya et du Zika, «se propage plus au nord, à l’est et à l’ouest de l’Europe, et a maintenant des populations autonomes dans 13 pays de l’UE/EEE», a indiqué l’ECDC. L’espèce Aedes aegypti, responsable de la propagation de la fièvre jaune, de la dengue, du chikungunya et du Zika, s’est récemment établie à Chypre et dans plusieurs régions périphériques de l’UE, telles que Madère et les îles françaises des Caraïbes.
Selon Javiera Rebolledo Romero, épidémiologiste à l’Institut de santé publique Sciensano, environ 75% des cas sont asymptomatiques. La période d’incubation est, en moyenne, de quatre à sept jours, mais peut aller de trois à quatorze jours. «Dans la plupart des cas, les symptômes ne sont pas spécifiques mais généraux: fièvre soudaine, maux de tête, douleurs musculaires, éruption cutanée… Quand c’est le cas, la forme est bénigne et le patient se rétablit en quelques jours ou semaines.» Mais dans une minorité de cas, moins de 5% des cas symptomatiques, il peut y avoir une forme sévère. «Avant on l’appelait hémorragique, mais ce n’est plus le cas. S’il n’y a pas de prise en charge appropriée, cela peut vraiment être très sévère, avec des complications.»
Que des cas importés (pour l’instant)
En Belgique, les cas répertoriés sont des cas importés, avec environ une centaine de cas par an. «Leur nombre dépend de plusieurs facteurs, notamment s’il y a une flambée dans certaines régions du monde, ainsi que les destinations de voyage. Il y a eu des années où il y avait des épidémies à l’étranger, et cela a augmenté le nombre de cas importés», confirme l’experte.
Depuis 2023, une recrudescence des cas de dengue a lieu, en Amérique latine où une épidémie sévit notamment au Brésil, Pérou, Argentine et Uruguay, ce qui a participé à la hausse en Europe. «La France l’observe, mais la Belgique aussi, avec le nombre de cas importés le plus important depuis que la surveillance existe, environ 200 cas», indique Javiera Rebolledo Romero.
Dans certains pays d’Europe, comme la France, l’Espagne ou encore l’Italie, ont été observés l’an dernier des cas autochtones, c’est-à-dire qui se déclarent dans le pays directement. «Pour que cela arrive, il faut que le moustique tigre soit présent et établi. Ce qui n’est pas le cas en Belgique jusqu’à présent. Mais si rien n’est fait, cela peut arriver ici aussi.»
Le changement climatique, mais pas que
Le moustique tigre est désormais repéré presque chaque année en Belgique, mais ne s’est donc pas encore officiellement établi. Des moustiques exotiques qui ne sont «pas nouveaux», estime l’Institut de Médecine Tropicale (IMT). «Ces dernières années, les chercheurs de l’IMT ont repéré plusieurs espèces de moustiques exotiques sur les aires d’autoroute, dans des entreprises qui font le commerce de pneus d’occasion et de bambou de la chance, ainsi que dans une zone industrielle.»
Si le moustique tigre progresse, c’est dû à plusieurs facteurs. Le changement climatique n’y est pas étranger, car les températures sont plus élevées et il fait moins froid l’hiver, ce qui augmente ses chances de survie. «Le moustique tigre s’adapte très bien aux différentes conditions naturelles, surtout en milieu urbain», confirme Javiera Rebolledo Romero. La mondialisation et les voyages contribuent également à son arrivée. Une installation principalement due «au transport mondial des marchandises, au changement climatique et à sa bonne capacité d’adaptation», confirme l’IMT.
Essentielle surveillance
Pour l’empêcher, la surveillance est primordiale. Les citoyens peuvent jouer leur rôle, notamment via la plateforme https://surveillancemoustiques.be/. «Il leur est demandé d’envoyer des photos s’ils repèrent des moustiques tigres. Cela fonctionne assez bien», juge l’experte de Sciensano. Il est aussi crucial de lutter contre le moustique quand il est présent et, là aussi, chacun peut contribuer. «Il est recommandé d’éliminer les gîtes larvaires, là où ils pondent des œufs. Les moustiques aiment beaucoup les conteneurs artificiels, notamment en plastique. Cela peut être une coupelle de fleurs, une brouette laissée dans le jardin où l’eau stagne, ou un dispositif qui récolte l’eau de pluie. L’idéal, c’est de renverser l’eau, dans les jardins et terrasses où ils pourraient trouver refuge», explique-t-elle. Les autorités compétentes font aussi leur part là où il est établi avec des mesures de contrôle, notamment des compagnies qui utilisent des biocides pour le combattre.
En Belgique, le Centre national de référence fait le diagnostic de laboratoire et recense les cas positifs. De plus, «il y a une liste de maladies à déclaration obligatoire, c’est-à-dire que les praticiens doivent déclarer aux autorités compétentes. Jusqu’à présent tant en Flandre, qu’en Wallonie et qu’à Bruxelles, seuls les cas acquis en Europe sont à déclaration obligatoire. Cependant, en Flandre, à partir de 2024, tout cas de dengue doit être déclaré. La Wallonie et Bruxelles suivront, mais ce n’est pas encore le cas.» Une manière d’anticiper de potentiels futurs cas autochtones, ou de les éviter au maximum.
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