Faut-il avouer une tromperie ? « La personne infidèle est soudain insouciante et ressent vraiment les choses »
Faut-il avouer une tromperie à son partenaire ou vaut-il mieux ne rien dire? Et est-il possible de sauver une relation après une crise ? Les célèbres coachs allemands en relations Eva-Maria et Wolfram Zurhorst s’expriment sur l’infidélité et le polyamour. « C’est bien si c’est acceptable pour les deux partenaires. Mais ce ne l’est presque jamais pour les deux. »
Les thérapeutes allemands Eva-Maria Zurhorst (°1962) et Wolfram Zurhorst (°1968) figurent parmi les experts en relations les plus célèbres d’Allemagne. Publié en 2004, le livre d’Eva-Maria Zurhorst, Liebe dich selbst und es ist egal, wen du heiratest (Aime-toi et peu importe avec qui tu te maries), est devenu un best-seller. Depuis lors, elle a écrit de nombreux autres guides de relations, certains en collaboration avec son mari.
Commençons par une situation de crise spécifique. Imaginons : après une soirée arrosée lors d’un voyage d’affaires, vous avez une aventure d’un soir. Faut-il avouer ce genre d’infidélité à son partenaire?
Eva-Maria Zurhorst : Oui. Pour clarifier les choses. Car c’est signe qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans la relation.
Pourquoi est-il important d’informer son partenaire ?
Eva-Maria Zurhorst : Contre-question : pourquoi avoir si peur de l’avouer si ce n’est pas important ? Votre cerveau vous trompe si vous dites que c’était simplement à cause du voyage d’affaires ou de l’alcool. L’alcool désinhibe tout simplement. Boire permet de délacer le corset dans lequel on est enfermé.
Wolfram Zurhorst : C’est alors qu’apparaissent tous les sentiments et les besoins cachés, tout ce que l’on contrôle et ne montre pas à son partenaire.
Eva-Maria Zurhorst : La personne infidèle a besoin de reconnaissance, de proximité. Elle est soudain insouciante, et ressent vraiment les choses. Quand elle vient me voir, je dis : pourquoi ne pas apprendre à vivre vraiment ? Notre style de vie peut avoir un impact dévastateur sur les relations. Car comment avoir une bonne relation avec tout ce stress, tout ce travail, tous ces engagements, et en plus 99 hobbies ?
Les gens n’avouent-ils pas surtout une faute parce qu’ils veulent être pardonnés ?
Eva-Maria Zurhorst : Beaucoup de gens le font évidemment.
Cette personne pourrait aussi se dire: arrête de tout avouer et assume tes actes.
Eva-Maria Zurhorst : C’est ce que je recommanderais aussi à ces personnes. Avouer une erreur ne répare pas tout. Au contraire, une plaie a été mise à nu. Il est devenu évident qu’il y a un problème et ensuite, les deux partenaires doivent lutter avec eux-mêmes et entre eux. Car cela signifie qu’au moins l’un d’entre eux ressent un manque.
Certaines personnes disent qu’elles peuvent aimer plusieurs personnes à la fois.
Eva-Maria Zurhorst : En vingt ans de métier, je n’ai jamais rencontré de couple dont les deux partenaires étaient heureux du polyamour ou de l’infidélité.
Wolfram Zurhorst : C’est bien si c’est acceptable pour les deux partenaires. Mais ce ne l’est presque jamais pour les deux.
Quel est le but de la thérapie? Réparer ou sauver des relations ?
Eva-Maria Zurhorst : Pas sauver. Il ne faut pas s’attendre à un retour de l’ancienne relation. Je dis souvent : n’espérez surtout pas le retour de votre ancienne relation. Vous ne pouvez que l’enterrer et commencer ensuite une nouvelle relation, bien meilleure, avec votre partenaire.
Wolfram Zurhorst : Les hommes veulent généralement réactiver une relation. Je ne suis pas là pour ça. Nous fournissons surtout des outils aux partenaires qui peuvent apporter des éclaircissements. Parfois, la thérapie conduit également à la séparation de deux personnes.
Eva-Maria Zurhorst : Nous conseillons souvent une séparation à l’intérieur de la relation. Les partenaires se libèrent l’un de l’autre et puis chacun fait ses devoirs. Surtout si une personne s’accroche à l’autre et refuse de lâcher prise. Cette personne entraînera alors son partenaire à une séance de thérapie. Mais ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent.
Quand considérez-vous la thérapie comme réussie ?
