
Examens gênants: Comment les aborder avec son médecin?
Vous êtes là, debout ou couché, tandis que le médecin soumet des régions intimes de votre anatomie à une inspection approfondie. Comment devez-vous réagir ?
Un contrôle gynécologique, un examen de la prostate ou une colonoscopie : autant d’examens qui ne réjouissent personne mais s’avèrent parfois nécessaires. Soit parce que vous présentez certains symptômes, soit que le moment est venu de subir un checkup. Vous savez qu’ils ne sont pas douloureux mais vous vous en passeriez volontiers, car vous êtes pudique : vous retrouver à moitié nu(e) sur une table d’auscultation et exposer vos zones intimes à un inconnu ne vous enthousiasme pas.
Parmi les dix examens médicaux vécus comme les plus gênants et désagréables, on compte essentiellement des auscultations de la zone génitale ou anale. » Je n’ai pas ma langue en poche et je n’éprouve aucune difficulté à dire au médecin que je souffre d’hémorroïdes ou de petits boutons sur les lèvres de ma vulve, témoigne Ruth. Mais lorsqu’il me propose d’y jeter un coup d’oeil, c’est une autre histoire : je rougis et suis vraiment embarrassée, même si je sais que je suis propre et que je connais mon médecin depuis des années. Pour lui, c’est probablement la chose la plus naturelle au monde d’inspecter un vagin ou un anus, c’est en tout cas ce que je me dis pendant qu’il fait son travail. Mais de là à dire que je suis absolument à mon aise, il y a de la marge ! »
Est-ce que cela m’embarrasse ? De moins en moins ! Je ne désirais qu’une seule chose : être libérée le plus tôt possible de ces horribles démangeaisons.
Peur d’évoquer ses problèmes
» Avant, je recevais davantage de patients qui ne révélaient le véritable but de leur visite qu’à la fin de la consultation, raconte Dirk Scheire, médecin depuis quarante ans. Ils prenaient alors leur courage à deux mains et m’annonçaient ce dont ils me parleraient la prochaine fois. Et le plus souvent, il s’agissait d’un problème lié à leur fonctionnement ‘sous la ceinture’. Ces tergiversations sont moins courantes aujourd’hui : les gens s’expriment plus facilement. Certains patients commencent encore par demander d’abord conseil pour leur rhume ou leur entorse, avant d’aborder une question plus délicate. Mais je constate que la majorité en vient vite au fait. »
Parler est une chose, mais qu’en est-il lorsqu’il faut passer de la parole aux actes ? » Si un homme m’avoue pudiquement éprouver des problèmes pour uriner, je dois procéder à un toucher rectal pour vérifier un éventuel gonflement de la prostate. Généralement, le patient se déshabille rapidement, mais il arrive aussi, quoique plus rarement, qu’il faille un peu l’y encourager. Comment je m’y prends ? En prenant le temps et en le rassurant. Je lui explique : ‘Pour pouvoir vous aider, je dois procéder à cet examen gênant mais pas douloureux’. Je lui explique toujours que je m’arrêterai dès qu’il me fait signe. Et j’utilise de préférence la forme interrogative : ‘Êtes-vous d’accord de me laisser faire ceci ou cela ? ‘. Il est important d’indiquer au patient que c’est lui qui décide et qu’il est libre aussi de refuser. » Les patients expriment-ils facilement qu’ils se sentent tendus ou mal à l’aise avant un examen ? » Certainement… Ils avouent même parfois qu’ils ont postposé l’examen en question, parce qu’ils le redoutaient. »
Mise à nu
Stéphanie souffre de lichen scléreux, une dermatose chronique qui s’accompagne de gêne et de démangeaisons au niveau de la région génitale. » Comme on a d’abord suspecté une infection tenace, il a fallu un an avant d’arriver au bon diagnostic, raconte-t-elle. Au cours de cette année-là, je me suis retrouvée de nombreuses fois les jambes grandes ouvertes sur la table d’examen de plusieurs médecins. Du généraliste, je suis passée au gynécologue, qui m’a à son tour renvoyée à un collègue. Est-ce que cela m’embarrasse ? De moins en moins ! Je ne désirais qu’une seule chose : être libérée le plus tôt possible de ces horribles démangeaisons et de cette gêne incessante et mal placée. » Elle se souvient de sa première visite chez le gynécologue : » J’avais dix-sept ans, un petit ami et je voulais prendre la pilule. J’étais extrêmement nerveuse, je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. Cet examen allait-il me faire mal ? Ou – summum de la gêne – n’allais-je pas ressentir d’excitation physique au toucher du médecin ? Allait-il s’apercevoir que je n’étais plus vierge ou que j’avais eu une relation sexuelle la veille ? Mes lèvres n’étaient-elles pas trop grandes ? Je me vois encore devant la table d’examen, ne sachant pas bien comment prendre place dans les étriers. Une amie m’avait conseillé de porter un long T-shirt ou une robe, de manière à me sentir un peu moins nue. Un conseil que j’ai apprécié et que je suis toujours ! »
Le Dr Hendrik Cammu, gynécologue à l’hôpital universitaire de la VUB, ne voit plus beaucoup de jeunes filles dans son cabinet. » Comme je me suis spécialisé en urologie, la plupart de mes patients sont plus âgés et présentent un problème spécifique, comme des saignements, de l’incontinence ou une descente d’organes. » Il confirme les propos de Stéphanie : » Dès qu’il y a plainte, la gêne disparait. Le patient ne demande qu’une chose : être débarrassé de son problème. Les femmes plus âgées éprouvent aussi moins d’embarras que les jeunes, car elles en ont déjà vu d’autres ! »
À bâtons rompus
