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« Le confinement nous a appris à nous libérer des conventions sociales »

Marie Gathon Journaliste Levif.be

Le 18 mars, tout s’est arrêté. Confinés, chacun chez soi, seuls ou à plusieurs, avec ou sans jardin, avec ou sans (télé)travail. Si le contexte était différent pour chacun, certains confinés ont retenu des leçons positives de cette période hors du temps.

Alors que le déconfinement s’amorce, que les travailleurs retournent progressivement au bureau et les enfants à l’école, certains ressentent de la peur, voire de l’angoisse à l’idée de sortir de chez eux. C’est ce que l’on appelle le « syndrome de la cabane ». Il a déjà été observé par les psychologues chez les personnes sortant de prison ou après un long séjour à l’hôpital. Certaines personnes « perdent leur sécurité et craignent ce qui se trouve à l’extérieur », explique la psychologue Timanfaya Hernandez, au journal espagnol El Pais.

Au-delà de cette crainte extrême de reprendre une vie normale, certaines personnes redoutent de recommencer leur vie là où elle s’était arrêtée avec le confinement.

L’arrêt du pays a été vécu comme un choc pour la plupart d’entre nous. Du jour au lendemain, nous avons été privés de nos repères, de nos relations sociales, de notre travail parfois et de nos collègues souvent. Contraints d’être enfermés dans nos propres habitations 24 heures sur 24, parfois seul, parfois en couple, ou avec des enfants.

Pourtant, nombreux sont celles et ceux qui ont trouvé des avantages à cette parenthèse imposée pour des raisons sanitaires. Loin de nier que cette crise est dramatique, les personnes que nous avons interrogées ont envie de tirer les leçons de cette période inédite dans leur vie.

La découverte du télétravail

S’il y a bien une chose que le confinement nous a offerte, c’est du temps. Beaucoup de personnes ont en effet pour la première fois goûté aux avantages du télétravail. Finis les transports en commun, les bouchons, le métro-boulot-dodo. « Le changement de routine m’a stressé au début, nous confie Olivia (27 ans) qui vit dans un appartement bruxellois avec son compagnon. Mais une fois que j’ai trouvé mes marques et mon rythme, je me suis finalement sentie moins anxieuse », explique-t-elle.

Même son de cloche chez Caroline (35 ans) qui s’est, elle aussi, retrouvée à travailler à la maison avec son compagnon et leur garçon de 2 ans et demi. « Nous faisions déjà des horaires décalés en temps normal. On essaye de ne pas travailler en même temps pour pouvoir s’occuper de notre petit garçon », explique-t-elle. « On s’est très vite fait à cette nouvelle routine et nous avons l’intention de continuer à télétravailler deux à trois jours par semaine à l’avenir ».

De nombreuses entreprises ont été forcées de s’organiser à toute vitesse pour permettre à leurs employés de continuer à travailler à domicile durant le confinement. Certaines ont l’intention de continuer à offrir cette possibilité à leurs travailleurs.

Je ne veux pas retomber dans mes travers d’avant

C’est aussi le cas de Sarah (38 ans), qui travaille pour l’administration communale de sa ville et qui va continuer à pratiquer le travail à domicile à temps partiel. « Je ne veux pas retomber dans mes travers d’avant », nous dit-elle. « Au moment où le confinement est arrivé, j’étais au bout du rouleau, l’élastique était sur le point de craquer. Ç’a été une véritable pause bénéfique pour moi et ma famille, même en continuant à travailler. »

J’apprécie de plus en plus de passer du temps seule chez moi.

Pour Élisabeth (36 ans), célibataire vivant dans un appartement à Bruxelles, l’idée de faire du télétravail à temps plein ne l’enchantait pas du tout. « Avant ça, je détestais le télétravail. Maintenant, j’apprécie de plus en plus de passer du temps seule chez moi. J’ai plus de temps pour cuisiner et faire d’autres choses que de passer mon temps dans les transports. J’ai même acheté un vélo. C’est une nouvelle liberté ! », explique-t-elle. « Même si je me réjouis de revoir mes collègues, je me vois bien continuer à travailler à la maison quelques jours par semaine », dit-elle.

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Revenir à l’essentiel

La fermeture des magasins, la suppression des loisirs et l’obligation de rester chez soi ont obligé beaucoup de personnes à revenir à l’essentiel et à arrêter la course infernale aux loisirs les week-ends. « Avant je passais mon temps à courir partout à conduire les enfants à gauche et à droite, à faire des courses, à tenir mon ménage, etc. », explique Sarah. « Avec le confinement, je me suis rendu compte que je me mettais cette pression toute seule et ça m’a apporté une grosse bulle d’oxygène au moment où j’en avais vraiment besoin. »

À partir de maintenant, elle a décidé de passer plus de temps de qualité avec ses enfants et son mari. « Je voudrais aussi inculquer cela à mes enfants. Leur dire qu’il y a des moments où il faut être rigoureux, mais surtout qu’il ne faut pas trop se mettre la pression dans la vie », explique-t-elle.

