Soucils
Edouard Philippe, ancien Premier ministre français, s’est longtemps demandé, avant de les perdre, à quoi servaient les sourcils. © REUTERS

Dites, docteur… pourquoi a-t-on des sourcils?

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

On les fronce, on les hausse… Les sourcils sont des éléments essentiels de nos expressions et, sans eux, l’homme n’aurait sans doute pas survécu.

«Je me suis longtemps demandé à quoi servait un sourcil. Eh bien, cela sert à se faire remarquer quand ça tombe!», raconte l’ancien Premier ministre d’Emmanuel Macron, Edouard Philippe, dont la maladie, l’alopécie, a fait l’objet d’une forte médiatisation.

Ces poils courts qui surplombent les yeux ont, pourtant, une première fonction: ils servent à éviter que les gouttes de sueur ou de pluie ne tombent dans les mirettes. Ces petites «gouttières poilues» dévient ainsi l’eau vers le côté du visage et piègent les saletés pour mieux protéger les orbites. Et, si les sourcils n’y parviennent pas, les cils interviennent dans un second temps.

Le rôle «écran» des sourcils ne semble pourtant pas indispensable à la survie de l’espèce humaine. En revanche, ces poils se révèlent être un outil d’information subtil et mésestimé. Les paléontologues pensent même qu’ils auraient servi à nos ancêtres Homo sapiens à communiquer, voire peut-être avant l’apparition du langage.

C’est ce que démontre une étude publiée, en 2018, dans la prestigieuse revue Nature, Ecology & Evolution. Des chercheurs britanniques et portugais ont, pour la première fois, recréé virtuellement le crâne de l’Homo heidelbergensis, doté d’arcades sourcilières importantes et considéré comme l’ancêtre probable de l’homme de Néandertal et de l’homme de Denisova. Leur conclusion: ce n’est ni la place laissée au cerveau ni la pression exercée sur la mâchoire durant la mastication qui expliquent la réduction de la taille du bourrelet sus-orbitaire – ces deux théories étaient jusqu’alors communément admises pour justifier sa disparition. Selon ces chercheurs, la diminution osseuse de notre région frontale va de mise avec une augmentation de la mobilité des sourcils.

Les autres ancêtres de l’homme avaient un front qui n’était ni aussi haut ni aussi vertical que leurs cousins, et leurs arcades sourcilières étaient trop proéminentes pour leur permettre de bouger les sourcils de manière précise. Impossible, donc, pour eux, d’exprimer des intentions et des états. «Les mouvements des sourcils nous permettent d’exprimer des émotions complexes et de percevoir les émotions des autres», écrit Penny Spikins, archéologue à l’université de York et coauteure de l’étude. On peut ainsi les froncer pour indiquer la colère ou la concentration, les hausser pour signifier la surprise, le choc ou l’exaspération. Et, selon ses recherches, les personnes qui recourent à des injections de Botox dans la ride du lion sont perçues inconsciemment comme moins sympathiques. En cause? La toxine botulique fige les muscles du front et limite les mouvements des sourcils. La perception et l’identification des émotions est moins évidente et suscite alors un sentiment différent.

La compréhension de l’utilisation des sourcils serait, selon les auteurs, «la pièce manquante du puzzle pour expliquer comment les humains modernes ont pu s’entendre entre eux beaucoup plus que les autres espèces d’hominidés aujourd’hui éteintes». Sans sourcils, l’humanité n’aurait peut-être pas aussi bien communiqué à ses débuts.

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