La mesure oubliée contre le covid : perdez 5% de votre poids
Le surpoids n’a pas seulement un impact négatif sur l’évolution d’une infection au coronavirus, mais aussi sur son traitement et probablement même sur l’efficacité de futurs vaccins.
Un homme fort au ventre proéminent sous respirateur en soins intensifs: un nombre frappant de patients gravement malades du coronavirus répondent à cette description. L’Indice de Masse Corporel (IMC) moyen des patients Covid admis en soins intensifs à l’UZ Gand s’élève à plus de 28 – contre 25 pour le Belge moyen. « Nous voyons effectivement que les gens qui connaissent une évolution grave de la maladie, souffrent souvent de surpoids (IMC > 25) ou d’obésité (IMC > 30) », déclare l’endocrinologue Guy T’Sjoen (UZ Gand). « Il ne faut pas seulement les placer plus souvent respiration artificielle, mais le taux de mortalité dans ce groupe est également plus élevé. »
Fin de l’année dernière déjà, avant que la pandémie n’atteigne l’Europe, des médecins d’hôpitaux chinois soupçonnaient que l’obésité joue un rôle dans l’évolution dans les infections du coronavirus. Une première étude a en effet révélé que les patients qui ont un IMC de plus de 27 sont plus gravement atteints. Peu après, d’autres chercheurs chinois ont constaté que 88% des gens décédés du Covid présentaient un IMC de plus de 25. Plus tard, ces conclusions ont été confirmées par une série d’études internationales.
Initialement, les chercheurs pensaient que c’était dû aux affections qui découlent souvent de l’obésité telles que la tension élevée, le diabète ou les maladies cardio-vasculaires. « Parfois, c’est le cas », déclare T’Sjoen. « Si vous avez déjà des problèmes de santé dus au surpoids, il est logique que le coronavirus aggrave votre maladie. Le coronavirus dérègle encore davantage le taux de glycémie de patients atteints de diabète, par exemple, et augmente les risques de devoir placer les personnes qui ont une fonction rénale précaire sous dialyse augmentent également. Les vaisseaux sanguins rétrécis autour du coeur peuvent également entraîner des complications en cas d’infection grave. »
Entre-temps, il s’avère que le surpoids lui-même – et donc pas seulement les conséquences – peut exercer un impact négatif sur l’évolution d’une infection au covid. « Une indication claire, c’est que de nombreux trentenaires et quadragénaires hospitalisés sont obèses, mais n’ont pas d’antécédents médicaux », déclare la pneumologue Eva Van Braeckel (UZ Gent). « On peut en déduire que l’obésité en soi est aussi un facteur à risque », d’abord parce que le système immunitaire des patients obèses est perturbé. « La graisse est un organe qui joue un rôle », explique la professeure Liesbeth Van Rossum, interniste- endocrinologue à l’hôpital Erasmus MC à Rotterdam.
« Parce que des hormones sont produites dans cette graisse. Lorsqu’une personne a trop de graisse – ce qui peut également être le cas si vous n’êtes pas en surpoids, mais que vous avez du ventre – des changements hormonaux se produisent. La quantité de leptine, une hormone grasse qui inhibe l’appétit, mais favorise l’inflammation, augmente alors que l’adiponectine, une hormone grasse anti-inflammatoire, ne fait que diminuer. C’est en partie pour cette raison qu’il existe une inflammation chronique dite d’un faible degré dans la graisse abdominale. Il en résulte que le système immunitaire est constamment suractif et peut réagir moins fortement si un virus se manifeste également. En bref : la première barrière ne fonctionne pas correctement et le virus peut donc se multiplier plus facilement dans l’organisme. Et ce n’est pas tout. Il y a également un problème avec le deuxième mur de défense dans le corps des personnes obèses. Dans la deuxième couche du système immunitaire, des anticorps spécifiques contre le virus devraient normalement être produits après quatre à sept jours », explique Van Rossum. Mais là aussi, ce système fonctionne moins chez les patients obèses ».
Par la grande porte
Il n’y a pas que le système immunitaire grippé qui joue un rôle. Un autre facteur, c’est que le virus pénètre dans le corps via ce qu’on appelle lesdits récepteurs ACE2. « Ceux-ci se mettent d’abord dans les poumons, ce qui entraîne une infection pulmonaire », déclare Guy T’Sjoen. « Mais on les trouve aussi dans le tissu adipeux. Si vous êtes en surpoids, l’entrée par laquelle le virus peut pénétrer votre corps est beaucoup plus grande ». Il faudra d’études pour déterminer si les personnes obèses présent effectivement une charge virale plus élevée et sont contagieux plus longtemps que les gens qui ont moins de tissu adipeux.
