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Hausse des congés parentaux: « La pandémie a pesé très lourd sur les parents »

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

En 2021, près de 80 000 employés ont pris un congé parental pour s’occuper de leurs enfants. Un chiffre en hausse par rapport à 2019, et aux années précédentes. « La pandémie a pesé très lourd sur les parents »,  souligne Laura Merla, professeure de sociologie à l’UCLouvain.

L’année dernière, 79 008 employés en moyenne par mois ont eu recours aux congés parentaux, révèlent les chiffres de l’ONEM (Office National de l’Emploi). Pour l’année 2020, ce chiffre s’élève à 90 339, mais il est dopé par le congé parental spécial corona qui était en vigueur du 1er mai 2020 au 30 septembre 2020. Par rapport à 2019, le chiffre a augmenté de plus de 13% (il était de 68 688 en 2019).

Même si de nombreux parents ont interrompu leurs congés parentaux ou leur crédit-temps pour bénéficier du congé parental spécial corona et ont utilisé leurs congés restants en 2021, ce n’est pas la seule explication à la hausse de demandes.

Course effrénée

Pour la sociologue Laura Merla, la pandémie de Covid continue à jouer un rôle dans l’augmentation de congés parentaux. « La pandémie a pesé vraiment très lourd. Les parents ont dû en même temps s’occuper des enfants, continuer à travailler et faire face à un mode de vie complètement différent. Je pense que beaucoup de parents essaient un peu de diminuer le rythme de la course effrénée dans laquelle ils se trouvent, et l’effectif des congés parentaux permet de dégager du temps pour s’occuper de leurs enfants de manière plus sereine ». Elle rappelle que les enfants ont souffert de la pandémie, particulièrement, dans leur parcours scolaire.

Sans surprise, la part de femmes à prendre des congés parentaux est toujours nettement supérieure à celle des hommes : en 2021, 51 853 mères ont eu recours aux systèmes de congés parentaux, contre 27 155 pères.  Cependant, la situation évolue, et le nombre de pères à prendre un congé pour s’occuper de leurs enfants a pratiquement doublé par rapport à 2012, même si à partir des 7-8 ans de l’enfant, un congé parental sur deux est pris par un papa. « En Belgique ce sont les femmes qui se chargent de la plus grosse part de l’éducation des enfants, et c’est sans doute plus le cas encore pour les enfants en bas âge. Les parents en couple doivent négocier. Les deux parents ne peuvent pas être en congé en même temps. Et donc dans le séquençage du congé entre père et mère, c’est davantage la maman qui au début réduit son temps de travail pour s’occuper d’un enfant plus jeune, et puis le papa prend le relais une fois que la maman a épuisé ses possibilités de congé parental« , explique Laura Merla.

Elle rappelle que parmi les femmes à prendre les congés parentaux, il y a une part non négligeable de mères célibataires. « A Bruxelles, par exemple, un ménage sur dix est une famille monoparentale, et la plupart des familles monoparentales ont à leur tête une femme. Si elles sont seules à élever leurs enfants, c’est elles qui vont prendre le congé parental pour s’en occuper », souligne-t-elle.

Si les hommes ont plus tendance à réduire leur temps de travail qu’avant, ils sont beaucoup moins nombreux que les femmes à prendre des congés parentaux à temps plein. En Wallonie, par exemple, les hommes ont pris 285 congés parentaux à temps plein en 2021, contre 1 280 pour les femmes. Pour Laura Merla, cet écart est également lié aux attentes professionnelles que l’on peut avoir par rapport à un père. « Les mentalités changent, mais en fonction du milieu professionnel, petite entreprise, etc. il peut y avoir plus de difficultés pour les hommes à se projeter vers un congé parental à mi-temps, voire à un temps plein ».

Les hommes toujours mieux rémunérés que les femmes

A cela s’ajoute qu’en Belgique, les hommes ont globalement une meilleure rémunération que leurs conjointes. « Par conséquent, le coût financier pour le couple d’un passage du papa à mi-temps ou d’un arrêt complet est plus élevé que si c’est la maman qui le prend. Il y a aussi énormément de femmes qui travaillent à temps partiel. Et donc quand un couple doit décider comment articuler au mieux vie professionnelle et familiale pour les prochaines années, il prend en compte qui a accès au congé, qui peut se permettre de le prendre vis-à-vis de son employeur et ce qui est possible par rapport aux finances du ménage. »

Le 11 octobre dernier, le  gouvernement fédéral a décidé de limiter la possibilité de prendre un crédit-temps à temps plein. Celui-ci permet de suspendre temporairement sa carrière pour s’occuper d’un enfant mais aussi d’un proche en soins palliatifs ou gravement malade.

« Abaisser l’âge de l’enfant à 5 ans, réduire la durée maximale de congés à 48 mois, et exclure les personnes ayant une ancienneté professionnelle de moins de 36 mois créera des difficultés insurmontables pour de nombreux parents, tout en renforçant les inégalités de genre, d’âge, d’origine nationale et de classe, déjà présentes dans le système », dénonce Laura Merla dans une carte blanche cosignée avec des confrères, parue dans le Soir.

Recul de l’égalité des genres

Pour elle, la mesure du gouvernement risque de faire reculer l’égalité des genres. « Ce sont plutôt les femmes qui prennent les congés dans les premières années, et puis les hommes prennent le relais. Si on se limite aux cinq premières années de l’enfant, ce sont plutôt les mamans qui vont prendre les congés ou le crédit-temps, et ce d’autant plus que jusqu’à présent, les parents avaient tendance à prendre le congé parental en premier lieu parce qu’il est mieux rémunéré que le crédit-temps, et puis de basculer en crédit-temps, mais si cette possibilité n’existe plus, il faudra prendre le congé parental… », déclare la sociologue.

C’est également l’avis de la Ligue des familles. « Les parents attendaient un renforcement de ces congés qui sont très mal rémunérés or le gouvernement, au contraire, taille dans ces dispositifs de conciliation vie privée-vie professionnelle », soulignait Lola Galer, chargée d’études à la Ligue des Familles, auprès de l’agence Belga. « C’est un recul des droits et on risque d’avoir, très vite, des parents à bout qui vont craquer« . Résultat? « Ces parents vont passer en incapacité de travail, se retirer du marché de l’emploi, prétendre au chômage… et donc les économies que l’on pensait faire aujourd’hui, il faudra sans doute les payer plus tard. »

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