Et vous, c’est quoi votre « aliment-doudou » ?
Un bol de potage fumant pour cocooner, une petite glace pour se faire plaisir après une dure journée, un gâteau aux pommes qui embaume la maison et réchauffe le coeur… Comment se fait-il que manger peut nous consoler, nous récompenser, nous rendre heureux ?
Le truc de Bridget Jones quand elle a un chagrin d’amour ? Regarder un vieux film en dégustant un énorme pot de crème glacée ou un paquet de chips, blottie sous une couverture. Ce n’est pas pour rien que cette scène mythique reste imprimée dans notre mémoire collective : quand quelque chose ne va pas, nous avons tous tendance, à la manière de Bridget Jones, à nous jeter sur un aliment qui nous met du baume au coeur. Pour les uns, ce sera une glace ou des chips, pour les autres, du chocolat, une part de pizza ou un pilon de poulet… C’est ce que l’on appelle des » aliments-réconfort » (comfort food). Parfois, c’est un moyen d’étouffer stress, tristesse ou frustrations, parfois, une façon de se faire plaisir par un aliment apaisant et réconfortant. Certains sont nos » madeleines de Proust « … » C’est là toute la différence entre faim et envie, explique Charlotte De Backer, professeur au département Sciences de la Communication de l’université d’Anvers. La faim est une sensation physique, un signal du corps quand il manque de carburant. L’envie est une petite faim émotionnelle qui vous pousse à consommer ce qu’on appelle des aliments-doudous. »
La crise du coronavirus a éclairé certains sur les aliments qui réconfortent, remontent le moral ou apaisent.
En une bouchée…
La notion de » comfort food » est vaste, ce qui conduit Charlotte De Backer à faire la distinction entre quatre types de réconfort.
Pour commencer, il y a le réconfort physique : » Quand vous tenez entre vos mains un bol de soupe ou une tasse de café brûlant, cela vous réchauffe non seulement de l’intérieur, mais cela vous rend aussi plus chaleureux et plus amical à l’égard d’autrui, comme le révèlent certaines études. Ce qui est typique aussi de ces aliments-réconfort, c’est qu’ils sont prêts et faciles à avaler à des moments où vous n’avez guère l’énergie de les mâcher. Songeons à des substances onctueuses comme la glace ou le pudding. Ou à la soupe : quand on ne se sent pas en forme, c’est réconfortant et vite avalé ! Si en revanche, vous voulez vous débarrasser d’une colère ou d’une frustration, vous trouverez plus de réconfort dans des aliments à mordre : chips croquants ou morceau de viande coriace. »
Si vous demandez aux gens quel est leur aliment-réconfort favori, vous constaterez que beaucoup de ces denrées affichent une teneur élevée en graisse et en sucre. Cela n’a rien d’étonnant, car ils donnent un coup de fouet : chaque bouchée active le centre de récompense dans le cerveau et stimule la production de dopamine. Celle-ci joue un rôle important dans les sensations de plaisir et de bien-être. Il est logique donc que les aliments-réconfort vous remontent le moral en un rien de temps.
Se faciliter la vie
Il se fait tard et vous n’avez pas le temps de cuisiner : le traiteur du coin vous offre la solution avec un plat thaï ou une quiche aux légumes à réchauffer rapidement au four. C’est aussi une forme de » comfort food » ou de » convenience food « , que l’on pourrait traduire en français par aliments de commodité. Une notion qui comprend bien plus que les repas tout préparés, d’après Charlotte De Backer : » Imaginons que je veuille faire un spaghetti bolognaise ‘maison’ ce soir. Ce ‘maison’ est une notion toute relative. Les tomates viennent d’une boite, pelées ou en cubes ; le hachis est déjà haché et épicé ; les pâtes viennent d’un paquet ; le fromage est râpé. Tous ces ingrédients ont déjà été transformés pour nous faciliter la vie. Les régimes à la mode, qui veulent revenir à la manière dont s’alimentaient nos ancêtres, me font bien rire : nous n’avons pas la moindre idée de la manière dont les hommes primitifs se nourrissaient. Pour un morceau de viande, ils devaient peut-être chasser le bison à plusieurs pendant trois jours ! Et cuire un pain, cela voulait dire d’abord cultiver et moudre des céréales, alors que nous n’avons qu’à ouvrir un paquet de farine. Presque toute notre alimentation est une alimentation de confort. »
Purement par plaisir
Ce n’est d’ailleurs pas une raison de ne pas en profiter, insiste Charlotte De Backer, ce qui nous amène au 3e effet des aliments-réconfort : une gâterie, une manière de se faire du bien, de se récompenser. » On a trop insisté ces dernières années sur la fonction utile des aliments, carburants pour l’organisme, avec l’accent sur l’aspect sain et responsable. Dans mon quartier, un magasin de proximité porte l’enseigne : ‘Gezond zondigen’ ( » Pécher sainement « ). Je m’indigne à chaque fois que j’y passe, car en considérant la nourriture comme un ‘péché’ (mignon…), on néglige la notion de plaisir. Goûtons et savourons tout ce qu’il y a de bon dans notre assiette. »
On critique parfois le mode alimentaire des personnes dans la précarité qui, avec le peu d’argent dont elles disposent, vont à la pizzeria ou au MacDo au lieu de s’acheter des légumes sains. » Ce comportement n’a rien de si étrange. En période de disette, on a envie d’aliments riches en calories et qui vous rassasient rapidement. De plus, tout le monde a parfois besoin d’aliments réconfortants, et reconnaissons-le : une pizza ou un hamburger réconfortent mieux que des carottes ou du brocoli ! »
Madeleines de Proust
La crise du coronavirus a éclairé certains sur les aliments qui réconfortent, remontent le moral ou apaisent. L’enquête Corona Cooking Survey menée par l’université d’Anvers, la KU Leuven et l’UGent s’est penchée sur nos habitudes alimentaires durant le confinement : nous sommes très nombreux à nous être mis à cuisiner. » Du pain surtout, selon Charlotte De Backer, mais aussi des gaufres et des cakes aux pommes, souvent d’après des recettes de grand-mère. Nous avons empli nos maisons de parfums de notre enfance, lorsque la vie était encore simple, que nous nous sentions insouciants et en sécurité. » La Comfort food est en effet synonyme aussi de » nourriture nostalgie « . Les odeurs surtout sont magiques à cet égard, constate la Pr De Backer : » Elles ont le pouvoir de nous ramener aux racines de notre existence. L’odeur d’un gâteau qui sort du four peut nous catapulter en une fraction de seconde dans la cuisine de notre grand-mère. Et si on vous a consolé enfant avec un chocolat chaud, l’odeur éveillera en vous des souvenirs heureux. »
Charlotte De Backer ne doit pas réfléchir longtemps pour trouver son mets-réconfort préféré. » Des macaronis jambon-fromage ! Personne n’en cuisinait de si bons que ma grand-mère maternelle. Quand j’allais loger chez elle et que j’avais le cafard, c’était le seul remède ! Ce plat évoque d’emblée ma grand-mère. Je le prépare régulièrement pour ma famille, surtout dans les moments de blues ou d’insécurité. Ou quand elle me manque. »
Autre constat frappant : quand on interroge des gens sur leurs souvenirs d’enfance, ils évoquent souvent des moments de repas ou des plats qu’on leur servait souvent. » Manger, ce n’est pas seulement la première chose que l’on fait dans sa vie, c’est aussi une manière de se relier à autrui. Bébé, on est choyé et nourri par ses parents… La nourriture est réconfort, chaleur et sécurité. Elle est émotion. »
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