Finalement, le risque de thrombose de personnes obèses pourrait également expliquer la forme grave de la maladie. « Certains patients Covid sont victimes d’une embolie pulmonaire, une thrombose dans les poumons », déclare Van Rossum. « C’est peut-être un hasard, mais il est bien possible qu’il y ait un lien avec le risque plus élevé de thrombose pour les personnes obèses. On ne le sait pas encore. »
Le surpoids n’a pas seulement un impact sur la maladie, il peut également compliquer le traitement d’un patient covid gravement malade. « Suite au surpoids, les poumons ont moins les coudées franches » , explique Van Braeckel. « Si vous avez un gros ballon de foot de graisse dans la cavité abdominale, les poumons ont trop peu de place pour se dilater. En d’autres termes : on inspire moins profondément. Cette pression constante sur les poumons complique l’administration d’oxygène ou le placement sous respiration artificielle des patients, ce qui peut évidemment avoir des conséquences graves. Si on leur administre de la cortisone, comme c’est le cas pour beaucoup de patients covid gravement malades, celle-ci peut faire monter leur taux de glycémie, ce qui aggrave encore leurs problèmes. »
À cela s’ajoute qu’il n’est pas simple de changer un patient obèse de position. Les personnes obèses admises à l’hôpital pour le covid, sont plus également rapidement victimes d’escarres et d’autres complications.
Améliorez votre immunité
Il semble donc d’autant plus important de trouver un vaccin efficace le plus rapidement possible pour les personnes obèses. Seulement, elles souffrent probablement également d’un handicap à ce niveau-là. Le risque est effectivement réel que le vaccin sera moins efficace pour elles. Tout comme c’est le cas pour le vaccin de la grippe. Il y a trois ans, Nature publiait une étude qui révèle que le vaccin contre la grippe est moins efficace pour les personnes obèses. « Il se pourrait très bien que les futurs vaccins covid soient moins efficaces auprès des personnes obèses », déclare Liesbeth Van Rossum. « Cela signifierait qu’il sera plus difficile de protéger un groupe déjà plus vulnérable au virus. » Il rappelle que la moitié des Belges sont en surpoids et que 16% sont obèses.
Aussi de nombreux experts estiment-ils qu’il est grand temps que la Belgique suive l’exemple du gouvernement britannique qui appelle sa population à vivre plus sainement et perdre du poids. « La perte de poids est la mesure Covid qui manque », déclare T’Sjoen. « Il est urgent d’ajouter cet appel aux personnes obèses et en surpoids aux directives sur l’hygiène des mains, les distances et le port du masque. » La bonne nouvelle, c’est qu’il n’est même pas nécessaire de perdre de beaucoup poids. Une étude de l’hôpital Erasmus MC de Rotterdam révèle que perdre 5 à 6% de poids entraîne de nombreux bénéfices. « Déjà après dix semaines, on voit que le système immunitaire s’améliore. Si en mars on avait appelé la population à vivre plus sainement, plus de gens auraient probablement eu une meilleure résistance aujourd’hui », déclare Van Rossum. « En outre, cela fait du bien au mental aussi, car les substances inflammatoires dans la graisse n’attaquent pas seulement la résistance, mais favorisent également les dépressions. Si vous perdez du poids, ces substances diminuent, et vous vous sentez mieux, ce qui n’est pas sans importance à une époque où notre bien-être mental est sous pression. »
Bien entendu, un surpoids important ne se résout pas toujours en faisant de l’exercice et en se mettant au régime. « Les causes de l’obésité sont souvent complexes », déclare Guy T’Sjoen. « Pour certaines personnes, le surpoids est vraiment dû à leur style de vie, mais pour d’autres il y a d’autres facteurs en jeu. Par exemple, ils peuvent avoir une affection qui favorise l’obésité, ou prendre des médicaments qui entraînent une accumulation de graisses. » À cela s’ajoutent d’autres facteurs sociaux. Ainsi les gens qui vivent dans la pauvreté sont plus souvent obèses. C’est notamment dû au fait que l’alimentation malsaine est toujours meilleure marché et plus accessible que les repas sains et les snacks. « C’est pourquoi il est si important que l’état communique bien à ce sujet », déclare Van Rossum. « Aujourd’hui ce sont surtout les personnes hautement qualifiées qui se rendent compte que le mode de vie peut exercer un impact sur l’évolution de l’infection et qui fournissent des efforts pour manger plus sainement et faire plus d’exercice. Elles renforcent donc leur système immunitaire alors que celui de personnes qui ont un mode de vie malsain est affaibli. Cela risque de creuser encore plus l’écart sanitaire. »
« Même si tout le monde vit plus sainement, il y aura toujours des gens qui tomberont gravement malades », conclut Liesbeth Van Rossum. « Mais il y aura moins de patients Covid ou atteintes d’autres affections hospitalisées, ce qui diminuera la pression dans les hôpitaux. Et c’est réellement pour le bien de tous. »
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