La thérapie par radioligands va exploser dans les prochaines années: le futur du traitement contre le cancer?
La demande en matière de thérapie par radioligands devrait doubler d’ici 2027. Ce traitement radioactif présente des avantages dans la lutte contre certains cancers. La Belgique s’y prépare pour rester pionnière en la matière.
La demande en matière de thérapie par radioligands (RLT), traitement innovant contre le cancer, devrait doubler d’ici 2027, estimaient mercredi les acteurs du monde de la santé et de la recherche contre le cancer à l’origine du «plan d’action RLT». Celui-ci avait été lancé en juin 2024 avec l’objectif d’étendre l’accès à la thérapie par radioligands dans tout le pays.
Le nombre de patients ayant recours à la RLT devrait doubler d’ici 2027. Au niveau mondial, la RLT pourrait concerner 16,6 millions de patients d’ici 2040.
La thérapie radioligands, un traitement de précision
La RLT est un traitement innovant et ciblé qui utilise la médecine nucléaire pour traiter divers types de cancers avec une très grande précision. Elle combine une molécule qui reconnaît les cellules cancéreuses (le ligand) avec un radio-isotope (un élément radioactif), dont le but est d’endommager ou de détruire les cellules cancéreuses tout en limitant l’impact sur les cellules saines avoisinantes. «L’idée est d’introduire un élément radioactif dans le corps du patient, qui va être absorbé par les cellules cancéreuses», présice Philippe Westerlinck, radiothérapeute-oncologue au CHU de Liège. Le médicament est injecté dans le système sanguin, ou peut être ingéré sous forme de gélule dans certains cas, ajoute le spécialiste.
Le procédé est tout de même dangereux pour les autres. Le patient doit être placé à l’isolement pendant plusieurs jours, dans une chambre spéciale avec du plomb dans les murs, pour éviter qu’il n’irradie les soignants ou d’autres personnes autour de lui, explique le radiothérapeute. «Même les urines et selles sont radioactives et doivent être traitées dans des toilettes spéciales avant de pouvoir rejoindre les égouts publics.»
Mais en Belgique, la réglementation en termes de protection des personnes et de l’environnement est solide, rassure Pascal Froment, expert agréé en radioprotection. «Il y a quatre niveaux de contrôle pour que la radioprotection soit assurée sur le terrain». Concernant la chambre pour les traitements de radioligands, le procédé existe depuis plusieurs années et est maîtrisé. «On ne peut pas laisser sortir le patient de l’isolement n’importe comment. Ça dépend du type d’isotope utilisé, ça varie entre 1 à 3 jours».
Ce ne sera pas le remède contre le cancer
Le procédé existe depuis une dizaine d’années. La thérapie par radioligands est actuellement utilisée dans le traitement du cancer de la prostate métastatique et des tumeurs neuroendocrines. Le principe est aussi utilisé dans le traitement des cancers de la thyroïde avec de l’iode radioactif. Son rôle dans d’autres types de cancers, comme celui du sein, fait l’objet de recherches actives. «C’est un énorme avantage pour les cancers de la prostates métastasés (NDLR: lorsque la tumeur s’est répandue dans tout le corps) car la chirurgie est impossible. On ne peut pas opérer plusieurs endroits du corps pour enlever les cellules», appuie Philippe Westerlinck. La thérapie par radioligands ciblera quant à elle tout le corps.
De là à devenir le futur du traitement contre le cancer? «C’est un traitement qui peut bien marcher mais d’autres thérapies existent déjà, surtout pour le cancer prostatique. Elles vont entrer en concurrence. Je ne sais pas si la thérapie par radioligands va dépasser les autres, je n’irai pas aussi loin, tempère Philippe Westerlinck. C’est vrai qu’elle présente l’avantage de pouvoir détruire une cellule cancéreuse de l’intérieur, ce qui est très efficace. Mais ce ne sera pas le remède contre le cancer»
La Belgique à la pointe
La RLT implique un grand nombre d’acteurs différents qui doivent être coordonnés, ainsi que des infrastructures spécifiques. C’est pourquoi un plan d’actions, baptisé «RLT4BE», a été lancé l’an dernier. Les premières réalisations concrètes sont la création d’un centre de coordination RLT et d’une carte détaillée de la capacité hospitalière belge et de la recherche clinique en RLT. «En créant un hub de coordination pour la RLT, nous construisons un outil concret pour encourager les collaborations, rationaliser les investissements et mettre en place une infrastructure solide. Cela nous permettra d’anticiper un déploiement croissant de la RLT», déclare Sarah Baatout, directrice adjointe des applications médicales nucléaires au centre de recherche nucléaire SCK CEN.
Plus de 200 essais cliniques avec RLT sont en cours dans le monde, dont une grande partie en Belgique. La première cartographie de la capacité hospitalière et la recherche clinique autour de la RLT permet au hub RLT d’anticiper les évolutions. «Une bonne vision de la capacité de traitement et d’essais cliniques des centres de médecine nucléaire belges équipés de RLT améliore l’accès des patients et garantit également que nous pourrons continuer à attirer des essais cliniques de l’industrie à l’avenir. La cartographie actuelle contribue donc à renforcer la compétitivité de la Belgique dans le domaine de la RLT», avance Nadia Withofs, médecin nucléaire au CHU de Liège.
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