Éducation : le choix de liberté des parents allemands
Alors que chez nous, de plus en plus de parents hélicoptères planent 24 heures sur 24 au-dessus de leurs enfants, les parents allemands optent délibérément pour la liberté. Les jeunes enfants y coupent eux-mêmes leurs fruits et se rendent seuls à la plaine de jeux.
C’est la crainte de plus d’un parent: oublier que le troisième jeudi du mois, c’est la journée piscine à l’école. Heureusement, la plupart des professeurs de gym ont un maillot de réserve quelque part, mais généralement ils ne sont pas très flashy comparés à ceux des autres enfants. Un véritable traumatisme. À moins que vous viviez en Allemagne. C’est ce qu’a appris l’écrivaine américaine Sara Zaske à son étonnement. Il y a quelques années, elle déménage avec son mari Zac et sa fille Sophia à Berlin (sur place, ils eu un fils Ozzie) et y reste six ans. Quand Sophia a quatre ans, elle entame ses cours de natation à l’école. Zaske prépare donc soigneusement un maillot de bain et un essuie. En fin de journée, elle découvre que le maillot est resté sec : tous les enfants jouent nus dans l’eau. Dans un endroit public. Imaginez le choc pour une mère américaine. Aux États-Unis, on risque davantage d’avoir une arme sous les yeux qu’un corps nu.
Et ce n’est pas le seul choc. Ainsi, Zaske se rappelle une de ces premières excursions à Berlin. Un pique-nique sympathique, en compagnie d’un autre ménage. Leurs enfants de trois et cinq ans veulent jouer à la plaine de jeux à côté, mais cachée derrière un mur. Les autres parents hochent la tête et les enfants partent en courant. À nouveau, Zaske éprouve un grand choc. Aux États-Unis, on a déjà arrêté des gens parce qu’ils avaient laissé leurs enfants seuls sur une plaine de jeux. Ces dernières sont d’ailleurs très différentes en Allemagne : alors qu’aux États-Unis, et d’accord, chez nous, on voit surtout des toboggans, des balançoires et des bacs à sable, il y a à Berlin une attraction en forme de dragon de six mètres de haut. À trois ans, Sophia grimpait dessus.
Mais une fois digérés ces chocs, Zaske se met à apprécier l’éducation allemande, qui tient la Selbstständigkeit en haute estime. Elle écrit même un livre sur le sujet : « Achtung Baby ». Eh non, cela n’a rien à voir avec l’album U2 du même nom de 1991. Le sous-titre, librement traduit, est le suivant : « Une mère américaine sur l’art allemand d’éduquer des enfants autonomes ». L’idée est simple : donnez l’occasion aux enfants de découvrir eux-mêmes le monde, et ils deviendront des individus autonomes qui trouveront leur voie dans le monde. Quand le petit Ozzie se heurte la tête à la crèche et se met à pleurer, la puéricultrice n’intervient pas. Après quelques minutes, Ozzie continue à jouer. Un peu plus prudemment, cette fois. Et à huit ans, Sophia demande si elle peut enfin aller à l’école toute seule : elle est la seule de la classe à être encore accompagnée.
Choc culturel
On dirait que c’est une nouvelle tendance: les livres qui parlent de méthodes nationales d’éducation . Tout a commencé il y a sept ans, avec la fameuse « mère tigre » chinoise Amy Chua. Son message est simple : si vous voulez que votre enfant déploie ses talents au maximum, ne soyez pas satisfaits d’un 9 sur 10 et ne dites pas que tous ces affreux bricolages réalisés pour la fête des Mères sont très jolis. Non, dites-leur de jouer au piano, aux échecs ou faire des exercices d’algèbre (biffez la mention inutile) pendant des heures. Un an plus tard, Pamela Druckman se classe en tête des ventes avec son plaidoyer pour une éducation française. Le titre original en anglais en dit assez : « les enfants français ne lancent pas de nourriture ». Américaine, Druckmann déménage avec son mari en France, y a trois enfants et constate que la norme d’éducation américaine (manifestement, lancer de la nourriture n’est pas un problème aux États-Unis) se heurte à la française. À nouveau, le message est simple : les enfants français sont éduqués comme de petits adultes (et donc non gâtés comme des princes et des princesses) et deviennent des citoyens polis et civilisés. Et maintenant, il y a donc la méthode allemande, qui ne veut pas produire de petits génies ou des citoyens bien élevés, mais des personnes autonomes.
Entre-temps, Zaske est de retour en Amérique et elle y vit un deuxième choc culturel: à Berlin, elle n’avait pas le droit de conduire ses enfants en voiture à l’école (ordres de la direction), à San Francisco, elle est pratiquement la seule à ne pas le faire. Et à dix-huit ans, beaucoup de jeunes Américains ne sont pas capables de cuire un oeuf, alors que sa fille Sophia, entre-temps âgée de onze ans, fait ses lessives elle-même et cuisine de temps en temps, car elle a appris à couper les fruits en maternelle (eh oui, avec un couteau), et à allumer un feu à cinq ans. Et elle est capable de faire du shopping seule, de prendre le métro et de traverser la ville. Bel effet secondaire : les parents allemands ont beaucoup plus de temps libre. Et pas de stress maillots. Ça vaut un aller simple pour Berlin, non?
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