«Pour quelqu'un qui n'a pas de contrainte liée au travail ou à une organisation familiale, je lui conseillerais de manger quand il a faim» © Getty Images/iStockphoto

Manger matin-midi-soir: pourquoi ce n’est pas indispensable

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Manger matin-midi-soir. L’alimentation est régie par la société, le travail et le rythme familial. Mais, parfois, la faim n’est pas là. Ou intervient à un moment différent. Faut-il lui faire confiance les yeux fermés?

Ce soir, c’est resto avec des amis, planifié depuis un bail. Et là, c’est le drame: la faim n’est pas là. Souvent, le réflexe est de se forcer, par habitude ou convention sociale. Le rythme alimentaire est, en effet, en grande partie bercé par le rythme sociétal. Et aussi par la faim. Mais faut-il manger si l’appétit n’est pas là? Cela dépend des personnes. Pour celles et ceux qui ont une pathologie, qui souffrent d’anorexie ou viennent d’être opérés par exemple, il vaut mieux manger.

Mais ce n’est pas forcément le cas pour quelqu’un en bonne santé. «En théorie, quand on n’a pas faim, on ne devrait pas manger, confirme la nutrithérapeute Clara Materne. L’humain est surtout conditionné par l’habitude des trois repas par jour, par l’horaire et le rythme familial.»

Pourquoi je n’ai pas faim le matin?

Ne pas avoir faim à une heure de repas peut arriver. Les causes sont nombreuses. Tout d’abord, il faut voir si c’est occasionnel ou habituel. Certains n’ont jamais vraiment pris de petit-déjeuner et n’en ressentent donc pas le besoin. Mais cela peut aussi être provoqué par un repas trop copieux la veille. «Le repas du soir doit être léger», rappelle-t-elle.

Ceux qui se lèvent très tôt pour travailler n’ont pas toujours d’appétit au saut du lit. «Il vaut mieux ne pas se forcer et attendre les premiers signaux de faim, prendre un encas à emporter et le manger lors d’une pause, si c’est possible d’en prendre une.»

Un problème hépatique peut également faire que l’individu se réveille «barbouillé» et n’a pas faim tout de suite.

Pourquoi je n’ai pas faim à midi?

Ne pas avoir d’appétit le midi dépend fortement de (l’éventuel) petit-déjeuner. «Manger des glucides sucrés va créer un pic de glycémie. C’est un peu comme une montagne russe. Il y aura un effet rebond 1h30 à 2h plus tard, avec une faiblesse qui se traduit par la faim, l’énervement ou l’envie d’un biscuit.»

Selon la nutrithérapeute, ne pas avoir faim à midi est assez rare. «Cela concerne plutôt les gens très stressés, engagés à fond dans le travail et qui n’ont pas le temps. Mais il ne faudrait pas qu’ils s’oublient car ils risquent de ne plus écouter leurs sensations et manger trop le soir pour compenser.» Elle conseille de prendre au moins quinze minutes de pause.

Pourquoi je n’ai pas faim le soir?

Ne pas avoir faim en soirée peut arriver. «Biologiquement, l’humain n’est pas fait pour manger tard. Il ne vaut mieux pas faire trop monter l’insuline le soir. Mais ne pas avoir faim peut aussi intervenir chez des personnes très fatiguées.» De manière générale, avec un petit-déjeuner protéiné et un bon repas du midi, et éventuellement un encas dans l’après-midi, il faudrait (avoir envie de) manger léger le soir.

Mais Clara Materne pointe une certaine pression sociale autour du souper, moment de partage familial par excellence. «Il ne faut pas faire d’amalgame entre le fait de vouloir partager un moment en famille et le fait que cela doit forcément être un repas.» Elle rappelle également que, si les enfants ont, eux, besoin de trois bons repas par jour, les adultes qui les accompagnent peuvent manger différemment.

Quand la faim déraille

Son principal conseil: se reconnecter à ses sensations de faim. «Pour quelqu’un qui n’a pas de contrainte liée au travail ou à une organisation familiale, je lui conseillerais de manger quand il a faim», résume-t-elle. A condition que cela soit bien de la faim. Lorsqu’il y a moins de réserves pour produire de l’énergie, le cerveau envoie des signaux: estomac qui tiraille, sensation d’être faible ou fragile, transpiration et l’envie de manger. «Les hommes préhistoriques s’engraissaient à la fin de l’été et tenaient avec leurs réserves tout l’hiver, jusqu’à ce que, de nouveau, la nature produise suffisamment pour manger en suffisance. On est toujours dans cette génétique-là… sauf qu’on a accès à la nourriture H24. »

Le corps a donc appris à se réguler. «C’est une mécanique bien huilée», explique la nutrithérapeute. Il peut arriver de manger trop, en vacances ou lors d’une fête, par exemple. Pendant les jours qui suivent, le corps va se réguler et la faim sera amoindrie. Idem en cas d’un petit refroidissement ou d’un évènement stressant: peut-être que le corps aura été sous-alimenté pendant trois jours, et il va compenser plus tard en envoyant des signaux pour manger davantage. Mais il arrive que les hormones qui régulent l’appétit soient perturbées, et que l’individu ne soit plus connecté à cette logique. La faim est alors déréglée.

Deux hormones jouent un rôle primordial. La leptine, qui est censée diminuer l’appétit. «Mais elle peut donner une fausse sensation de faim si l’hormone est mal comprise par le corps.» La ghréline, qui est censée donner de l’appétit. «Elle est très impactée par la qualité du sommeil et peut donner une sensation de faim à cause de la fatigue.» Pour Clara Materne, il faut toujours tenir compte du contexte.

Manger ses émotions

Outre la faim physiologique, elle met également en garde contre la faim psychologique. C’est la fameuse nourriture émotionnelle». «Certains mangent leurs émotions. Il faut apprendre à le reconnaître, mais c’est parfois complexe. La faim physiologique, il faut y répondre. La faim psychologique, il faut la comprendre.»

Elle conseille de trouver autre chose pour se sentir bien et d’attendre quelques minutes. «Il faut différer pour accepter l’émotion et attendre qu’elle passe. Si dix minutes plus tard vous avez toujours faim, il sera toujours temps de craquer pour ce carré de chocolat.» Avec modération.

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