La «norme de bonheur collective» imposée durant les beaux jours peut renforcer un sentiment décalage. Et entraîner une forme de blues estival. © Getty

Le moral dans les chaussettes en plein été? Voici comment lutter contre le blues estival, une réalité méconnue 

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

L’essentiel

· Le blues estival, moins répandu que le blues hivernal, se caractérise par une humeur dépressive ou anxieuse, un sentiment de solitude et des troubles du sommeil.
· Contrairement à la dépression clinique, il est transitoire et plus facilement surmontable.
· Ce blues estival peut être renforcé par les injonctions au bonheur liées à l’été et à la pression sociale pour profiter de cette période.
· La solitude, l’absence de proches, les troubles du sommeil et la chaleur peuvent y contribuer.
· Pour lutter contre cette déprime, il est important d’écouter ses besoins et de se laisser le droit de ne pas être en forme.

Déprimé en été? Pour une petite partie de la population, c’est une réalité. Moins répandu que son homologue hivernal, le blues estival se caractérise par une humeur dépressive ou anxieuse, un sentiment de solitude et des troubles du sommeil.

Le soleil brille, les soirées en terrasse se prolongent et le rosé coule à flots. Après des longs mois d’hiver, le retour de cette ambiance estivale et festive réchauffe de nombreux Belges. A quelques exceptions près. Pour certains, l’été et les injonctions au bonheur qui lui sont liées alimentent à l’inverse les sentiments mélancoliques, voire dépressifs.

Le blues estival, comme la déprime hivernale, est un trouble affectif saisonnier. Au contraire de la dépression clinique, plus sévère et durable, ce trouble reste transitoire. «La dépression majeure altère véritablement le fonctionnement social et professionnel d’une personne, qui ne peut plus vivre comme avant, souligne Sophie Szynal, psychologue clinicienne. Au contraire, le blues saisonnier est plus facilement surmontable et ne nécessite pas obligatoirement de suivi médical, même s’il est toujours conseillé de consulter.»

Un sentiment de décalage

Les deux troubles partagent toutefois certains symptômes, comme une humeur mélancolique, une perte d’intérêt pour certaines activités et des troubles de l’appétit. Mais la dépression se caractérise parfois par des épisodes dépressifs majeurs, voire des pensées suicidaires.

Contrairement au blues hivernal, qui toucherait environ 25% de la population à partir des mois d’octobre et de novembre, le blues estival est moins répandu. «Généralement, les patients vont mieux en été, reconnaît Sophie Szynal. Cela s’observe notamment dans les prises de rendez-vous, moins fréquentes à partir du mois de juin. Cette tendance est liée aux vacances que certains ont la chance de prendre, qui résultent en une baisse de la charge mentale, du stress et de la pression.»

Malgré tout, des épisodes dépressifs peuvent survenir en été, liés notamment à un sentiment de décalage avec la «norme de bonheur collective» imposée par la météo clémente. «La pression des pairs pousse à multiplier les activités quand il fait beau, note la psychologue clinicienne. Alors qu’en hiver, rester chez soi sous son plaid est socialement plus accepté, ne pas sortir en été est difficilement justifiable aux yeux des autres ou de soi-même. Cela renforce les sentiments de culpabilité et d’isolement.» Cette injonction à la fête et à la joie collective s’observe également durant les fêtes de fin d’année et peut réellement peser sur les personnes contraintes de passer Noël seules ou au sein d’une famille dysfonctionnelle, ajoute la psychologue.

Le blues estival, ce «cercle vicieux»

Durant la période estivale, la solitude peut également être très marquée, à cause de l’absence de proches partis à l’étranger. «Pour les personnes qui n’ont pas les moyens – financiers ou humains – de s’offrir des vacances, l’été peut renforcer le sentiment dépressif», assure l’experte. D’autant que certaines ressources médicales de confiance (médecins généralistes, psychologues) prennent parfois aussi congé, au moment où ces patients pourraient en avoir le plus besoin.

«Ne pas se laisser le droit de ne pas être en forme, ça fait en réalité pire que bien. Cette injonction à être heureux peut réellement faire des ravages.»

Sophie Szynal

Psychologue clinicienne

Cette déprime estivale peut également puiser sa source dans la modification du rythme circadien («l’horloge interne du corps humain») et des troubles du sommeil, liés à la chaleur et la luminosité plus abondante. Outre les difficultés pratiques que l’excès de lumière du jour entraîne, il freine également la production de mélatonine dans l’organisme, dont l’action soporifique aide pourtant à s’endormir. «Ces troubles du sommeil peuvent détériorer l’état psychologique d’une personne, avertit Sophie Szynal. Un patient qui souffre déjà d’une problématique dépressive et qui dort très mal sur une certaine période va voir ses symptômes se renforcer. La fatigue amenuise les ressources psychiques et accentue la susceptibilité. Une sorte de cercle vicieux peut alors rapidement s’enclencher.»

Ecouter ses besoins

Les fortes chaleurs peuvent également renforcer les troubles anxieux, ajoute la psychologue clinicienne. «Les crises d’anxiété et le stress intense entraînent généralement des difficultés respiratoires. En été, les patients souffrant de ces troubles préfèrent rester chez eux plutôt que de sortir ou d’emprunter les transports en commun, dont la phobie est exacerbée par temps chaud», insiste Sophie Szynal.

Enfin, le blues estival se traduit également par des troubles de l’appétit. Contrairement à la déprime hivernale, qui accroit généralement la sensation de faim avec des envies prégnantes de glucides (pain, pâtes, sucreries), son homologue estivale a parfois plus tendance à la limiter. Une perte d’appétit renforcée une fois encore par la chaleur. «Mais un patient n’est pas l’autre», rappelle la psychologue.

Pour lutter contre cette déprime saisonnière, Sophie Szynal rappelle qu’il est important d’écouter ses besoins, malgré la pression sociale. «Ne pas se laisser le droit de ne pas être en forme, ça fait en réalité pire que bien, assure la psychologue. Cette injonction à être heureux peut réellement faire des ravages.» La spécialiste conseille toutefois d’essayer de maintenir un lien relationnel avec un ou deux proches et de s’adonner à des petites activités bénéfiques (marche en soirée…) sans trop se forcer.

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