Wolfram Zurhorst : Il n’est pas si fréquent que les couples soient heureux après une thérapie. Mais lorsque deux personnes qui sont arrivées ici en désaccord quittent la pièce en sentant que quelque chose a été touché en elles qui leur permet de s’entendre à nouveau, c’est aussi une forme de bonheur. Ce n’est pas si spectaculaire…
Eva-Maria Zurhorst : … mais soudain, on ressent de l’amour dans la pièce. C’est peut-être un cliché, mais pour moi, c’est toujours un moment particulier quand après des années, on perce l’armure de quelqu’un. Même si ce n’est qu’un peu.
Ce sont toujours surtout les femmes qui cherchent de l’aide ?
Wolfram Zurhorst : De plus en plus d’hommes prennent rendez-vous pour les deux partenaires ou simplement pour eux-mêmes, quel que soit leur âge.
Eva-Maria Zurhorst : Les couples plus jeunes viennent souvent ensemble. Et ils viennent beaucoup plus tôt que les couples plus âgés, parfois peu de temps après le début de leur relation, car ils ont des questions et veulent bien faire les choses.
Il y a dix ans, c’était complètement différent. Comment l’expliquez-vous?
Eva-Maria Zurhorst : Les rencontres en ligne et la pornographie. De plus en plus de jeunes femmes se voient comme des artistes de performance dans une relation. Les statistiques indiquent que les garçons surfent sur des sites pornographiques dès l’âge de onze ans. Là, ils voient tout ce que nous ne pouvions même pas rêver en matière de sexe, seulement ce n’est pas concrétisé dans la vraie vie. Ils comprennent que dans une vraie relation, ce qu’ils ont vu sur les sites pornographiques est irréaliste.
Le hasard laisse de plus en plus la place aux algorithmes. Est-ce que les partenaires sont mieux assortis?
Eva-Maria Zurhorst : Parfois, oui.
Wolfram Zurhorst : C’est aussi ce que je constate.
Eva-Maria Zurhorst : Nous ne parlons pas de Tinder ou d’applications similaires. Mais sur des sites de rencontres sérieux, les gens doivent répondre à des questions préparatoires auxquelles ils n’auraient jamais pensé dans le monde analogique. Ces sites et applications de rencontres en ligne ont cependant créé des problèmes qui n’existaient pas auparavant. Pour avoir plus de chances lors d’un rendez-vous, beaucoup construisent une personnalité idéalisée, ce qui peut entraîner une grande déception dès la première rencontre.
Nous semblons vivre à une époque de relations stop-and-go : abandonner, rompre et entamer une nouvelle relation. Les gens cherchent-ils vraiment un partenaire pour la vie?
Eva-Maria Zurhorst : Toute rupture est une expérience douloureuse, laissant en nous un sentiment d’échec. Nous recommençons à chaque fois parce que nous pensons que cette fois, ça va marcher. Chaque nouvel échec ébranle notre confiance dans les relations. Mais surmonter une crise en tant que couple, permet de gagner de la confiance.
Est-ce que quelqu’un qui change souvent de partenaire ne finit pas par changer simplement d’ »accessoire »?
Eva-Maria Zurhorst: Oui.
Wolfram Zurhorst : Et en fin de compte, cela ne rend personne heureux. En tant que célibataire, vous êtes en sécurité, vous pouvez rester dans votre zone de confort et vous faire des illusions. Les relations sont pour les courageux. Et franchement, c’est la seule chose qui nous donne accès à l’amour. Si je n’entame pas de relations, je ne pourrai jamais vraiment aimer.
Eva-Maria Zurhorst : Les relations font ressortir chez une personne des qualités auxquelles tout le monde aspire. La compassion. Rencontrer et apprécier les autres. On devient un être humain plus complet.
Wolfram Zurhorst : Une personne plus diverse aussi. Une relation offre une excellente opportunité de grandir en tant que personne.
Quel conseil donneriez-vous aux personnes à la recherche d’un partenaire ?
Wolfram Zurhorst : Beaucoup de choses vont mieux avec un partenaire, mais vos propres peurs ne disparaissent pas avec une relation. Peu importe sur qui vous tombez, cette personne appuiera sur vos boutons et vous décevra. À un moment donné, vous constaterez que votre partenaire est médiocre, voire parfois peu sûr de lui. Mais si tout cela n’a pas d’importance pour vous, la porte est ouverte pour une relation mature.
Eva-Maria Zurhorst : Une relation est une sorte de laboratoire où la personnalité se développe. Une relation nous donne la chance de pénétrer des parties de nous-mêmes auxquelles nous n’aurions jamais accès tout seuls.
Bettina Musall (Der Spiegel)
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