Le traitement n'est remboursé que s’il est demandé par un spécialiste en endocrinologie. © getty images

« Il est simplement petit pour son âge »: et si c’était le signe d’un déficit hormonal ou d’une pathologie rare?

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Ne pas grandir, ou trop peu, peut être le signe d’un déficit en hormone de croissance ou d’une pathologie rare.

Les endocrinologues entendent toujours les mêmes histoires. Les parents affirment qu’«il est le plus petit de la classe» ou «plus petit que ses frères». Les enfants, eux, confient les insultes et les bousculades dans la cour de récréation. Certes, tous les enfants petits pour leur âge ne relèvent pas d’un traitement par somatropine – une hormone de croissance synthétique fabriquée en laboratoire – dont la prescription est très encadrée et réservée aux endocrinologues pédiatriques.

Mais, pour certains, ne pas grandir (ou pas assez) peut être le signe d’un déficit d’hormone de croissance. De nombreux enfants arrivent en consultation déjà adolescents, quand la médecine n’a plus beaucoup de marge de manœuvre, et parfois trop tard, lorsque les cartilages de croissance se sont presque solidifiés. «Etre petit n’est pas une maladie, souligne Agnès Burniat, endocrinologue et professeure à l’ULB. Dès lors, certains généralistes tardent à réagir.»

La nuit dans l’hypophyse…

Il faut donc se soucier tôt d’une taille trop petite pour l’âge, insistent les spécialistes. Des examens permettent de vérifier s’il s’agit d’un simple retard ou d’une maladie sous-jacente. Ils sont entrepris à partir d’une taille à – 2 DS (déviation standard, soit qui permet d’évaluer la croissance d’un enfant). Elle est établie d’après des moyennes de la population et un intervalle de taille. Ainsi, 95% des enfants se situent entre – 2 (pour les plus petits) et + 2 (pour les plus grands). En dessous de – 2 DS, l’enfant ne se situe plus dans la «norme».

Synthétisée, stockée et secrétée dans l’hypophyse, essentiellement la nuit lors du sommeil lent profond, l’hormone de croissance (GH, pour growth hormone) stimule les tissus, la division cellulaire, le métabolisme énergétique, les défenses immunitaires et assure la croissance du squelette et des cellules de l’organisme. Elle est boostée par le sommeil, donc, l’hypoglycémie, le stress et l’exercice. Si elle agit bien sur la croissance, c’est en réalité indirectement. Transportée jusqu’au foie, l’hormone déclenche l’IGF-1 (insulin-like growth factor 1) qui, lui, est le facteur de croissance actif.

Etre petit n’est pas une maladie. Dès lors, certains généralistes tardent à réagir.

Les enfants qui en sont privés restent petits – «Dans notre société, c’est un handicap de mesurer 1,40 m ou 1,50 m lorsqu’on est adulte», avance la spécialiste. Mais ils sont aussi plus facilement fatigués. Leur masse musculaire diminue, ce qui rend l’exercice plus difficile. Leurs os sont moins solides et ils ont tendance à prendre du poids. «Quand il existe un déficit avéré et que les critères d’indication le sont aussi, rien ne peut remplacer le traitement», déclare Agnès Burniat. Autrement dit, ni un apport en protéines et vitamines B6 ni un supplément de sommeil ne peuvent influer sur la fabrication de l’hormone de croissance.

Déficit hormonal: un traitement encadré

En Belgique, un registre recense l’ensemble des patients sous traitement. Celui-ci n’est remboursé que s’il est demandé par un spécialiste en endocrinologie, et le coût varie entre vingt mille et cinquante mille euros par an. Il est également utilisé dans d’autres pathologies, très différentes et strictement fixées par la loi (lire l’encadré). Il est ainsi prescrit aux fillettes atteintes du syndrome de Turner, une maladie génétique due à une anomalie sur le chromosome X qui retarde la croissance osseuse, et aux enfants souffrant d’une insuffisance rénale entraînant une résistance à l’hormone de croissance.

Ce déficit hormonal peut se manifester dès la naissance, au cours des premières années, voire à l’adolescence. En cause: des maladies génétiques, une malformation de l’hypophyse, un accident cérébral, une méningite sévère… Mais le plus souvent, il est idiopathique, c’est-à-dire qu’aucune cause n’est trouvée et dans ce cas, en Belgique, a priori, aucun traitement ne sera mis en place.

3 enfants sur dix mille présentent un déficit en hormone de croissance.

10% des fœtus en retard de croissance ne le rattraperont pas spontanément à l’âge de 4 ans. Ce retard intra-utérin survient chez un fœtus sur cinq mille.

1 sur 100 000: le nombre d’enfants atteints par le syndrome de Silver-Russell. Une personne sur vingt mille souffre du syndrome de Prader-Willi et une fille sur 2 500 du syndrome de Turner.

Chez l’adulte aussi

Contrairement à une idée reçue, l’adulte produit l’hormone de croissance. Sa sécrétion plafonne vers 30 ans, avant de diminuer fortement après l’âge de 60 ans. Bien que présente en quantités moindres, elle continue d’intervenir dans la réparation cellulaire – c’est elle l’hormone de «jouvence», et non la DHEA. Un déficit génère une réduction de la masse maigre, une augmentation de la masse grasse et une diminution de la résistance à l’effort et au froid. Un indice? Eventuellement des bourrelets, notamment au niveau abdominal, puisque la masse adipeuse augmente. Certains sujets peuvent développer une intolérance au glucose, voire un diabète. «C’est uniquement dans le cadre d’une déficience prononcée et associée à une déficience d’au moins une autre hormone hypophysaire qu’on la traite. Cela se fait sous forme d’injections sous-cutanées», précise l’endocrinologue Agnès Burniat.

Moins fréquent, il arrive toutefois qu’un individu produise trop d’hormone de croissance. C’est ce qu’on appelle l’acromégalie, qui touche soixante personnes sur un million d’habitants et liée à une tumeur bénigne de l’hypophyse. En cas d’hypersécrétion à l’âge adulte, alors que les os sont déjà soudés, il n’y a pas de gigantisme comme chez un jeune: à la place, les traits et la peau s’épaississent, avec un visage massif, de grosses lèvres et des bosses sur le front. En parallèle, pieds et mains augmentent de taille. Sans compter d’autres symptômes: sueurs nocturnes, apnée du sommeil, diabète (chez un patient sur deux) et augmentation du risque de cancer du côlon.

La maladie se développe progressivement (les bagues, les montres ou les chaussures ne sont plus à la bonne taille). Par conséquent, les patients ne la remarquent pas immédiatement.

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