Le vieillissement de la population implique de repenser l’accueil et l’accompagnement des seniors. © GETTY IMAGES

Comment les communes peuvent aider leurs aînés à rester autonomes plus longtemps (carte interactive)

Ludivine Ponciau
Ludivine Ponciau Journaliste au Vif

Les communes n’ont qu’une compétence limitée dans l’accueil en maison de repos. Mais elles peuvent soutenir des projets alternatifs pour prolonger l’autonomie des seniors.

Trop peu nombreuses, trop coûteuses, délais d’attente trop longs: l’accès aux structures d’accueil dédiées aux personnes âgées reste un problème épineux à l’échelon local. Plus encore en raison de l’inéluctable vieillissement de la population et des défis qu’il soulève.

En Wallonie, les communes ont une marge de manœuvre limitée pour gérer l’accompagnement des seniors. Ceci en raison, notamment, d’une norme de programmation fixe, pour chaque arrondissement, du nombre de maisons de repos (et de résidences-services qui y sont adossées) et de maisons de repos et de soins, ainsi que de leur capacité en nombre de lits. Elle tient compte de la répartition géographique des établissements, du nombre de personnes âgées répertoriées dans l’arrondissement et des prévisions concernant l’évolution des besoins. L’Aviq, l’agence wallonne pour une vie de qualité, en charge de la matière, veille également à ce qu’un équilibre soit maintenu entre les établissements relevant des secteurs public, privé sans but lucratif et commercial. D’autres paramètres, tels que le prix de l’hébergement ou la surface minimale de la chambre, sont également réglementés.

Si les communes ne peuvent créer de nouvelles implantations comme bon leur semble, elles restent toutefois libres d’introduire des propositions d’extension ou d’aménagement de celles existantes. Les administrations ne sont en tout cas pas tenues d’offrir la possibilité à leurs résidents âgés d’intégrer une maison de repos proche de chez eux.

«Vu les enjeux démographiques, il serait irresponsable que les communes n’assument pas leur part de responsabilité. La réflexion doit porter sur le nombre de places en maison de repos, mais également sur l’organisation de l’aide à domicile», évalue Jean-Marc Rombeaux. Le conseiller-expert à la Fédération des CPAS soulève deux problèmes majeurs tant en Wallonie qu’à Bruxelles: la hausse des coûts, qu’il s’agisse des matériaux pour la construction de nouvelles infrastructures ou du matériel médical, et le manque de personnel infirmier, qui serait toutefois moins criant dans le secteur public que dans le privé ou l’associatif.

«Vu les enjeux démographiques, il serait irresponsable que les communes n’assument pas leur part de responsabilité.»

Quant aux délais d’attente, ils sont liés au fait que les maisons de repos jouissant d’une bonne réputation sont vite saturées, tandis que d’autres comptent encore des lits vides. Les prix élevés pratiqués par certaines implantations, ajoute Jean-Marc Rombeaux, sont notamment liés au choix de certaines communes de privatiser ce service et de laisser la main aux grands groupes financiers. «Mais il s’agit d’un mauvais calcul puisque les personnes qui n’auront pas les moyens de payer viendront frapper à la porte des CPAS et de l’aide sociale.»

Les communes devraient-elles assurer pour leurs habitants un certain nombre de places dans les maisons de repos publiques? MR, PTB, PS, Ecolo et DéFI y sont favorables. Le parti amarante souligne par ailleurs l’importance d’une collaboration entre les communes et les autres niveaux de compétences afin de maintenir ces infrastructures tout en s’assurant que le personnel y travaille dans de bonnes conditions pour garantir une qualité de service optimale. Tout en se montrant favorables à la création de places pour les habitants de la commune dans les maisons de repos gérées par les CPAS, Les Engagés sont moins partants pour que la mesure devienne une obligation.

Le senior, un citoyen comme un autre

A la question «les communes doivent-elles davantage financer les aides à domicile pour les personnes âgées?», le MR répond par l’affirmative mais, comme pour la question des maisons de repos, il ne fait pas de cet enjeu l’une de ses top priorités. Le PTB, lui, place bien la problématique des maisons de repos en haut de sa liste des priorités mais n’est pas favorable à l’intervention des communes dans les aides à domicile.

Pour le PS et Ecolo, la question des maisons de repos et celle des aides à domicile pour les seniors figurent en bonne place dans le classement des impératifs. Les Engagés, eux, estiment que le financement des aides à domicile pour les plus âgés relève des compétences de l’Aviq. Quant à DéFI, il se montre favorable à «la mise en place par les communes de dispositifs de soutien aux seniors afin de conserver leur autonomie et de leur permettre de rester dans un environnement familier plus longtemps et d’alléger la charge pesant sur les structures d’accueil».

Si les communes ne peuvent agir directement sur certains paramètres, rien ne les empêche de favoriser le bon fonctionnement des structures implantées sur leur territoire, souligne Catherine Dechèvre, responsable sectorielle «personnes âgées» à l’Unessa, la fédération multisectorielle de structures actives dans l’accueil, l’accompagnement, l’aide et les soins aux personnes du secteur associatif.

