Une mauvaise surprise Covid cet été? Les réponses d’Yves Van Laethem
Vendredi, le Comité de concertation pourrait faire sauter l’obligation de port du masque dans les transports publics, l’une des dernières mesures sanitaires encore en vigueur. Mais à l’approche des vacances d’été et du grand retour des événements de masse, une résurgence du coronavirus et de ses nouveaux variants BA.4 et BA.5 est crainte, notamment par l’ECDC, qui tire la sonnette d’alarme. Pour Le Vif, l’infectiologue et porte-parole interfédéral Covid Yves Van Laethem fait le point sur les inconnues qui demeurent avant l’été.
1. Que disent les chiffres actuels et faut-il s’inquiéter des variants BA.4 et BA.5 d’Omicron?
Yves Van Laethem : « Les chiffres globaux sont toujours en diminution. Les contaminations aussi, mais de façon un peu plus lente. Il n’y a toujours rien de très préoccupant à l’horizon, sauf, peut-être, cette vigilance à avoir quant au variant BA.4, et éventuellement BA.5. On sait que le BA.4 a occasionné une résurgence en Afrique du Sud, mais sans que cela ait de réel impact sur les hôpitaux. Le contexte épidémiologique y était différent. On ne sait donc pas déterminer s’il aura un impact plus important chez nous. Il faut suivre son évolution, mais rien ne nous montre actuellement que c’est un vrai problème. Il faut être prêt à réagir s’il le fallait. Dans l’état actuel des choses, la seule anticipation possible est d’avoir cette discussion quant à la 2e dose de booster, que le Conseil Supérieur de la Santé ne souhaite pas appliquer à tout le monde pour le moment. Si BA.4 provoquait un vrai changement, il faudrait peut-être revoir notre angle d’attaque. »
2. Cet été sonnera le grand retour des festivals et événements de masse, conjugué à des départs en vacances plus importants que les deux années précédentes. Pas de quoi s’inquiéter, selon vous?
Yves Van Laethem : « Cela va certainement provoquer une augmentation des cas chez les jeunes, avec des transmissions possibles à d’autres tranches d’âge. Mais comme on reste sur du Omicron et qu’on baigne dedans depuis des mois… Le virus s’est infiltré partout comme un gaz. On aura le nez qui coule, mais ça n’a pas d’impact sociétal. On ne pense donc pas que ces grands événements vont poser des réels problèmes de santé publique. Evidemment, certaines personnes seront plus touchées que d’autres, mais il faut que l’on vive avec pour l’instant. Il n’y a pas d’autres solutions miracles qui permettent de blinder ces personnes, si ce n’est de réaliser sa dose de rappel. »
3. Justement, peut-on s’attendre à un 2e rappel pour tout le monde à l’automne, ou avant?
Yves Van Laethem : « Pas pour tout le monde. Il n’est pas du tout évident d’affirmer que ‘monsieur et madame tout le monde’ ait besoin de ce deuxième rappel. Si on reste avec le même genre de variant, cette dose n’aura probablement pas énormément d’impact sur cette tranche-là de la population. Par contre, les personnes âgées, immunodéprimées, ou les personnes souffrant de comorbidités auront très probablement cette recommandation. Pour le reste de la population, cela dépendra fortement de ce qu’on sent venir d’ici l’automne. Si la population générale a une place, ce ne sera donc pas en août et septembre, mais plutôt en octobre, début novembre, en fonction de l’évolution des choses. »
4. Les personnes qui n’ont pas réalisé leur troisième dose sont-elles plus hospitalisées et contaminées?
Yves Van Laethem: « Dans les hospitalisés, on retrouve de tout. Aussi des personnes avec trois doses. Mais il y a davantage de gens hospitalisés qui n’ont pas de troisième dose. Une vraie protection est directement liée à cette troisième dose. Plus spécialement chez les personnes à risque. Si une personne diabétique ou hypertendue n’a pas encore réalisé son rappel, il y a vraiment quelque chose à y gagner. »
5. Les départs en vacances approchent, doit-on prendre des précautions particulières?
Yves Van Laethem : « Il y a des précautions de bons sens. Lorsqu’on va dans un grand rassemblement, on sait qu’il y a plus de risques que si l’on reste en petit comité. Cela reste du bon sens et chacun peut agir en fonction de son état de santé. Il restera des ‘balles perdues’ durant tout l’été, que ce soit ici ou à Torremolinos. Il n’y aura plus beaucoup de ‘balles perdues’, mais encore suffisamment pour toucher certaines personnes à risque. Cependant, sous réserve de l’évolution du variant BA.4, et sous réserve d’une surprise sortie du chapeau du prestidigitateur, qui nous enquiquinerait, il n’y a pas de raison de se dire qu’on court un danger visible. On ne devrait pas avoir de gros clash cet été.»
6. Certains virologues disent pourtant qu’on a trop vite oublié le virus. Plus grand monde n’applique les gestes barrières. Votre avis?
Yves Van Laethem : « Il est très difficile de continuer à imposer des gestes barrières maintenant. J’étais persuadé que ceux-ci allaient sauter dès que la pression du virus baisserait. A moins de mettre des troupes à tous les coins de rue, il n’est pas possible de continuer à imposer les gestes barrières. On a cette immunité avec le vaccin. Par contre, il faudrait que les médicaments (les antiviraux, NDLR.) soient plus accessibles. Pour que ceux qui ne réagissent pas suffisamment au vaccin aient une solution de repli. Je trouve qu’on a encore du mal à déterminer la bonne de façon de recourir à ces médicaments. La population générale n’en a aucunement besoin. Pour autant, il ne faut pas qu’ils restent dans un coffre-fort. J’observe un certain fardeau dans la manière de les rendre accessibles. Le but est de les employer à bon escient, mais pour l’instant, on ne les emploie pas. On joue vraiment à Oncle Picsou, assis sur son trésor, qui donne par-ci par-là un traitement. Selon moi, ce n’est pas la bonne manière de faire. »
7. Un nouveau Codeco aura lieu vendredi. Que peut-on en attendre?
Yves Van Laethem : « Il reste la question du port du masque dans les transports publics. Pour moi, son utilité y devient marginale. Je suis favorable à ce qu’on arrête de l’employer maintenant. La mesure pourrait être réappliquée à l’automne, si quelque chose d’important ressurgit d’ici-là. Vu la manière dont le masque est employé dans les transports en commun -peu porté, ou mal porté-, la mesure n’est plus très pertinente.
A l’hôpital, je pense qu’on doit maintenir son usage. Dans les autres endroits, c’est plus complexe à déterminer, car on est souvent dans des relations entre deux individus. L’hôpital est une boite fermée. Mais aller chez un médecin, chez un pharmacien, c’est un peu comme si vous alliez chez le coiffeur ou chez le boucher. Je suis donc un peu dubitatif, c’est plus complexe à implémenter. »
8. Quand peut-on espérer recevoir les vaccins adaptés à Omicron?
Yves Van Laethem : « Ils devraient arriver dans les mois qui viennent. D’ici mi-septembre. Mais il faudra une preuve formelle que ceux que l’on reçoit –essentiellement de Pfizer- seront efficaces sur les nouveaux variants Omicron. Pour l’instant, je ne suis pas certain qu’ils vont faire une énorme différence. Ils ne sont pas moins bons. Mais sont-ils nettement meilleurs, ce n’est pas encore totalement sûr. Sauf surprise, ils devraient donc être disponibles pour la prochaine vague de vaccination de la fin de l’été – début de l’automne.
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