Et si les chauves-souris détenaient la clé pour vivre plus longtemps en bonne santé
Vampires immortels et chauves-souris. « Bram Stoker avait peut-être vu juste » en liant son célèbre comte Dracula éternellement jeune à ces mammifères volants, sourit Emma Teeling, généticienne qui explore la longévité exceptionnelle des chiroptères en espérant en faire profiter les humains.
Car la créature tant décriée vit une longue vie en s’épargnant les affres de la vieillesse, tout en hébergeant le virus Ebola ou des coronavirus sans en être malade.
Comme chaque année, la chercheuse de l’University College de Dublin et son équipe récoltent échantillons de sang et biopsies d’ailes sur des grands murins vivant dans des églises ou écoles dans l’Ouest de la France.
« Cela va nous permettre d’avoir des pistes pour comprendre comment nous pouvons vivre plus longtemps en bonne santé, comment nous pouvons combattre les maladies », s’enthousiasme la scientifique irlandaise.
Les chiroptères vivent particulièrement longtemps pour un mammifère de si petite taille.
En général « dans la nature, en regardant la taille d’un animal, on peut prédire sa durée de vie: les petites espèces vivent vite, meurent jeunes, comme les souris; les grosses vivent lentement et longtemps comme la baleine boréale », explique-t-elle à l’AFP.
« Mais les chauves-souris sont uniques. Ce sont parmi les plus petits mammifères, mais elles peuvent vivre pour une durée extraordinaire ».
Ainsi, le grand murin qui ne dépasse pas 8 cm peut vivre dix, voire vingt ans. Et en 2005, des chercheurs avaient capturé en Sibérie un murin de Brandt bagué 41 ans plus tôt, soit dix fois plus longtemps qu’attendu par rapport à sa taille.
« Les chauves-souris semblent mettre en oeuvre des mécanismes qui ralentissent le vieillissement », explique Emma Teeling. A tel point qu’il est impossible de savoir quel âge à un animal, une fois qu’il est adulte.
Alors pour en avoir le coeur net, l’équipe de Dublin s’appuie sur le programme de l’ONG Bretagne Vivante qui depuis 2010 implante un transpondeur sur les jeunes grands murins de plusieurs colonies. Ces puces permettent de savoir l’âge de chaque individu recapturé au fil des ans, pour ensuite analyser les divers « biomarqueurs » du vieillissement dans le sang prélevé.
D’abord les télomères, petits morceaux d’ADN situés à l’extrémité du chromosome, qui rétrécissent à chaque fois qu’une cellule se réplique. Mais pas chez le grand murin.
« Tout finit par mourir »
« Leurs télomères ne rétrécissent pas avec l’âge. Cela veut dire qu’ils peuvent protéger leur ADN », s’enflamme Emma Teeling. « Avec le temps, ils accroissent même leur capacité à réparer leur ADN ».
Autre piste de recherche: ces mammifères, porteurs de nombreux virus sans être malades, « sont capables de moduler leurs réponses immunitaires ».
La pandémie de Covid-19 a mis en évidence qu’un emballement hyper-inflammatoire jouait un rôle clé dans les cas graves de cette maladie chez les humains. Un « orage de cytokine » qui se déclenche chez les patients plusieurs jours après l’apparition des premiers symptômes.
Les chauves-souris, elles, « parviennent à équilibrer la réponse antivirale et la réponse anti-inflammatoire »: « si un humain avec un métabolisme de chauve-souris arrivait à l’hôpital, il ne finirait pas sous respirateur ».
En collaboration avec d’autres chercheurs dans le monde, la généticienne, qui mène un projet de cartographie du génome des 1.400 espèces de chauves-souris, essaie désormais de développer des outils pour pouvoir utiliser pour l’être humain les secrets des chiroptères.
Il ne s’agit pas « d’humains transgéniques, ou d’humains chauves-souris ». « Il faut trouver les moyens de contrôler l’expression de nos gènes pour obtenir le même effet », poursuit la chercheuse, qui espère parvenir à des applications médicales d’ici dix ans, voire plus tôt.
Pour ceux qui fantasmeraient alors sur l’immortalité, Emma Teeling fait redescendre sur Terre. « Tout finit par mourir », lance-t-elle.
« Ce qu’ont les chauves-souris, ce n’est pas la jeunesse éternelle. Elles ne peuvent pas vivre pour toujours mais elles peuvent vivre plus longtemps en bonne santé », sans cancer ni maladies du grand âge.
Comme les « super centenaires » encore fringants jusqu’à la toute fin de leur vie, explique-t-elle, faisant référence à la Française Jeanne Calmant décédée à 122 ans.
Comme l’avait imaginé Bram Stoker, qui a écrit son roman à quelques rues de chez elle à Dublin, « peut-être que tout est dans le sang ». « Nous prenons un peu de sang aux chauves-souris, mais au lieu de les vampiriser, nous leur faisons dévoiler leurs secrets ».
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