Dormir beaucoup n’est pas grave. Sauf si cela arrive du jour au lendemain. © Getty Images

Est-il possible de dormir… trop? Ce que révèle un excès de sommeil

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Il est conseillé de dormir environ huit heures par nuit. Et celui qui dort plus, c’est grave, docteur? Chez certains, c’est tout à fait normal. Mais un changement de sommeil doit parfois alerter.

Huit heures par nuit: c’est le sommeil généralement recommandé pour être reposé et mener à bien ses tâches quotidiennes. Dormir trop peu est souvent pointé du doigt pour ses conséquences sur la santé, la concentration et la vie quotidienne. Mais est-il possible de dormir… trop?

Gros dormeurs

Dans un schéma normal, il n’est pas possible dormir excessivement, estime la Pr Marie Bruyneel, cheffe de service de pneumologie et du laboratoire du sommeil au CHU Saint-Pierre. «Si l’individu a un système de régulation d’une personne en bonne santé, il ne peut pas trop dormir. Plusieurs gènes régulent le sommeil: certaines la durée des cycles de sommeil, d’autres la durée totale de sommeil ou encore la balance éveil-sommeil. Tout cela est programmé.»

L’être humain dort en moyenne 7h30 la semaine et 8h30 le week-end. En tout cas, pour la majorité de la population. Il existe des petits dormeurs, qui fonctionnent bien avec cinq heures par nuit, que ce soit en semaine ou non, en vacances ou pas. Puis les gros dormeurs, qui ferment l’oeil dix, onze, ou même douze heures d’affilée. Une réalité par toujours facile à gérer au quotidien. «Ils ne se forcent pas, mais ont tout simplement besoin de plus de sommeil pour agir correctement au niveau social, professionnel et personnel.» Dormir beaucoup n’est donc pas grave en soi, «ce n’est pas une maladie, c’est un trait génétique.» Mais cela a quand même des conséquences. «Ils sont souvent handicapés socialement à cause de ce gros besoin de sommeil.»

Le sexe a aussi une influence. Les femmes dorment généralement un peu plus que les hommes, et ont un sommeil plus profond. C’est biologique. D’autant qu’elles traversent des périodes de sommeil détérioré. «Pendant la grossesse, elles dorment en moyenne une heure de moins, et pendant la ménopause, beaucoup d’entre elles développent des problèmes d’insomnie, liés aux bouffées de chaleur.» La durée optimale n’est donc pas la même pour toutes et tous. Toutefois, au-delà de neuf ou dix heures de sommeil de manière régulière, il y a peut-être un problème.

Narcolepsie ou hypersomnie

Dormir beaucoup n’est pas forcément synonyme de nuit qualitative et reposante. Il existe des maladies liées à un sommeil excessif. Les deux principales sont la narcolepsie et l’hypersomnie idiopathique. D’autres pathologies, plus rares, touchent moins de 1% de la population.

La narcolepsie se manifeste par des endormissements involontaires et incontrôlables. Les patients connaissent aussi des pertes de force, principalement lors de grosses émotions, qu’elles soient positives ou négatives. «C’est une maladie extrêmement handicapante pour laquelle il existe des traitements assez efficaces», précise la Pr Bruyneel.

L’hypersomnie idiopathique concerne des personnes qui ont de très gros besoins de sommeil, lequel n’est jamais récupérateur. Ce trouble se manifeste par une fatigue inexpliquée, une incapacité à se lever le matin et des somnolences importantes durant la journée. Ce qui est déterminant, selon Marie Bruyneel, c’est la manière dont l’individu fonctionne durant la journée. «Malgré de très longues durées de sommeil, ils restent fatigués, somnolent, ont un manque d’énergie la journée.» Les causes de l’hypersomnie sont nombreuses, ce qui explique la difficulté de son diagnostic. Ce sont néanmoins des maladies exceptionnelles, pointe-t-elle.

Somnolence n’est pas fatigue

La clé, c’est la manière dont l’individu peut effectuer ses tâches du jour. «Si quelqu’un dort onze heures et se lève en super forme, sans problème de concentration, ni de fonctionnement professionnel, ce n’est pas un problème. Il a juste besoin de ces onze heures pour fonctionner correctement. Quelqu’un qui a une hypersomnie idiopathique a vraiment du mal à se lever le matin. Il ressent un besoin irrépressible de faire des siestes. Il est toujours fatigué, jamais en forme malgré des nuits extrêmement longues.»

C’est encore différent de la fatigue chronique. «Ce sont des gens qui ont des durées de sommeil normales et qui se sentent fatigués, qui manifestent un manque d’énergie, mais qui ne dorment pas plus que les autres. C’est vraiment la différence entre la fatigue et la somnolence. La somnolence est un besoin irrépressible de s’assoupir et la fatigue est un manque d’énergie

Mauvais sommeil, signe de dépression

Il n’est, bien évidemment, pas alarmant de dormir douze heures après une nuit blanche, après un décalage horaire ou au début des vacances, lorsque l’organisme se détend. Mais la récurrence de trop longues nuits doit alerter, surtout si leur présence s’accentue.

«Il faut d’abord exclure toutes les causes toxiques, conseille la cheffe de clinique. Les somnifères, l’alcool et le cannabis restent la cause numéro un. Mais dormir davantage soudainement peut être aussi être le signe d’une dépression.» La dépression peut engendrer les deux cas de figure: des besoins de sommeil qui tout d’un coup se majorent très fort, ou au contraire de l’insomnie très marquée.

Apnée du sommeil, le plus fréquent

Pour une personne qui avait des besoins de sommeil normaux et dont les besoins s’allongent à un moment dans la vie, de manière progressive, cela peut également le signe d’une apnée du sommeil. C’est extrêmement fréquent. «Chez 50% des personnes atteintes, cela donne de la somnolence diurne et un allongement de la durée de sommeil parce que la qualité du repos est très détériorée et donc l’organisme, pour compenser, va en augmenter la durée.»

Cela touche surtout les hommes d’âge moyen. La première cause des apnées du sommeil est l’obésité et le surpoids. Et cela ne fait qu’augmenter. «C’est beaucoup plus fréquent que la dépression, l’hypersomnie ou la narcolepsie.»

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