La luminothérapie est efficace dans le traitement de la dépression. (Photo by Najlah Feanny/Corbis via Getty Images) © Corbis via Getty Images

La luminothérapie, remède contre la météo maussade et le blues hivernal: «Ça fonctionne comme un anti-dépresseur»

L’hiver est parfois rude pour le moral. La luminothérapie, une lumière artificielle imitant celle du soleil aide à lutter contre la dépression hivernale et autres troubles liés au manque de lumière.

17 heures 01 minutes. C’est le nombre d’heures d’ensoleillement au mois décembre dernier en Belgique, selon les données enregistrées à Uccle par l’IRM. C’est très peu comparé à la normale de saison: 48h35. Le mois de janvier fût un peu mieux, avec 36h28 de soleil, mais toujours en deçà de la normale qui s’élève à 59h04. De quoi alimenter le blues hivernal, et les carences en vitamine D des Belges.

Puisque la misère semble moins pénible au soleil, le manque de lumière a des effets délétères sur les êtres humains. Pour mettre un peu de «soleil» dans sa vie en ces périodes sombres hivernales, il est possible de se tourner vers la luminothérapie.

L’humain, cet animal diurne et saisonnier

La lumière est du jour est essentielle au fonctionnement humain. «Les humains sont des animaux diurnes. Ils sont dépendants de la lumière pour pouvoir être actifs», rappelle le professeur Gilles Vandewalle, neuroscientifique, maître de recherche FNRS à l’institut Giga de l’ULiège.

Elle permet de voir évidemment, mais aussi de rester éveiller et de bien dormir. L’horloge biologique, qui impose le rythme circadien à l’organisme, est en partie directement reliée à la lumière. «Une partie anatomique de la rétine possède des récepteurs photosensibles qui sont reliés par un câble à l’horloge biologique. Ces récepteurs ne se déclenchent pas lorsque la lumière est trop faible», explique Daniel Neu, professeur à l’ULB et chef de service au centre des troubles du sommeil de l’hôpital Chirec-Delta. «Si on ne reçoit pas assez de lumière à certains moments de la journée, le rythme circadien est perturbé».

D’autant plus que la production de mélatonine, l’hormone du sommeil, augmente le soir, lorsque la lumière baisse. En hiver, lorsqu’il fait nuit plus longtemps le matin, il est plus difficile de se réveiller. L’hiver est par ailleurs souvent synonyme de manque d’énergie et de morosité.

Les problèmes liés au manque de lumière:

– Des troubles du sommeil: des difficultés à s’endormir le soir, ou se réveiller le matin, occasionnant de la fatigue.
– «Blues hivernal»
– Dépression saisonnière ou TAS

Le «blues hivernal», cette baisse de moral chez les individus durant les périodes sombres, touche environ 25% de la population dans l’hémisphère nord, détaille Gilles Vandewalle. A ne pas confondre avec la dépression saisonnière, ou TAS (trouble affectif saisonnier), qui concerne «3% de la population». Elle provoque chez les personnes qui en sont atteintes les vrais symptômes cliniques de la dépression (troubles de l’humeur, perte d’énergie, irritabilité, sentiment de désespoir…) au cours de la même période chaque année, généralement entre octobre et mars. Dans les pays du nord, la prévalence de dépression saisonnière augmente avec la latitude. Jusqu’à 10% de la population est touchée par la dépression saisonnière dans les pays scandinaves, indique le neuroscientifique.

«L’humain est saisonnier. Or nos sociétés modernes, qui voudraient que nous soyons au taquet toute l’année, n’aiment pas la saisonnalité. Si on s’autorisait un peu plus de saisonnalité, on serait un petit moins embêté par les saisons», estime le chercheur. Les périodes de manque de luminosité sont d’autant plus difficiles dans les sociétés occidentales où l’injonction au bonheur est permanente, appuie Mireille Monville, psychologue spécialisée au Trauma center du CHR Liège. «Il est normal de ressentir une forme de mélancolie en hiver, à ne pas dramatiser. La tristesse fait partie de la nature humaine, c’est même un signe de bonne santé mentale car on ne peut être dans le bonheur absolu tout le temps».

