La Belgique n’a pas les capacités de produire ses propres masques
Dans la lutte contre l’épidémie de coronavirus, la saga des masques continue de susciter les critiques. Pénurie, escroquerie, mauvaise cargaison ou livraison tardive… On le constate : l’importation a ses limites. Mais pourquoi ne peut-on pas produire nos propres masques « made in Belgium »?
Ce n’est pas qu’on ne veut pas fabriquer des masques médicaux, c’est qu’on ne peut pas. Du moins, pour l’instant. Tel est le constat de Jan Laperre, manager général de Centexbel – le centre scientifique et technique de l’industrie textile belge. Et pour cause : la Belgique n’a jamais produit des masques par le passé. Et à l’heure où notre plat pays se doit de trouver des solutions pour rattraper son retard, il n’en a ni les ressources, ni même les capacités. Mais quelle est donc l’origine du problème ? Réponses de Jan Laperre.
Que nous manque-t-il pour nous lancer dans la production de masques médicaux?
Le seul masque efficace pour protéger le personnel soignant des particules du coronavirus est le masque de protection respiratoire, dont notamment le masque FFP2. Ce masque offre un niveau de filtration particulièrement élevé (95 % et au-delà). C’est en effet un masque filtrant , destiné à protéger le porteur contre les risques d’inhalation d’agents infectieux transmissibles par voie aérienne. Il le protège a fortiori aussi contre le risque de transmission par gouttelettes. Pour être efficace, le masque doit avoir une forme adaptée au visage de la personne qui le porte. Son avantage est qu’il ne filtre pas uniquement des bactéries, mais également des aérosols.
Pour les malades, en revanche, on préconise davantage l’utilisation des masques dits chirurgicaux, qui filtrent alors 95 % des bactéries, mais pas les aérosols. Ce masque est destiné à éviter lors de l’expiration de celui qui le porte, la projection de sécrétions des voies aériennes supérieures ou de salive pouvant contenir des agents infectieux transmissibles.
« Pour produire ces masques répondant aux normes européennes, il faut une certaine technique, appelée le « Meltdown ». Le Meltdown consiste à faire fondre du polymère et à projeter les fibres obtenues sur un support, grâce à un jet d’air« , explique Jan Laperre. « Or, nous n’avons aucune entreprise, ici en Belgique, qui possède cette technique. »
Les masques médicaux se composent de trois couches : deux couches externes, et une couche interne. « C’est cette couche interne qui est fabriquée grâce au meltdown, et qui fait donc office de barrière de protection [contre les virus, les bactéries…] », explique Jan Laperre. S’il nous manque encore la technique, la Belgique possède néanmoins les ressources nécessaires, affirme l’expert. « Pour la fabrication de masques médicaux, on utilise du polypropylène. Il y a des entreprises belges qui utilisent ce matériau. Peut-être pas la classe utilisée lors du meltdown, mais du polypropylène malgré tout « .
La ministre wallonne de la Santé, Christie Morreale, a lancé un appel aux chercheurs et entrepreneurs wallons afin de développer un substitut textile pour les masques. Est-ce envisageable ?
« Fabriquer un textile avec les techniques classiques qui auraient les mêmes propriétés que le non-tissé obtenu grâce au meltblown, je ne peux pas exclure que ce soit possible, mais cela ne va pas être évident. Le meltblown donne vraiment un produit qui offre une barrière contre les particules et les gouttelettes de 30 microns, et même celles inférieures à 30 microns. «
« Il existe déjà plusieurs techniques qui offrent une protection de 50 % à 95 %. Certaines personnes essayent par exemple d’utiliser des tissus tissés, des tricots, ou même des non-tissés obtenus autrement que par le meltdown. Tout le monde cherche des solutions pour répondre aux exigences« , déclare le manager général de Centexbel. « Mais jusque maintenant, on n’est pas encore arrivé à un niveau demandé par la norme. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de progrès, mais jusqu’à présent, personne n’y est encore arrivé.«
Et qu’en est-il du fait maison ?
« Je remarque que des citoyens emploient des tissus classiques – comme des morceaux de t-shirt – pour coudre leur propre masque. Mais ces matériaux ne sont pas conçus pour faire barrière au coronavirus. Ils offrent une protection d’à peine 50 % maximum. Certaines personnes disent que c’est mieux que rien. Mais il faut faire attention, car cela peut donner l’impression d’être protégé, mais en réalité, on ne l’est pas du tout« , prévient Jan Laperre.
En conclusion, la production de masques en Belgique n’est, à l’heure actuelle, pas possible – raison pour laquelle nous importons depuis l’étranger , mais cela resterait envisageable si on se penche sur la question de manière plus approfondie. Au niveau national, certainement, mais surtout au niveau européen. « Pour l’instant, chaque pays essaye de donner d’abord la priorité à leurs services médicaux. Mais on constate quand même que tout le monde est à la recherche d’une solution : des Français, des Espagnoles, des Allemands… »
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