Le nouveau ministre wallon de la Santé a bénéficié d’un contrat de consultance pour une société luxembourgeoise lorsqu’il était professeur à l’école de santé publique de l’ULB. © BELGA

Le juteux contrat luxembourgeois du «consultant» Covid Yves Coppieters (info Le Vif)

Clément Boileau
Clément Boileau Journaliste

Le nouveau ministre wallon de la Santé a conduit, en 2020, une étude sur l’impact du Covid pour le compte de l’Aviq, alors qu’il était professeur à l’Ecole de santé publique de l’ULB. Sauf que le contrat, d’une valeur de plus de 60.000 euros, n’est pas revenu à l’université, comme l’étude le sous-entend, mais à une société de consultance luxembourgeoise, Sogerom.

Au cœur de l’été 2020, l’Aviq (l’agence de santé wallonne), a lancé une offre de marché public pour analyser «l’impact de l’épidémie de Covid-19 sur les structures d’hébergement collectif en Région wallonne (…) et l’établissement de recommandations». Pas question de faire de jaloux entre savants belges, semble-t-il: trois «lots» similaires, pour mener cette même étude, ont été attribués courant juillet à différentes universités: l’UCL (Louvain), l’ULiège, et — en apparence — l’ULB, où officiait un certain Yves Coppieters (Les Engagés)— nouveau ministre wallon de la Santé — à l’époque professeur à l’Ecole de santé publique (ESP) et invité bien connu des plateaux de télévision, où il décryptait avec pédagogie la crise sanitaire majeure que le pays était en train de traverser.

C’est à l’automne 2020 que le rapport épidémiologique de l’ULB paraît, «réalisé par l’Ecole de santé publique» de l’université, avec l’aide de plusieurs organismes (la direction de la recherche, l’Aviq, Sciensano, etc.), dixit l’étude. Aux côtés du professeur Coppieters et du docteur Miarimbola, qui ont mené cette recherche, apparaît aussi un autre partenaire: l’entreprise Sogerom, avec qui les deux scientifiques ont travaillé en «collaboration», dixit le rapport.

Une attribution qui a crispé

En fait de «partenaire», c’est bien cette société de consultance, sise au Luxembourg, qui a remporté le marché public, selon le document d’attribution des différents lots, d’une valeur d’un peu plus de 60.000 euros chacun. Et, concernant l’attribution à la Sogerom, il apparaît que ça ne s’est pas passé comme sur des roulettes, le lot ayant finalement été attribué à l’issue d’un vote du conseil général de l’Aviq passé ric-rac (6 voix contre 5).

Sogerom, qui est une société active dans la santé publique avec laquelle j’ai déjà travaillé dans certains pays d’Afrique, a répondu à l’appel d’offres. Ils ont gagné et ils m’ont proposé d’être leur consultant.

Yves Coppieters

«Je vais être très clair, désamorce Yves Coppieters. Sogerom, qui est une société active dans la santé publique avec laquelle j’ai déjà travaillé dans certains pays d’Afrique, a répondu à l’appel d’offres. Ils ont gagné et ils m’ont proposé d’être leur consultant. Donc j’ai fait un rapport scientifique, j’ai été payé par Sogerom en tant qu’indépendant complémentaire puisque, à l’ULB, j’avais gardé un jour (NDLR: de travail) pour cela.»

Plutôt discrète en ligne, Sogerom se présente comme une société «à l’avant-garde pour façonner l’avenir du développement international grâce à [des] services complets de conseil en gestion.» Parmi ses clients, on compte la Commission européenne mais aussi d’autres organismes internationaux, peut-on lire sur Linkedin. La gamme des services est plutôt large, englobant des «aspects horizontaux critiques tels que l’analyse des politiques macroéconomiques et sectorielles, la gestion financière, la rédaction de lois et de réglementations, le renforcement des capacités et le renforcement institutionnel.»

Mis au parfum par Coppieters

Reste à savoir comment Sogerom a entendu parler d’un marché public qui semblait calibré pour des structures universitaires belges, alors que la société paraît plutôt active sur les questions de développement international — à titre d’exemple, Enabel, l’agence belge en la matière, a fait appel à ses services en 2022 pour évaluer «sa stratégie d’intervention dans le domaine de la formation professionnelle et de l’emploi, en Afrique et au Moyen-Orient.»

Son patron, Bruno De Groote, admet qu’il n’aurait sans doute pas entendu parler du marché public de l’Aviq sans l’aide d’Yves Coppieters. Tout en mettant en exergue l’avantage de travailler avec Sogerom, garante d’un «contrôle qualité» rigoureux et d’un «cash flow» bien pratique pour préfinancer l’étude. Un confort qu’apprécie Yves Coppieters: ce dernier aurait «consulté» pour Sogerom entre cinq et dix fois par le passé, selon Bruno De Groote.

Dans le détail, sur les 62.750,60 euros touchés par Sogerom pour cette étude, Bruno De Groote, comme Yves Coppieters, ne veut pas préciser quelle a été la rémunération exacte de l’épidémiologiste. Mais «c’est très en dessous de ce qu’il aurait été payé par un ‘big four’ (NDLR : qui désigne les 4 cabinets de consultances les plus prestigieux au monde que sont Deloitte, Ernst and Young, PricewaterhouseCoopers et KPMG)», argue-t-il. «Moi je n’ai fait que de la consultance avec notes d’honoraires et statut d’indépendant complémentaire», conclut, pour sa part, le nouveau ministre wallon de la Santé. Interrogée sur ce contrat, l’Ecole de santé publique de l’ULB loue l’expertise souvent «très sollicitée» de son personnel académique et n’y voit pas matière à redire, «chaque académique temps plein [ayant] le droit de consacrer 20% de son temps à ce type d’activités. Cela sans impacter l’affiliation de leurs travaux avec leur centre de recherche respectif.»

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