Même Audrey (36 ans), infirmière en soins intensifs et mère de deux enfants, qui a vécu au coeur de la crise, a tiré du bénéfice de cette période confinement. Alors qu’elle ne travaillait plus aux soins intensifs depuis quelques années, elle a demandé à rejoindre la cellule Covid-19 de son hôpital. « J’avais besoin de me sentir utile et de faire ma part dans cette crise, explique-t-elle. Je me serais sentie mal de rester au bureau ».

Mes enfants sont plus calmes, ils sont plus reposés parce qu’ils ne sont plus dans ce train-train quotidien à toujours de voir se dépêcher

Dans son quotidien de maman, elle a vu aussi des changements positifs. « Mes enfants sont plus calmes, ils sont plus reposés parce qu’ils ne sont plus dans ce train-train quotidien à toujours de voir se dépêcher », explique-t-elle. « J’ai été plus disponible pour eux parce que j’ai fait des nuits et donc j’ai eu pas mal de congés. Nous avons passé du temps de qualité ensemble », dit-elle.

Elle a même une pensée pour les parents qui ont été obligés de travailler avec leurs enfants. « Avec mes collègues à l’hôpital, on pense parfois aux parents qui doivent travailler avec leurs enfants. On est contentes de ne pas devoir vivre ça. Quand on rentre du travail, on est à 100% là pour eux ».

Une vie sociale à l’arrêt

Du jour au lendemain, les bars et les restaurants ont été fermés. Finies les sorties entre amis. « Ça a été un vrai sevrage pour moi », nous raconte Marie-Pauline (34 ans) qui vit avec son compagnon dans une maison en périphérie de la ville. « Finalement, j’ai réalisé que je n’avais pas besoin de toutes ces sorties qui me fatiguaient et qui me coûtaient cher, dit-elle. Aujourd’hui, je bois moins, je dors plus et je me sens bien mieux psychologiquement. J’ai pris du temps pour cuisiner, j’ai commencé la couture, je suis des cours en ligne… Je prends beaucoup de plaisir dans cette nouvelle vie plus calme et j’ai bien l’intention de continuer ».

J’ai réalisé que je n’avais pas besoin de toutes ces sorties

Le confinement arrêté net le tourbillon dans lequel beaucoup étaient aspirés, sans parfois pouvoir en sortir. Pour nos témoins, cela a été un véritable soulagement, voire une révélation. « Avec mon mari et nos jeunes enfants de 2 et 3ans, on prévoyait toujours 1001 choses à faire le week-end : visites à la famille, soupers entre amis, activités en tout genre, etc. Finalement, on acceptait beaucoup de choses qu’on n’avait pas vraiment envie de faire, simplement à cause de la pression sociale », nous confie Morgane (32 ans).

Pour elle et son mari, tout ça, c’est fini. « Avec le confinement, on s’est rendu compte qu’on pouvait se contenter de peu de choses et de voir uniquement les personnes avec qui l’on entretient de vraies relations », dit-elle. « Accepter des invitations ou recevoir des gens chez nous par simple convention sociale, pour nous, c’est terminé. Et on est bien plus heureux comme ça ».

On acceptait beaucoup de choses qu’on n’avait pas vraiment envie de faire, simplement à cause de la pression sociale

Un constat partagé par Élisabeth qui apprécie de plus en plus de passer du temps seule chez elle. « Je ne veux plus passer mes week-ends à courir le pays pour voir mes amis et ma famille, dit-elle. Je peux aussi simplement passer un coup de téléphone et les voir un peu moins souvent ».

Quant à Olivia, elle a décidé d’assumer son côté casanier. « Je ne dis pas que je ne veux plus voir personne, mais dorénavant j’écouterai mes envies et je répondrai aux invitations qui me font vraiment plaisir ».

Changer de vie

De son côté, Sarah a décidé de faire retomber la pression qu’elle s’était mise toute seule et qu’elle faisait subir à ses enfants. « Mon garçon de 7 ans n’a pas de difficultés scolaires, je ne vais plus m’énerver si les devoirs ne sont pas faits en temps et en heure. Pareil pour le ménage, je mettrai la priorité sur du temps de qualité passé en famille », nous confie-t-elle.

Je ne vais plus m’énerver si les devoirs ne sont pas faits en temps et en heure

Morgane, elle, a carrément décidé de changer de vie. « Je vais assumer mon envie de devenir mère au foyer, nous dit-elle. J’ai toujours su, au fond de moi, que c’était ce dont j’avais envie, mais je n’osais pas, car j’avais peur du regard des autres. Aujourd’hui, la société nous impose de réussir sur tous les plans, mais finalement ça ne nous rend pas forcément heureux. Cette période de confinement a confirmé que c’était ce que je voulais et je suis prête à l’assumer », affirme-t-elle. « Beaucoup de parents se sont rendu compte de ce que c’était d’être avec ses enfants toute la journée. C’est un vrai travail à part entière ».

Caroline aussi nous confie vouloir changer de métier. « C’est une idée qui me trottait déjà dans la tête. Aujourd’hui, j’ai de nouvelles opportunités et mon expérience du confinement n’a fait que confirmer qu’il s’agissait du bon chemin pour moi », dit-elle.

L’avenir nous dira si les confinés heureux parviendront à garder leurs bonnes résolutions quand la machine reprendra. Ou si elles s’évanouiront comme lors d’un retour de vacances ou un lendemain de réveillon bien arrosé.

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