La Belgique pour la première fois en code orange pour les infections respiratoires : « On ne peut plus accepter qu’il y ait 1.500 décès liés à la grippe chaque année »
L’épidémie de grippe bat son plein en Belgique. Le pic approchant, les autorités ont décidé, mardi, de faire passer le code pour les infections respiratoires à l’orange. Une grande première. Pourtant, tous les spécialistes s’accordent à dire que la situation n’est pas plus alarmante que les années précédentes. Alors, pourquoi relever le niveau de vigilance ?
Ce mardi, tous les ministres de la Santé du pays se sont mis d’accord pour relever le niveau d’infections respiratoires en code orange. Une décision basée sur les recommandations du Risk Management Group (RMG), qui constate une nette hausse des cas de grippe à travers la Belgique. L’épidémie commence à faire peser une pression croissante sur les systèmes de soins de santé du pays.
C’est la première fois que le code orange est activé depuis l’instauration de ce système par les autorités belges, suite à la pandémie de Covid-19. Cela implique notamment une vigilance accrue vis-à-vis de la ventilation dans les espaces intérieurs. Ainsi qu’une plus grande attention à porter à la protection des personnes vulnérables.
« Pour l’instant, la situation n’est pas pire que les années précédentes, rassure toutefois le Dr Bertrand Draguez, président du RMG. « On observe une hausse des cas de grippe uniformément à travers la Belgique. Et ça correspond à ce qu’il se passe dans les pays voisins. »
« La pression se fait surtout sentir chez les médecins généralistes. »
Dr Yves Van Laethem, CHU Saint-Pierre
Yves Van Laethem, infectiologue au CHU Saint-Pierre, confirme : « Ce passage à l’orange est purement basé sur des mathématiques. On a tout juste franchi un seuil, mais il n’y a rien d’alarmant. La pression se fait surtout sentir chez les médecins généralistes, un peu aux urgences, mais pas du tout au sein des hôpitaux eux-mêmes. »
Selon eux, la pression devrait continuer à s’accentuer pendant quelques semaines pour atteindre un pic courant février, avant de diminuer petit à petit. Rien de neuf sous la grisaille : le même schéma se reproduit chaque année. Mais pourquoi alors activer le code orange ?
Mettre à profit les leçons du Covid
L’objectif est bien sûr d’éviter une surcharge des cabinets médicaux et des hôpitaux. Mais aussi de protéger davantage les personnes vulnérables. Bien qu’elle soit bénigne dans la grande majorité des cas, la grippe tue encore 1.500 à 1.6000 Belges par an, rappelle le Dr Draguez. Des décès causés par le virus Influenza lui-même, mais aussi et surtout par des complications survenant par la suite, comme la pneumonie. Selon lui, l’activation de ce code orange doit pousser la société vers une grande réflexion sur l’impact de la grippe, souvent considérée comme bénigne.
« On est face à une question sociétale, estime-t-il. En 2024, peut-on encore accepter un tel nombre de décès liés à la grippe ? Pendant la pandémie de Covid, on a mis en place toute une série de mesures qui ont finalement permis de sortir de cette crise. On se rend compte qu’elles peuvent être efficaces pour éviter certains effets d’autres maladies. Pourquoi ne pourrions-nous pas recommencer à les appliquer quand cela peut être utile ? »
Pour le Dr Draguez, la réponse est évidente : la société belge doit accepter et intégrer ces principes de précaution. « On a tiré des leçons du Covid : utilisons-les pour lutter contre la grippe », clame-t-il. D’autant plus que d’autres maladies respiratoires peuvent elles aussi être freinées en suivant ces mesures.
Et le vaccin, dans tout ça ?
Qui dit Covid dit aussi vaccin. À l’automne 2022, huit Belges sur dix avaient ainsi bénéficié d’une vaccination de base dans le cadre d’une campagne lancée un an et demi plus tôt. Là aussi, il y aurait des enseignements à tirer vis-à-vis de la grippe.
La couverture vaccinale contre la grippe des personnes les plus à risque est souvent considérée comme trop faible en Belgique. Des initiatives supplémentaires ont récemment vu le jour dans le but de la booster. Avec, en premier lieu, la possibilité de se faire vacciner en pharmacie depuis octobre dernier. À l’heure actuelle, cela ne semble pas encore avoir un effet sur les chiffres. Ils sont 5% plus faibles qu’il y a un an, selon le Dr Draguez.
« Pour les personnes vulnérables, il n’est pas trop tard pour se faire vacciner. »
Dr Bertrand Draguez, RMG, SPF Santé publique.
« Scientifiquement, on ne peut pas encore établir de lien entre la vaccination en pharmacie et l’intensité de l’épidémie actuelle, explique-t-il. Toutefois, en général, plus l’offre vaccinale est étoffée, meilleur est l’impact sur le pic épidémique. »
Il faut deux semaines avant que le vaccin antigrippal délivre son efficacité optimale. Dès lors, est-il encore utile de se faire vacciner aujourd’hui, alors que la campagne touche à sa fin ? « Pour les personnes vulnérables, assurément, répond le Dr Draguez. C’est un peu tard, mais ce n’est pas inutile. »
Les vaccinations qui interviendront dans les prochains jours n’auront par contre pas d’effet sur l’évolution de l’épidémie. « En termes de santé publique, ça ne changera plus rien », précise Yves Van Laethem.
Quelques rappels utiles pour éviter la grippe
Les personnes considérées comme vulnérables sont celles âgées de plus de 65 ans et celles souffrant de maladies cardiovasculaires, de diabète, de maladies pulmonaires, de cancer, d’obésité, d’insuffisance rénale chronique et d’un système immunitaire affaibli.
Outre la vaccination, il leur est fortement conseillé – comme à tout un chacun, d’ailleurs – de suivre les recommandations les plus élémentaires : se laver régulièrement les mains, tousser et éternuer dans un mouchoir jetable ou dans le coude, veiller à la ventilation intérieure ou encore rester chez soi quand on est malade.
De plus, le port d’un masque (FFP2, de préférence) est vivement recommandé aux personnes vulnérables ainsi qu’à leurs proches. Même chose pour les personnes présentant des symptômes d’infection respiratoire. En particulier dans les lieux très fréquentés (comme les transports publics).
Le SPF Santé Publique recommande enfin de porter le masque dans les établissements de santé, dans les salles d’attente et dans d’autres lieux où il y a un risque accru d’infection lors de contacts avec les personnes vulnérables.
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