«L’un des principaux points d’attention pour les maisons de repos en manque de personnel, c’est l’attractivité du métier pour les soignants. Sur ce plan, les communes disposent de leviers importants. Elles peuvent notamment favoriser le dynamisme, développer leur guide communal d’urbanisme, concevoir de nouveaux quartiers, avec de nouveaux services. En repensant son schéma de développement territorial, une commune peut augmenter son attractivité et attirer ainsi de nouveaux métiers potentiellement utiles. Cela passe également par la gestion de la mobilité, surtout en matière de transports en commun. Ainsi que par l’offre de places en crèche pour ces travailleurs.»

L’Unessa rappelle que les seniors doivent être considérés comme des résidents à part entière et donc bénéficier d’une offre associative et culturelle spécifique. «Les maisons de repos doivent retrouver une place de partenaires. Cela passe également par le fait d’accepter d’ouvrir leurs portes aux différentes initiatives», complète Catherine Dechèvre.

«Les maisons de repos doivent retrouver une place de partenaires.»

Briser l’isolement

Là où les communes ont un autre rôle à jouer, c’est dans le soutien à la création d’alternatives aux maisons de repos et aux maisons de repos et de soins. Il existe, en Wallonie et à Bruxelles, plusieurs formes de structures d’accueil, de jour ou en résidentiel, pour les seniors bénéficiant toujours d’une certaine autonomie. On compte, par exemple, seize maisons d’accueil communautaires en Région wallonne, ouvertes à une quinzaine de personnes en situation d’isolement et en manque de liens sociaux. Le projet est le fruit d’une collaboration entre l’Aide à domicile en milieu rural (ADMR) et des partenaires locaux (communes, CPAS, Plan de cohésion sociale, réseaux associatifs…) et inclut dans son programme une ouverture sur le quartier et un échange de savoirs, notamment avec les écoles de la commune.

Sociologue et gérontologue, maître-assistante à la Haute école Louvain en Hainaut (Helha), Myriam Leleu a suivi le développement des maisons de repos et de formules alternatives, dont les maisons d’accueil communautaire destinées aux seniors. «Elles offrent des opportunités de rencontre, des activités centrées sur le bien-être, la culture, le sport… et permettent aux aînés de tisser et renouer des liens sociaux

Autre option: les centres d’accueil de jour qui permettent à des personnes de plus de 60 ans vivant toujours chez elles mais en perte d’autonomie, d’obtenir une aide pour certains aspects du quotidien et de participer à des activités socioculturelles. Lorsque le centre d’accueil se trouve dans une maison de repos, les membres sont invités à participer directement à la gestion du centre au travers d’un conseil de résidents.

Il existe aussi des centres de soins de jour, destinés à un public déjà dépendant physiquement et/ou psychiquement. Les deux types de structures doivent être en lien avec une maison de repos (et de soins) existante.

Les résidences-services, ces habitations accolées à une maison de repos, permettent aussi le soutien de l’autonomie par un lieu de vie où l’habitant est en totale autogestion. Elles représentent pour lui une certaine sécurité, par la proximité de la maison de repos et de services facilitant la vie quotidienne.

Si ces solutions peuvent retarder l’entrée en maison de repos ou éviter des hospitalisations, les services restent tarifés. Elles ne sont donc pas accessibles à tous.

«Les maisons d’accueil permettent aux aînés de tisser et renouer des liens sociaux.»

Le succès des binômes

Le développement de maisons partagées (le senior partage son logement avec un autre locataire adulte) et d’habitats intergénérationnels, comme 1Toit2Ages, impliquant des étudiants, peut également contribuer à maintenir la personne âgée le plus longtemps possible dans une relative autonomie. Imaginé il y a quinze ans, 1Toit2Ages compte actuellement près de 5.000 binômes étudiant-senior.

Myriam Leleu a également examiné le fonctionnement des petites unités de vie. Basés sur le concept britannique des maisons Abbeyfield, ces habitats groupés et solidaires réunissent des seniors autonomes actifs désireux de s’autogérer. On en compte déjà onze en Wallonie et à Bruxelles. Le financement de ces structures dépend de la nature du bâtiment occupé. «Ce concept, né à Londres en 1956, tend à se développer ces dernières années, en raison des besoins grandissants d’un groupe d’âge en croissance. L’idée repose sur un projet de vie communautaire impliquant huit à douze personnes autonomes cooptées par les habitants.»

Dernier levier intéressant qu’énonce la chercheuse: le programme Wallonie amie des aînés (Wada). Ce projet initialement mené par l’UCLouvain en partenariat avec l’Aviq visait à accompagner les communes dans leurs initiatives à destination des aînés, selon une méthodologie proposée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il s’agit d’impliquer davantage les personnes âgées dans la prise de décisions les concernant, avec le soutien des Conseils consultatifs communaux des aînés.

Soutenues dans un premier temps par la Région wallonne, certaines communes ont choisi de prendre le relais sur le plan financier pour éviter que le projet ne s’éteigne.

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