Le rôle du dépistage
Le cancer du sein, particulièrement répandu en Belgique: «Il est difficile de trouver un coupable»
La Belgique fait partie des pays ayant le plus haut taux de cancer du sein dans le monde. Mais la recherche ne permet pas encore de comprendre pourquoi.
C’est le cancer le plus fréquent chez la femme. En plein octobre rose, le mois de sensibilisation contre le cancer du sein, force est de constater que la population féminine belge y est exposée.
En 2022, 11.302 nouveaux cas ont été enregistrés en Belgique, selon les chiffres du Belgian cancer registry. 11.192 femmes pour 110 hommes, soit une femme sur huit. L’un des plus haut taux de cancer du sein dans le monde.
Il y a trois ans, la Belgique détenait le triste record d’être le pays au plus haut taux d’incidence (nombre de nouveaux cas d’une maladie sur une période donnée, rapporté sur 100 000 personnes) de cancers du sein dans le monde, selon les chiffres de l’Agence internationale de recherche contre le cancer de l’OMS. Elle est désormais redescendue en 3e position, derrière la France et Chypre, avec un taux de 104,4 cas sur 100 000 femmes en 2022.
« On ne sait pas très bien pourquoi », répond, ennuyé, le docteur Jean-Benoît Burrion, chef de clinique « Prévention & dépistage » à l’Institut Jules Bordet. « Il y a une vieille hypothèse selon laquelle c’est parce que pendant longtemps on a abusé des prescriptions d’hormones de substitution pour les femmes ménopausées », avance-t-il. Or, il a été prouvé que ce type de traitement augmentait le risque de développer un cancer du sein.
Le rôle du dépistage
De son côté, Véronique Le Ray, directrice de la Fondation contre le cancer, évoque d’abord que le fait que « l’accès au dépistage est assez bon en Belgique ». Toutes, les femmes âgées de 50 à 69 ans sont invitées à passer une mammographie gratuite (Mammotest) tous les deux ans.
En 2021, la Belgique affichait un taux de couverture global de 59% pour le dépistage du cancer du sein. Ce taux était nettement plus élevé en Flandre (65,8%) qu’en Wallonie (49,2%) ou à Bruxelles (48,0%). La participation au dépistage organisé du cancer du sein varie considérablement d’une région à l’autre, avec des taux de 49,2% en Flandre, 9% à Bruxelles et à peine 4% en Wallonie en 2021. « Ces différences sont liées au fait que du côté francophone, il y avait déjà une pratique individualisé de dépistage, contrairement à la Flandre, avant que les programmes régionaux soient mis en place. Le programme régional est davantage utilisé en Flandre qu’en Wallonie ou à Bruxelles, qui se tournent vers leur propre médecin », explique le docteur Burrion.
Et la Fondation contre le cancer insiste, en particulier en cette période d’octobre rose, sur l’importance de régulièrement s’auto-examiner les seins par palpation.
La Belgique n’est toutefois « pas si bonne élève que ça », tempère le Pr François Duhoux, oncologue aux cliniques universitaires Saint-Luc. « Une femme sur deux concernée par le dépistage ne va pas le faire. Les campagnes de sensibilisation n’atteignent pas une partie de la population », regrette-t-il. De plus, un meilleur dépistage ne rime pas forcément avec davantage d’incidence. « Dans les pays où le dépistage est meilleur, comme les pays nordiques, il y a moins de cancers du sein », renseigne-t-il .
Il faut également chercher du côté des causes. « La Belgique a une population vieillissante », développe Véronique Le Ray, et l’on sait que le risque de développer un cancer du sein augmente avec l’âge. En Belgique, 81 % des femmes diagnostiquées sont âgées de plus de 50 ans. La moyenne d’âge de la population belge est de 42 ans, selon Stabel.
« Le mode de vie, le surpoids, la sédentarité, le fait d’avoir des enfants tard, la consommation d’alcool, sont des facteurs de risque présents en Belgique, mais comme ailleurs en Europe », énumère encore la directrice de la Fondation contre le cancer. « Mais la combinaison de ces trois facteurs – le dépistage, le mode de vie, et le vieillissement de la population – peut expliquer le fort de taux de cancer du sein ».
Il y a aussi des facteurs environnementaux (pollution, produits chimiques…), mais « on n’arrive pas à mettre en évidence lesquels aujourd’hui. Est-ce lié à ce qu’on mange ou ce qu’on respire, on n’en sait encore rien », précise le professeur Duhoux. Bref, il y a « tellement de facteurs que c’est difficile de trouver un coupable pour le cancer du sein », résume-t-il.
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