Des pesticides interdits depuis 40 ans encore présents dans le corps des Wallons
Trois pesticides organochlorés interdits depuis 40 ans, mais persistants dans l’environnement, ont été détectés chez 1% des nouveau-nés et 19% des adolescents et adultes ayant pris part à la première campagne de biosurveillance humaine en Wallonie.
Du plomb a par ailleurs été décelé chez tous les participants et dans des proportions dépassant les valeurs de risque sanitaire, a indiqué lundi Aline Jacques, chargée de projet BMH-Wal (biomonitoring humain wallon), lors de la présentation des résultats en présence de la ministre wallonne de l’Environnement, Céline Tellier.
Initié en novembre 2019, ce biomonitoring a été réalisé par l’Institut Scientifique de Service Public (ISSeP), en partenariat avec les laboratoires du CHU de Liège et d’UCLouvain, les cliniques universitaires Saint-Luc et Sciensano. Au total, 828 Wallons, de nouveau-nés à de jeunes adultes (20 à 39 ans), ont été sélectionnés dans les cinq provinces wallonnes et sur la base de critères bien précis de manière à obtenir un échantillon représentatif de la population wallonne. L’objectif était de mesurer, grâce à des analyses de sang et d’urine les niveaux d’exposition à des substances chimiques et polluants présents dans l’environnement, l’eau, l’alimentation, des contenants ou produits de la vie quotidienne.
Sur 23 biomarqueurs recherchés chez les nouveau-nés, via le sang de cordon, entre 1 et 4 ont été détectés, dont le plomb chez tous les bébés et le mercure à 94%. Pour les adolescents et jeunes adultes, sur 59 biomarqueurs recherchés, entre 6 et 32 ont été détectés. De manière générale, le plomb a été relevé chez tous les participants et dans des proportions dépassant les valeurs de risque sanitaire. « Le niveau est néanmoins inférieur en Wallonie par rapport à d’autres études plus anciennes. Cela est peut-être lié à des mesures prises comme le remplacement des canalisations en plomb ou la suppression de l’essence avec plomb », souligne Aline Jacques.
Le mercure a également été relevé chez plus de 90% des Wallons, avec des concentrations plus élevées chez les nouveau-nés. D’autres métaux lourds comme le cadmium (près de 90%) et l’arsenic total (99%) ont été quantifiés chez les adolescents et adultes.
Concernant les pesticides, alors que trois pesticides organochlorés interdits depuis 40 ans, mais persistants dans l’environnement, ont été détectés chez 1% des nouveau-nés et 19% des adolescents et adultes, des insecticides actuels (pesticides organophosphorés) ont été relevés chez 94% des adolescents et adultes. On relève également que le pesticide glyphosate, bien qu’interdit à usage privé, est présent chez un Wallon sur quatre, que des polychlorobiphényls sont encore présents chez 69% des adolescents et adultes malgré leur interdiction depuis 1979 et qu’un métabolite du naphtalène (hydrocarbures aromatiques polycycliques) apparaît chez 97% des adolescents et adultes.
Enfin, les bisphénols sont toujours présents mais en baisse, sans doute en raison des restrictions d’usage à destination des nouveau-nés et des enfants.
On peut en conclure que les effets des politiques menées à l’égard de substances incriminées sont perceptibles mais qu’elles ne permettent pas d’éliminer totalement/directement l’exposition. « Ce biomonitoring permet d’avoir des données scientifiques pour ainsi mieux protéger la population. Cela va permettre de comparer ces données à celles d’autres pays ainsi qu’aux valeurs de risque, de rechercher ce qui influence notre exposition et de disposer d’une base de données pour suivre l’évolution et ainsi estimer si les politiques menées apportent des résultats », a indiqué la ministre Tellier. Une deuxième phase sera menée auprès d’enfants et d’adultes de 40 à 59 ans. Les premiers résultats pourraient déjà être connus en juin prochain.