Dépression, anxiété… : se soigner grâce aux groupes de parole
Les groupes de parole et de soutien n’ont jamais été aussi nombreux que depuis la fin de la pandémie de coronavirus. Comment fonctionnent-ils, quelles en sont les vertus? Deux thérapeutes livrent leur regard sur ce phénomène de société.
Perdre un enfant, souffrir de fibromyalgie, apprendre que l’on souffre d’un cancer… Ces réalités peuvent s’abattre sur nous du jour au lendemain et affecter considérablement nos vies. Rongée par la douleur, l’anxiété, la souffrance, la personne concernée, malgré un entourage bienveillant et présent, peut malgré tout éprouver le besoin de rencontrer des pairs vivant une épreuve similaire. De ce désir sont nés les groupes d’entraide et de soutien. Leur objectif: permettre aux participants de «déposer» ce qu’ils vivent, d’échanger des expériences, des solutions et apprendre à mieux apprivoiser leur quotidien. Depuis les années 1950 et la création du premier groupe de parole du genre en Belgique – les Alcooliques anonymes (AA) –, ce type de réunion a fait du chemin pour s’élargir toujours un peu plus et englober un nombre croissant de pathologies: dépression, maladie de Parkinson, agoraphobie, mucoviscidose…
Partager une blessure permet, d’une certaine façon, de la porter ensemble. Cela soulage.
Yasmina Harvengt est thérapeute familiale systémicienne au Centre d’accompagnement thérapeutique pluridisciplinaire (CATP), à Bruxelles. Depuis un an, elle propose un atelier autour des contes thérapeutiques aux particuliers mais aussi aux professionnels de la santé mentale (infirmiers en psychiatrie, par exemple). «Chaque participant est amené à rédiger un conte dont le point de départ est une blessure familiale identifiée (abandon, séparation parentale, deuil…), décrit Yasmina Harvengt. Cet exercice lui permet de prendre de la distance avec sa blessure, tout en la racontant au groupe.» Après la lecture, chacun dépeint les émotions ressenties. «C’est là que je me retire et laisse la dynamique du groupe opérer, poursuit la thérapeute. Une fois la confiance réciproque installée, le groupe s’autogère. Souvent, les participants se rendent compte qu’une même blessure peut survenir dans des contextes très différents. Ils constatent le cheminement des uns et des autres et, petit à petit, apprivoisent cette blessure et apprennent à vivre avec. Partager une blessure permet, d’une certaine façon, de la porter ensemble. Cela soulage. A l’issue du feed-back du groupe, chacun a l’opportunité de retoucher quelque peu son conte et de me solliciter si besoin.»
Après la séance, il n’est pas rare que des coordonnées soient échangées et que des membres du groupe se revoient. «C’est un outil très puissant, grâce auquel des éléments très forts du vécu ou des émotions insoupçonnées peuvent jaillir.» Conçu pour être organisé de manière ponctuelle, cet atelier peut être proposé à nouveau quelques mois plus tard, à la demande des participants, afin de bénéficier d’une nouvelle évaluation de leurs contes par Yasmina.
La musique et le corps comme outils
Au centre Benenzon de Schaerbeek, Fabienne Cassiers propose d’accompagner les épreuves de la vie en recourant à la musicothérapie et à la thérapie non verbale. «Parfois, les gens ont des difficultés à mettre des mots sur leurs difficultés. Le mouvement, la voix, les instruments de musique peuvent aider à exprimer, à débloquer quelque chose de l’ordre du pulsionnel, de l’archaïque, développe la psychologue clinicienne. Pour certaines problématiques, comme les douleurs chroniques, la thérapie de groupe est intéressante car les mots sont limités pour définir ce que ces personnes endurent au quotidien. Dans sa communication non verbale, le corps douloureux va pouvoir s’exprimer. On peut aussi inclure dans la thérapie des objets symbolisant la douleur ou l’univers médical, comme des boîtes de médicaments vides, des bandages, etc., le but étant d’apprivoiser la douleur et de réussir à la vivre de manière plus apaisée. Il est fascinant de voir comment les moments de chaos, de déséquilibre, alternent avec les périodes de sérénité. Si une personne se met, par exemple, à pleurer à chaudes larmes, les autres prendront soin d’elle, sans que j’aie besoin d’intervenir. La position du thérapeute, ici, est radicalement différente par rapport à un entretien individuel.»
Une pratique dans l’ère du temps? Selon Fabienne Cassiers, « tout le monde, au cours de son existence, a ressenti ou éprouvera de la souffrance psychique. Consulter un psychologue pour avouer qu’on a besoin d’un coup de main pour continuer à avancer est devenu très banal.» D’après Yasmina Harvengt, ces groupes pour créer du lien ont encore plus de sens dans l’ère post-Covid où les individus ont gardé comme habitude de vivre dans leur bulle sociale. «Notre société est devenue encore plus individualiste, ce qui rend le quotidien des personnes sans famille – mais pas que – extrêmement difficile.»
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