Il est recommandé aux personnes pudiques ou anxieuses de poser beaucoup de questions, afin de bien comprendre le déroulement de l’auscultation. Certains médecins expliquent spontanément ce qu’ils font et pourquoi, histoire de rassurer le patient. Une méthode que le Dr Hendrik Cammu a appliquée longtemps, mais qu’il a abandonnée. » Quand vous donnez tout le temps des explications – ‘je vais faire ceci ou cela, vous allez ressentir un pincement ou une douleur’ – vous éveillez justement la peur et la douleur car le patient ne se détend pas. Ce n’est pas moi qui l’affirme : je me base sur des preuves scientifiques de cette réaction ! Ce qui pour moi fonctionne le mieux, c’est de parler de choses et d’autres. ‘Que faites-vous comme travail ? Où habitez-vous ? C’est un beau village ! ‘ Et tandis que je bavarde ainsi de la pluie et du beau temps, l’examen est terminé avant que le patient n’ait eu le temps de s’inquiéter. »
Le Dr Cammu admet que quand il était lui-même plus jeune, il était pudique. » Actuellement, la formation aborde l’interaction avec les patients et la gestion des émotions comme la peur et la gêne. C’est une bonne chose. On n’en parlait pas à mon époque. Quand j’ai fait mon stage, le médecin qui m’accompagnait m’a donné quelques conseils. C’est tout. »
Langage clair
Lies Moens, spécialisée en thérapie manuelle de la zone pelvienne, a appris pendant ses études à mettre les patients à l’aise. » Mieux encore : les examens et les gestes que je fais subir à mes patients, je les ai subis moi-même pendant ma formation. Je sais donc parfaitement quel effet ils font. » Les personnes qui s’adressent à elle présentent des plaintes allant de l’incontinence urinaire aux difficultés d’uriner, en passant par les flatulences et l’éjaculation précoce. » La plupart de mes patients doivent bien sûr se dénuder. Lorsque les médecins qui les ont envoyés chez moi ne leur ont pas expliqué ce qu’est la thérapie pelvienne, ils sont un peu effrayés. Raison pour laquelle la première séance est consacrée à un long entretien avec le patient, durant lequel je pose des questions, j’écoute et explique le fonctionnement du plancher pelvien. Lorsqu’à la fin, je lui demande de l’ausculter, il ou elle en comprend la raison. Je ne tourne pas autour du pot, mais j’explique en termes simples ce qui va se passer. Je leur dis par exemple qu’ils peuvent ressentir l’envie de satisfaire un besoin naturel lors de l’introduction d’une sonde dans l’anus pour un biofeedback. Lorsqu’ils savent qu’il s’agit d’un réflexe normal, ils se sentent moins embarrassés. »
Il arrive qu’un patient soit tellement gêné que Lies Moens consacre l’entièreté de la première consultation à discuter, sans aller jusqu’à l’examen physique. » Lors de la consultation suivante, il est généralement prêt. Si ce n’est pas le cas, nous travaillons plusieurs fois sur la prise de conscience des muscles pelviens et ne passons à l’étape suivante que lorsque le patient y est disposé. J’ai eu quelques patients masculins qui rechignaient à l’examen anal ; je ne pouvais donc que sentir extérieurement comment ils contrôlaient leurs muscles pelviens. C’est plus difficile et cela dure plus longtemps, mais chez eux aussi, j’ai finalement obtenu les résultats souhaités. Je ne vais jamais rien imposer. C’est le patient qui décide ! »
D’une telle banalité !
Si les sensibilités par rapport à un même examen peuvent varier, certaines situations sont unanimement considérées comme peu respectueuses du patient. Comme la raison pour laquelle Ilse a quitté son précédent gynécologue : » Lorsque son téléphone a sonné, il a répondu, en plein milieu d’un examen. Et la dernière fois que j’ai été chez lui, il m’a laissée dix minutes sur la table d’auscultation, nue, ‘un instant’. Il est gynécologue depuis des années mais manifestement, il ne se rend pas compte à quel point l’on se sent vulnérable lorsque l’on se dénude ainsi. »
Lies Moens dépose un drap sur les cuisses de ses patients, pour les couvrir au minimum. » J’ai choisi aussi de travailler avec une table d’examen classique et non gynécologique : il est très désagréable de rester une demi-heure les jambes surélevées et les pieds dans les étriers. Ce type de table vous oblige à vous placer entre les jambes du patient. Je préfère me tenir à côté d’eux. »
Est-il vrai que ce que nous expérimentons comme des situations médicales gênantes sont vraiment banales pour le thérapeute qui nous examine ou nous manipule ? » Tout à fait, confirme Lies Moens. En tant que thérapeute de la méthode manuelle pelvienne, cette zone intime est devenue mon domaine de travail. Un domaine que j’ai choisi volontairement, parce que je voulais briser le tabou qui entoure le plancher pelvien et parce que je trouve important de rendre de la qualité de vie aux personnes qui en souffrent. » De même, le médecin généraliste confirme qu’il ne se sent absolument pas mal à l’aise lorsqu’il propose ou réalise un examen gênant, mais nécessaire. » Je comprends évidemment la gêne du patient et je vais veiller à le rassurer. Pour ensuite faire ce que l’on attend de moi en tant que médecin. »
Carine Stevens
Conseils psy
– Ne vous acharnez pas à refouler votre gêne : plus vous la combattrez, plus elle prendra de l’ampleur. Acceptez votre embarras, votre malaise, inévitables. Accordez-vous le droit de ressentir cette anxiété, cette nervosité ou cette pudeur.
– Exprimez-la au médecin. Non pas avec l’espoir qu’il va vous en libérer, mais pour rester honnête avec vous-même. Il pourrait trouver des astuces pour la réduire…
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