Le secours de la luminothérapie

En attendant le printemps, la luminothérapie consiste à s’exposer face à une lampe reproduisant la lumière naturelle du soleil. Une ampoule classique ne suffit pas. L’intensité de la lampe doit être comprise entre 2.500 et 10.000 lux (unité d’éclairement) pour être efficace. Certains appareils de luminothérapie diffusent aussi de la lumière bleue – la plus importante pour l’horloge biologique.

Les spécialistes recommandent les diffuseurs Philips ou – encore mieux – les Luminettes belges, des espèces de lunettes qui visent directement la rétine, et qui offrent l’avantage de pouvoir faire d’autres tâches dans le même temps. Quel que soit l’appareil, il est recommandé de l’utiliser dès le réveil pendant 30 minutes environ, de fin octobre jusqu’à fin février. «Dès deux à trois semaines, l’utilisateur peut se sentir reboosté», estime Gilles Vandewalle. Attention à ne surtout pas l’utiliser le soir, ce serait contre-productif.

« Luminettes », appareil de luminothérapie © BELGAIMAGE

Les appareils sont en vente libre, car il n’y a presque aucun danger à les utiliser en automédication. «Au pire, ça ne fonctionne pas, assure l’expert. Pour les personnes qui souffrent de dépression saisonnière, ça marche aussi bien et aussi mal qu’un anti-dépresseur: deux tiers des gens ont un effet positif à la luminothérapie et un tiers n’a pas forcément d’effet. Le seul désagrément – rare – est que les personnes migraineuses ont un risque de développer un mal de tête».

La lumière naturelle reste la meilleure. «Pour une bonne hygiène de sommeil, le premier geste du matin devrait être de mettre sa tête 15 minutes à la lumière du jour» lorsque c’est possible, invite Daniel Neu.

La luminothérapie «n’est pas pour tout le monde»

«Ce n’est pas parce que ce n’est pas nocif que c’est fait pour tout le monde», avertit toutefois le somnologue. A éviter pour les personnes souffrant de troubles bipolaires, ou schizophrènes, car la luminothérapie peut provoquer des crises ou des épisodes maniaques.

Pour les personnes qui ont des troubles oculaires, comme des décollements de rétine, ou qui ont subi des interventions chirurgicales au niveau des yeux, il est préférable de solliciter l’avis de son médecin avant de tenter l’expérience, recommande aussi le spécialiste du sommeil.

La lumière fonctionne aussi pour d’autres troubles psychiatriques

La luminothérapie fonctionne tout aussi bien sur la dépression «classique», en complément d’anti-dépresseurs, affirme Gilles Vandewalle. La lumière en tant que traitement a été identifiée au début du XXe siècle en médecine. En 1903, le docteur danois Ryberg Finsen reçoit le prix Nobel de médecine pour ses recherches sur l’effet des radiations lumineuses sur certaines maladies. Elle a ensuite été laissée pour compte au profit de la pénicilline et du vaccin. Avant de revenir en 1984, lorsque de Dr Norman E. Rosenthal, le premier à avoir identifier le TAS, intègre le traitement par la luminothérapie en psychiatrie.

Outre la dépression, il est vraisemblable que la luminothérapie puisse aider dans des cas de neurodégénérescence. «Augmenter l’éclairage dans certaines institutions où il y a des personnes qui souffrent de démence, couplé à une administration de mélatonine, améliore le sommeil et les fonctions cognitives des patients», déroule Gilles Vandewalle. Elle peut aussi ralentir la progression de la maladie d’Alzheimer, car ces malades ont souvent une horloge biologique déréglée. La luminothérapie peut «aider dans des stades précoces, mais devient inutile dans les stades avancés», juge le professeur Neu.

«Comme on ne peut pas breveter la lumière, il n’y a pas de grosse firme pharmaceutique qui pourrait faire des études, comme pour d’autres médicaments», regrette Gilles Vandewalle.

De manière générale, la lumière favorise la cognition. Selon une étude publiée dans la revue scientifique eLife, une haute exposition à la lumière augmente les performances cognitives, probablement en influençant l’activité de certaines parties d’une région du cerveau appelée l’hypothalamus.

Heureusement, le printemps approche.

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