Illustration of Shigella sp. bacteria. These rod shaped of bacteria have hair-like flagella that are used for motility. Shigella infection in humans can cause diarrhoea and dysentery due to the invasion of the epithelial lining of the colon and toxin release, which results in inflammation of the gut. The condition is known as Shigellosis and exposure to the bacteria is commonly through contaminated food, water or hands.

La Shigella, quelle est cette bactérie qui cause fièvre, vomissements et violents maux de ventre?

Mi-septembre, l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (AFSCA) a détecté des cas de contamination de la Shigella dans un établissement de Beernem. Quand elle contamine le corps humain, cette bactérie peut provoquer la shigellose, une infection des intestins contagieuse, et de plus en plus résistante aux antibiotiques.

C’est une bactérie qu’on aimerait autant ne pas croiser sur son chemin. Car quand la Shigella contamine, elle peut taper fort : fièvre, diarrhées parfois sanglantes, maux de ventre, vomissements. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la shigellose, la maladie que provoque la bactérie, serait à l’origine d’au moins 80 millions de diarrhées sanglantes et de 700 000 décès dans le monde. 

La Shillega est un pathogène vraiment humain, on ne le trouve pas chez l’animal, contrairement à certaines salmonelles. C’est un humain qui le passe par un être humain, par l’intermédiaire d’une contamination fécale

Dr Yves Van Laethem, infectiologue du CHU Saint-Pierre

Cette infection se retrouve surtout dans des pays à revenus faibles et intermédiaires. En Belgique, environ 400 personnes souffrent chaque année d’une infection confirmée de Shigella, selon Sciensano. Un chiffre qui a connu une baisse pendant la pandémie, puis un regain en 2022. 

Une bactérie propre à l’homme

Il existe quatre espèces de bactérie Shigella. En Belgique, celle qui cause le plus de shigelloses est la Shigella sonnei. En 2022, elle représentait 73% des cas recensés par le Centre National de Référence Shillega (CNRS). 

La bactérie se développe dans l’intestin. Présente dans les selles, elle peut contaminer par voie féco-orale, via un contact direct ou indirect. Cela peut être le cas par exemple si un aliment est touché par la bactérie puis ingéré, ou avec le contact d’objets contaminés comme des toilettes. 

«La Shillega est un pathogène vraiment humain, on ne le trouve pas chez l’animal, contrairement à certaines salmonelles. C’est un humain qui le passe par un être humain, par l’intermédiaire d’une contamination fécale», souligne le Dr Yves Van Laethem, infectiologue du CHU Saint-Pierre. 

C’est d’ailleurs arrivé il y a quelques semaines dans l’établissement Zandberghoeve de Beernem. Selon l’AFSCA, plusieurs personnes ont présenté des symptômes après avoir mangé dans le restaurant, et au moins un cas de shigellose a été confirmé. Si la source de la contamination de Beernem n’a pas été confirmée, il est possible que cela provienne d’un aliment ou un objet touché par la bactérie. 

Plusieurs causes de contamination

Ces contaminations restent tout de même très rares en Belgique, la bactérie étant plus présente dans des pays en voie de développement. 

«Chez nous on ne voit pratiquement pas d’infections de Shigella, sauf venant de personnes qui ont voyagé ou visité leur famille dans les pays plus touchés par la bactérie», indique Yves Van Laethem. 

La bactérie est également sexuellement transmissible, notamment chez les hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes. 

À force de se “frotter” à des antibiotiques, pris en trop petite quantité ou pendant un temps trop court, il se peut qu’un germe, le fils d’une bactérie, développe un gène qui lui permet de ne pas être sensible aux antibiotiques en question

Yves Van Laethem

En 2022, le CNRS a détecté 307 souches de Shigella, une augmentation de 35% comparée à l’année précédente. Ce chiffre se rapproche des données pré-pandémiques de 2019, qui avoisinaient les 400 cas. Une baisse importante des cas de shigelloses a été constatée pendant la pandémie, avec une centaine de cas en 2020. Le confinement et les restrictions de voyages peuvent être une des explications de cette baisse d’infections pendant cette période.

Pour éviter de contracter ou de transmettre la maladie, une bonne hygiène est essentielle. Cela passe notamment par un lavage des mains à l’eau et au savon après être allé aux toilettes, par une gestion adéquate des déchets d’origine humaine, et une bonne manipulation des aliments.

Résistance aux antibiotiques

Dans les cas les plus légers, la maladie disparaît d’elle-même. Il faut tout de même prendre garde à éviter la déshydratation provoquée par les diarrhées, et à consommer des aliments avec des sels minéraux. 

Mais dans les cas plus graves, la prise d’antibiotiques devient nécessaire pour traiter la maladie. Pourtant, plusieurs espèces de la bactérie semblent plus résistantes à ces médicaments. Selon le CNRS, en 2022, 43% des souches de Shigella étaient multirésistantes, c’est-à-dire insensibles à au moins trois classes d’antibiotiques. Cela représente une augmentation depuis 2016, qui comprenait seulement 13% de souches résistantes à ces substances. 

«À force de se “frotter” à des antibiotiques, pris en trop petite quantité ou pendant un temps trop court, il se peut qu’un germe, le fils d’une bactérie, développe un gène qui lui permet de ne pas être sensible aux antibiotiques en question», précise Yves Van Laethem.

Il est également probable que la bactérie devienne de plus en plus multirésistante aux antibiotiques, notamment en raison des mutations qu’elle pourrait subir. En février 2022, l’OMS alertait sur un nombre inhabituellement élevé de cas de Shigella sonnei multirésistants au Royaume-Uni et dans d’autres pays de l’Union européenne, dont la Belgique. 

Pour l’OMS tout comme pour Yves Van Laethem, les souches de Shigella multirésistantes pourraient bien se répandre au fil du temps. 

«C’est un peu l’évolution globale de tous les microbes, qui sont en présence d’antibiotiques mal gérés dans beaucoup de régions du monde. Petit à petit, seuls les plus forts survivent : c’est ceux qui, par mutation, se sont adaptés à l’antibiotique, qui se propagent par la suite», confirme l’infectiologue. 

Lila Maitre

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire