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Des bactéries « sur mesure » contre Alzheimer

Rosanne Mathot Journaliste

Le lien entre un déséquilibre de la flore intestinale et certaines démences séniles semble désormais établi. Forts de cette découverte, des chercheurs européens mettent au point un test permettant de détecter la maladie à un stade plus précoce. Donc de la traiter plus efficacement.

Porteurs d’espoir et sans appel: les résultats de l’étude italo-suisse menée par la docteure Moira Marizzoni démontrent que certaines protéines, produites par des bactéries présentes dans une flore intestinale déséquilibrée sont liées à la formation des plaques d’amylose dans le cerveau, caractéristiques de la maladie d’Alzheimer. Ces plaques sont des dépôts de protéines qui bloquent le transfert des informations entre les neurones. A terme, elles entraînent la mort des cellules cérébrales. La flore intestinale étant un bouillon de culture propre à chaque individu, à l’instar de l’empreinte digitale, il reste à fabriquer le cocktail de bactéries sur mesure qui permettrait d’empêcher l’amylose cérébrale.

Le microbiote de chacun est unique et vit en symbiose avec son hôte.

L’étude attestant le lien entre microbiote et Alzheimer a été réalisée sur une cohorte de 89 personnes âgées de 65 à 85 ans et publiée dans le Journal of Alzheimer’s Disease. Les chercheurs de Brescia, Naples et Genève y avancent en outre que des protéines produites par des bactéries intestinales pourraient modifier les interactions entre les systèmes immunitaire et nerveux et ainsi déclencher la maladie. S’ils ont raison, ce serait une découverte historique: aujourd’hui, on ne sait pas encore clairement ce qui provoque Alzheimer.

Quant à la flore intestinale, elle est considérée depuis 2017 comme un organe à part entière, que les scientifiques appellent microbiote. Ce dernier pèse à peu près deux kilos et est constitué de micro- organismes (bactéries, virus, champignons) dont le nombre excède de deux à dix fois celui des cellules constituant le corps humain. Le microbiote de chacun est unique et vit en symbiose avec son hôte, lui permettant de lutter contre les inflammations et les allergies.

Il renforce également le système immunitaire, tout en influençant le métabolisme et en assurant une meilleure digestion. En outre, ces micro- organismes sont capables de communiquer avec le cerveau et de jouer sur le comportement humain. Ainsi, outre son implication dans ce type de démence, le microbiote est étudié de près pour son rôle dans l’anxiété, la dépression ou encore l’alcoolisme.

L’ étude italo-suisse permet d’envisager de nouvelles stratégies thérapeutiques, basées sur la modulation et le rééquilibrage de la flore intestinale. Pour ce faire, l’idéal serait d’administrer des cocktails bactériens « sur mesure » à des patients se trouvant aux premiers stades de la maladie d’Alzheimer ou considérés comme fortement à risque. Problème: aujourd’hui, diagnostiquer les pathologies neurodégénératives à un stade précoce est encore une gageure. Mais peut-être plus pour longtemps. Une autre étude européenne, parue dans la revue Nature, propose une façon innovante et efficace d’identifier les sujets à risque, grâce à de simples tests urinaires. Un pas important vient d’être franchi dans le diagnostic et, peut-être, le traitement de cette forme majeure de dégénérescence sénile.

Une Google Map du cerveau

Le cerveau n’avait jamais été cartographié avec une telle précision: la méthodologie mise au point par une équipe israélo-américaine, dont les travaux ont été publiés fin janvier dernier dans la revue Science, a permis d’obtenir la première « Google Map » du cerveau (mort) d’une souris. A savoir une carte dans laquelle on peut se déplacer virtuellement et zoomer à sa guise jusqu’au niveau de l’ ARN. Cette technique, qui n’endommage pas les tissus, est due à des chercheurs de Harvard, du MIT et de l’université Bar-Ilan.

Un microscope voyant à l’échelle nanométrique a pu observer des tissus cérébraux gonflés au préalable avec un gel à base d’acrylamide – le produit utilisé dans les langes pour absorber l’urine. Selon les chercheurs, cette technique est adaptable au cerveau humain et permettrait de réaliser des percées en matière de connaissance de la maladie d’ Alzheimer. En effet, cette pathologie, première cause de démence précoce au monde, attaque progressivement les neurones, provoquant des troubles de la mémoire qui empirent, jusqu’à causer la perte totale des fonctions autonomes, entraînant la mort. Avec le vieillissement constant de la population, parvenir à pister l’évolution de cette pathologie dans le cerveau constitue un défi majeur de santé publique.

Des protéines produites par des bactéries intestinales pourraient modifier les interactions entre les systèmes immunitaire et nerveux et ainsi déclencher la maladie.
Des protéines produites par des bactéries intestinales pourraient modifier les interactions entre les systèmes immunitaire et nerveux et ainsi déclencher la maladie.© getty images

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